(Ce titre est issu d'une authentique pub de jus de fruit!!!)
Varanasi est assez juteuse merci! Mais d'abord, retour a l'ordre chronologique...
Pour passer de Jaisalmer a Pushkar, j'ai du prendre deux autobus pour un total de pres de 12h de transport, et le depart a l'aube m'a laissee glacee jusqu'aux os. Les bus locaux, peu chers mais crottes et bringuebalants, sont un test pour ma patience. Lors du deuxieme trajet, ma voisine au demeurant fort charmante m'a obstinement rentre son coude dans la cage thoracique pendant trois heures, allaitant son bebe d'un an qui a tout fait sur moi: crache, tousse, morve, essuye ses doigts huileux sur mon pantalon, et meme... fait pipi sur le banc.A propos, il faut apprendre a decoder quand est-ce qu'on peut aller pisser, car evidemment le chauffeur n'annonce jamais rien d'avance. S'il coupe le moteur, c'est bon signe: on a environ deux-trois minutes top chrono pour: reperer les chiottes (souvent un simple muret de ciment a ciel ouvert, ou l'on se soulage a meme le sol de terre, sans eau ni egout, wow j'en connais qui flipperaient), se reculotter, attraper une bouteille d'eau au besoin et se precipiter a travers les gens qui se bousculent pour remonter a bord a temps, tandis que le chauffard redemarre sans attendre, pas de quartier! Car il y a deux sortes de conducteurs en Inde: ceux qui sont a moitie fous, et ceux qui le sont pour de bon. Je n'ai jamais autant parle a mes anges gardiens qu' ici, quand les males au volant (calamite qui reduit l'esperance de vie comme peau de chagrin et croit mordicus detenir le monopole en matiere de priorite) foncent virilement vers ce qui semble etre une collision frontale certaine, le tout pour effectuer un depassement hautement risque et gagner trente secondes dans un trajet qui de toutes facons ne sera jamais rapide, routes deglinguees et circulation dense obligent...
Un circuit qui au Quebec prendrait une heure et demi en prend six en Inde, c'est une vitesse d'escargot.
Mais bon, c'est vrai que j'ai tout mon temps!
En voyage, parfois le temps se fige et coule paresseusement, ralenti, comme une riviere obstruee par des embacles, et d'autres fois il fuit comme un torrent de montagne impatient. A Pushkar, deuxieme coup de coeur, j'ai ressenti un grand calme descendre dans mes os, denouant mes nerfs et apaisant toute tension, me laissant dans un bienheureux etat quasi larvaire, a me chauffer au soleil et a lire, affalee sur des coussins, sirotant d'innombrables chai; chaque jour ressemblant comme un jumeau au precedant, mais sans ennui, bien au contraire! Quel delice... Alanguie, detendue, je me suis refait des forces et j'ai aussi vecu de bons moments de vie sociale, grace a Chloey, une Australienne super "smatte" rencontree a Jaisalmer et qui m'a fait connaitre le U turn guest house, devenu mon chez moi pour une semaine, avec son "staff" jeune et souriant, sa bonne bouffe et sa vue incomparable sur le lac sacre.
Ma chambre, fort modeste ( mais a 3$ je n'oserais me plaindre!) est au rez-de-chaussee, et a l'aube j'entends les pelerins psalmodier et faire tinter des cloches, car ce lieu est a visiter au moins une fois dans la vie de chaque devot hindou. On le venere comme etant le lieu de la creation du monde, rien de moins! Ici repose un des quelques Brahma temple au monde, et la legende veut que le lac soit apparu lorsque le createur Brahma a laisse tomber du ciel une fleur de lotus bleue. Il y a 52 ghats pour se baigner (comment traduire ce mot? Ce sont des escaliers imposants qui descendent jusqu'a l'eau), et une importante buisiness de pujas s'y deroule. Ce sont des offrandes ritualisees, avec fleurs, encens, noix de coco, etc. Je m'y suis fait prendre, comme une debutante, et je me suis sentie un peu pas mal pressurisee pour faire un don (les brahmans reclament des gros sous aux touristes). Eh oui le bon karma s'achete avec des roupies, soupir!
La rue principale est bondee de boutiques de vetements hippie, (de bon et de mauvais gout) a des prix tres abordables. L'attraction principale, hormis le lac, est le temple de Saraswati, simple mais perche au sommet d'une colline qui donne une vue majestueuse, a redonner le souffle a un asthmatique! Deux fois, j'ai escalade les marches escarpees, au risque de me faire bousculer par un petit troupeau de chevres qui devalait en trombe, et j'ai du me battre au "souk a la corde" avec un gros singe male, qui a tente de me voler mon sac a dos pour s'emparer d'une orange! Que d'action, a chaque coin de rue je vous dis! Vu un jeune garcon qui jouait d'un instrument de musique evoquant le violon (semblable a un kamankche), et son frerot de deux ans, turban sur la tete, qui dansait en tournant, tout crasseux mais o combien heureux de vivre! Merci petit bonhomme pour ta bouille d'ange et ton rire inoubliable.
J'ai du prendre pres de cinq livres en une semaine, car en plus de mon inactivite vegetative, nous fumes invites a participer a un mariage qui s'est etale sur trois soirs, ainsi qu' a deux anniversaires d'enfants, donc on s'est fait gaver de nourriture aussi abondante que delicieuse. Nous avons bien danse, et ce fut hilarant, car les hommes sont tous assez "show off" et adorent se tremousser le pelvis en faisant du lip synch: ils connaissent toutes les choregraphies des videoclips et s'y mettent a plusieurs pour donner un chaud spectacle! La bonne humeur regne, on ne se prend pas au serieux ici, c'est un esprit joueur et bon enfant qui anime tout ce beau monde... Les femmes sont plus discretes mais certaines ont tout de meme droit a leur cinq minutes de gloire quand elles se lancent dans une danse mi elegante, mi lascive, ondulant des hanches avec art.
Nous avons participe au fameux defile des maries en dansant avec les musiciens (quel cacophonie, deux-trois rythmes differents pour une seule fanfare!), et lance une pluie de petales de fleurs sur les epoux du haut d'un balcon, j'etais excitee comme une petite fille a Noel! A un moment, une vache apeuree par un gros petard a fonce sur la foule pour s'enfuir (ca prend des bons reflexes!) Au son des tambours, les gens dansaient comme des dechaines, souleves par une liesse passionnee, le sourire fendu jusqu'aux oreilles, hurlant et riant, animes d' une energie brute, primitive. J'ai adore mon experience, meme si j'ai encore pris froid le soir ou j'ai revetu mon sari (pas evident par ailleurs de danser sur de la musique techno avec ca!).
J'ai fait deux massages payants (des pinottes mais bon c'etait pour des amis) et un des gerants du guest house m'a dit que si je restais, il me trouverait des clients moyennant une commission. J'ai decline mais si je manque d'argent je pourrai me debrouiller sans doute. Ca m'a donne mal au dos de masser sur un lit, ce n'est pas l'ideal mais ca permet de ne pas perdre la main!
Vu un concert intime de musique soufie (Quawal) que j'adoooore: harmonium, chant intense qui eleve l'ame et percussions. (Rajastan Josh et Divana group, de Jaisalmer, venus jouer dans notre hotel!) J'etais si touchee que j'ai verse des larmes, et j'etais gonflee a bloc apres, impossible d'aller dormir.
Le 14, jour de la St-Valentin, je quitte en bus pour Bundi, trajet de 160km qui dure plus de six heures.
A l'arret pipi, j'ai vu les chiottes les plus puantes de ma vie, avec des cochons qui nous passent entre les jambes pour grignoter de fetides ordures, miam! Mes regles commencent, j'ai un torticolis de la muerte,tout le dos en marmelade, je me tape une rechute de sinusite, puis bientot une nouvelle indigestion et tout ce qui s'ensuit...merde alors! Bref mon arrivee a Bundi n'est pas glorieuse. Je me sens seule et deprimee, exasperee par les mecs qui veulent me marier et me faire un bebe apres m'avoir parle dix minutes!!! Lu: Holy Cow, bouquin hilarant relatant l'histoire d'une Australienne venue vivre en Inde deux ans, cela m'a reconfortee en quelque sorte...
Ce n'est pas tout, j'ai une question qui resonne en moi: puis-je m'abandonner a aimer sans peur?
LIFE IS ABOUT LIVING... IT IS THE CELEBRATION OF A MYSTERIOUS GIFT,
and the most religious thing we can do is enjoy it. To laugh joyfully and with gratitude is
the same as giving thanks and praise through prayer. -Joyce Carey
A Bundi, c'est charmant mais je sens que j'en ai assez de deux nuits, j'ai vite fait le tour et visite le palais en ruine, le fort, et vu le lac, ca me suffit. Redepart, en bus de nuit vers Khajuraho.C'est pas simple, il faudra que je change d'autobus trois fois, encore un seize heures de deplacement. Sourire du destin, je recroise France, une montrealaise d'abord vue a Jaisalmer, et nous partageons une chambre et placotons dans une bonne entente simple et sans chichis! C'est agreable. L'hotel ressemble a un monastere (en moins propre, heurk), c'est calme mais il y a un couvre-feu ridicule (il faut etre rentrees avant 22h car le vieux monsieur ferme la grille a cle pour la nuit!) .
C'est une petite ville tranquille, entouree de campagne verdoyante. Nous visitons la vielle ville et sommes assaillis d'enfants qui mendient, c'est vraiment trop... Khajuraho est reputee pour ses 25 temples epoustouflants, datant du dixieme siecle, tres bien conserves et faisant partie du patrimoine mondial. Bijoux d'architecture et regal pour les yeux, ces oeuvres d'art rassemblent le sacre et le terrestre, car sur les parois exterieures on retrouve des scenes de la vie courante (pretres, guerriers, epoux, musiciens, animaux) mais aussi de nombreuses representations erotiques. Les sursundaris ou apsaras, beautes celestes, sont des nymphes gracieuses et voluptueuses qui entourent les couples enlaces dans des etreintes parfois acrobatiques, torrides et tres explicites. Pourquoi des scenes de sexe sur des lieux de culte? Plusieurs hypotheses existent a ce sujet, selon les differents historiens. L'une est de faire office de catharsis, pour debarrasser les devots de leurs pensees impures avant d'aller au temple (procede dont l'efficacite me parait douteuse), une autre est que l'acte d'union charnelle symbolise l'union de l'ame humaine avec le divin. Un des temples, dedie a Shiva, abrite un lingam de dix pieds de haut, forme cylindrique evoquant le phallus, rappelant la force creatrice originelle qui a faconne l'univers. Cette abondance visuelle m'a plongee dans un silence invitant la meditation et quand je vais me retrouver seule j'ai envie de faire un jeune et une mini-retraite personnelle de contemplation. Oui, j'ai un regain d'envie de purification, de centration, faire le vide un brin...J'aspire toujours a la serenite, meme si elle m'echappe plus souvent qu'autrement.
La derniere journee, nous allons au bord d'une riviere, en passant par de petits villages ruraux, tres pittoresques. Je nage une heure dans l'eau fraiche et me sens revivre: besoin de retrouver un peu de mouvement, prendre soin de mon corps. Pas fait assez de sport depuis trois mois-besoin d'endorphines!
Puis, encore un train de nuit, pour aller a Varanasi (Benares), ou nous arrivons pile poil le jour de Shivaratri, fete importante celebree en fevrier et mars a la lune noire; temps de reflexion et de priere, ou l'obscurite de la nuit devient la metaphore des opposes: tout comme la nuit suit le jour, la mort suit la vie... Donc pour l'occasion, il y a des centaines, non des milliers de pelerins qui viennent faire la file pendant des heures sous le soleil cuisant pour avoir la chance de poser leurs offrandes au pieds de Shiva, c'est quelque chose a voir!
Le soir, il y aura un defile exhuberant a souhait, avec des enfants deguises en divinites colorees, des musiciens, des jeunes gens en delire qui nous barbouillent le front de rouge et nous donnent des poignees de sucre beni...L'appareil photo de France clique sans arret!Ce soir-la, bien des gens boivent des "bang lassi", des laits frappes avec de l'herbe (dope) dedans, tres peu pour moi! On ne rentrera pas tard, pour eviter les problemes, et a l'hotel on rencontre trois montrealais avec qui on fraternise autour d'une biere, dont une jeune fille qui connait la meilleure amie de France, it's a small world!
Je n'arrive pas a trouver les mots justes pour decrire la sensation d'arriver ici, dans cette ville grouillante, malodorante (bonjour remugles de pisse fermentee, de monoxyde et d'egouts!), sainte, crade, folle, captivante, unique; l'une des plus anciennes cites (continuellement habitee) au monde. Des les premieres heures a arpenter les ghats, on tombe sur le site de cremation, on voit des corps recouverts d'un simple drap blanc se faire installer sur des buchers et s'enflammer...Jusqu'a quinze ou vingt cadavres sont incineres en meme temps, a ciel ouvert, au bord du Gange, le meilleur lieu selon les hindous pour cesser enfin le cycle des incarnations. Les fumees acres me donnent la nausee au bout d'un moment. Les chiens, les vaches et les chevres se promenent librement sur le site, grignotant de-ci de-la des guirlandes de fleurs et autres machins non identifies, et les employes, qui travaillent sans relache 24h sur 24h, repoussent dans le feu un pied tombe a cote, replacant le corps calcine d'un coup de baton peu delicat, c'est pour le moins particulier... Je me sens tout de meme privilegiee d'etre la, c'est un des endroits que je tenais a voir absolument. Sauf exception, les gens ne sont pas tristes, c'est une liberation pour leurs proches. On peut voir, a meme les marches, les fils endeuilles se faire raser le crane en signe de deuil.
Il y a une abondance de sadhus (vrais ou faux), saints hommes nus enduits de cendres ou vetus d'orange, assis et attendant le bon vouloir des croyants pour se nourrir et/ ou macher leur pan (mixture repugnante de tabac et de parfum, que les hommes recrachent en jets rougeatres qui abiment les dents). Hier, nous avons du marcher quinze kilometres et j'ai eu la surprise de retrouver la petillante Loutte rencontree a Hampi, Youppi!
Nouveau clin d'oeil du sort, elle creche au meme hotel que nous!!! Hier donc, alles souper en bande, Quebecois, Francais, Japonais et Polonais melanges, (delicieuse pizza mais mechante perte de temps pour negocier nos rickshaw) et dormi seulement quatre heures pour aller au bord de l'eau avant le lever du soleil, trouver un bateau a rames (que de marchandage, mamma mia c'est epuisant a la longue). J'ai eu la mauvaise surprise de marcher jusqu'a la cheville dans l'eau du Gange (dans le fond du bateau, entre deux planches disjointes), ce qui devrait purifier mon pied de tous ses peches mais du meme coup l'ex[pose a une soupe d'un million cinq cent mille bacteries au centimetre cube...Je ne m'en fais pas trop, il y a des gens qui se brossent les dents avec cette eau, (ils ont plus de foi que moi), mais j'ai quand meme lave mon pied au savon et a l'acool en revenant a ma chambre!!! Ah oui: vu aussi un spectacle de theatre costume tres comique, hier soir, incarnant Krisnha pourfendant des mechants, c'etait du grand kitsch, quasi psychedelique!!! Savoureux mais a prendre a petites doses, comme un dessert trop sucre!
Qu'ajouter?
"The ultimate answers cannot be given, they can only be received." -Tom Robbins (excellent romancier!)
Merci de me lire les potes, ca me fait plaisir. A la prochaine chronique!!!
Varanasi est assez juteuse merci! Mais d'abord, retour a l'ordre chronologique...
Pour passer de Jaisalmer a Pushkar, j'ai du prendre deux autobus pour un total de pres de 12h de transport, et le depart a l'aube m'a laissee glacee jusqu'aux os. Les bus locaux, peu chers mais crottes et bringuebalants, sont un test pour ma patience. Lors du deuxieme trajet, ma voisine au demeurant fort charmante m'a obstinement rentre son coude dans la cage thoracique pendant trois heures, allaitant son bebe d'un an qui a tout fait sur moi: crache, tousse, morve, essuye ses doigts huileux sur mon pantalon, et meme... fait pipi sur le banc.A propos, il faut apprendre a decoder quand est-ce qu'on peut aller pisser, car evidemment le chauffeur n'annonce jamais rien d'avance. S'il coupe le moteur, c'est bon signe: on a environ deux-trois minutes top chrono pour: reperer les chiottes (souvent un simple muret de ciment a ciel ouvert, ou l'on se soulage a meme le sol de terre, sans eau ni egout, wow j'en connais qui flipperaient), se reculotter, attraper une bouteille d'eau au besoin et se precipiter a travers les gens qui se bousculent pour remonter a bord a temps, tandis que le chauffard redemarre sans attendre, pas de quartier! Car il y a deux sortes de conducteurs en Inde: ceux qui sont a moitie fous, et ceux qui le sont pour de bon. Je n'ai jamais autant parle a mes anges gardiens qu' ici, quand les males au volant (calamite qui reduit l'esperance de vie comme peau de chagrin et croit mordicus detenir le monopole en matiere de priorite) foncent virilement vers ce qui semble etre une collision frontale certaine, le tout pour effectuer un depassement hautement risque et gagner trente secondes dans un trajet qui de toutes facons ne sera jamais rapide, routes deglinguees et circulation dense obligent...
Un circuit qui au Quebec prendrait une heure et demi en prend six en Inde, c'est une vitesse d'escargot.
Mais bon, c'est vrai que j'ai tout mon temps!
En voyage, parfois le temps se fige et coule paresseusement, ralenti, comme une riviere obstruee par des embacles, et d'autres fois il fuit comme un torrent de montagne impatient. A Pushkar, deuxieme coup de coeur, j'ai ressenti un grand calme descendre dans mes os, denouant mes nerfs et apaisant toute tension, me laissant dans un bienheureux etat quasi larvaire, a me chauffer au soleil et a lire, affalee sur des coussins, sirotant d'innombrables chai; chaque jour ressemblant comme un jumeau au precedant, mais sans ennui, bien au contraire! Quel delice... Alanguie, detendue, je me suis refait des forces et j'ai aussi vecu de bons moments de vie sociale, grace a Chloey, une Australienne super "smatte" rencontree a Jaisalmer et qui m'a fait connaitre le U turn guest house, devenu mon chez moi pour une semaine, avec son "staff" jeune et souriant, sa bonne bouffe et sa vue incomparable sur le lac sacre.
Ma chambre, fort modeste ( mais a 3$ je n'oserais me plaindre!) est au rez-de-chaussee, et a l'aube j'entends les pelerins psalmodier et faire tinter des cloches, car ce lieu est a visiter au moins une fois dans la vie de chaque devot hindou. On le venere comme etant le lieu de la creation du monde, rien de moins! Ici repose un des quelques Brahma temple au monde, et la legende veut que le lac soit apparu lorsque le createur Brahma a laisse tomber du ciel une fleur de lotus bleue. Il y a 52 ghats pour se baigner (comment traduire ce mot? Ce sont des escaliers imposants qui descendent jusqu'a l'eau), et une importante buisiness de pujas s'y deroule. Ce sont des offrandes ritualisees, avec fleurs, encens, noix de coco, etc. Je m'y suis fait prendre, comme une debutante, et je me suis sentie un peu pas mal pressurisee pour faire un don (les brahmans reclament des gros sous aux touristes). Eh oui le bon karma s'achete avec des roupies, soupir!
La rue principale est bondee de boutiques de vetements hippie, (de bon et de mauvais gout) a des prix tres abordables. L'attraction principale, hormis le lac, est le temple de Saraswati, simple mais perche au sommet d'une colline qui donne une vue majestueuse, a redonner le souffle a un asthmatique! Deux fois, j'ai escalade les marches escarpees, au risque de me faire bousculer par un petit troupeau de chevres qui devalait en trombe, et j'ai du me battre au "souk a la corde" avec un gros singe male, qui a tente de me voler mon sac a dos pour s'emparer d'une orange! Que d'action, a chaque coin de rue je vous dis! Vu un jeune garcon qui jouait d'un instrument de musique evoquant le violon (semblable a un kamankche), et son frerot de deux ans, turban sur la tete, qui dansait en tournant, tout crasseux mais o combien heureux de vivre! Merci petit bonhomme pour ta bouille d'ange et ton rire inoubliable.
J'ai du prendre pres de cinq livres en une semaine, car en plus de mon inactivite vegetative, nous fumes invites a participer a un mariage qui s'est etale sur trois soirs, ainsi qu' a deux anniversaires d'enfants, donc on s'est fait gaver de nourriture aussi abondante que delicieuse. Nous avons bien danse, et ce fut hilarant, car les hommes sont tous assez "show off" et adorent se tremousser le pelvis en faisant du lip synch: ils connaissent toutes les choregraphies des videoclips et s'y mettent a plusieurs pour donner un chaud spectacle! La bonne humeur regne, on ne se prend pas au serieux ici, c'est un esprit joueur et bon enfant qui anime tout ce beau monde... Les femmes sont plus discretes mais certaines ont tout de meme droit a leur cinq minutes de gloire quand elles se lancent dans une danse mi elegante, mi lascive, ondulant des hanches avec art.
Nous avons participe au fameux defile des maries en dansant avec les musiciens (quel cacophonie, deux-trois rythmes differents pour une seule fanfare!), et lance une pluie de petales de fleurs sur les epoux du haut d'un balcon, j'etais excitee comme une petite fille a Noel! A un moment, une vache apeuree par un gros petard a fonce sur la foule pour s'enfuir (ca prend des bons reflexes!) Au son des tambours, les gens dansaient comme des dechaines, souleves par une liesse passionnee, le sourire fendu jusqu'aux oreilles, hurlant et riant, animes d' une energie brute, primitive. J'ai adore mon experience, meme si j'ai encore pris froid le soir ou j'ai revetu mon sari (pas evident par ailleurs de danser sur de la musique techno avec ca!).
J'ai fait deux massages payants (des pinottes mais bon c'etait pour des amis) et un des gerants du guest house m'a dit que si je restais, il me trouverait des clients moyennant une commission. J'ai decline mais si je manque d'argent je pourrai me debrouiller sans doute. Ca m'a donne mal au dos de masser sur un lit, ce n'est pas l'ideal mais ca permet de ne pas perdre la main!
Vu un concert intime de musique soufie (Quawal) que j'adoooore: harmonium, chant intense qui eleve l'ame et percussions. (Rajastan Josh et Divana group, de Jaisalmer, venus jouer dans notre hotel!) J'etais si touchee que j'ai verse des larmes, et j'etais gonflee a bloc apres, impossible d'aller dormir.
Le 14, jour de la St-Valentin, je quitte en bus pour Bundi, trajet de 160km qui dure plus de six heures.
A l'arret pipi, j'ai vu les chiottes les plus puantes de ma vie, avec des cochons qui nous passent entre les jambes pour grignoter de fetides ordures, miam! Mes regles commencent, j'ai un torticolis de la muerte,tout le dos en marmelade, je me tape une rechute de sinusite, puis bientot une nouvelle indigestion et tout ce qui s'ensuit...merde alors! Bref mon arrivee a Bundi n'est pas glorieuse. Je me sens seule et deprimee, exasperee par les mecs qui veulent me marier et me faire un bebe apres m'avoir parle dix minutes!!! Lu: Holy Cow, bouquin hilarant relatant l'histoire d'une Australienne venue vivre en Inde deux ans, cela m'a reconfortee en quelque sorte...
Ce n'est pas tout, j'ai une question qui resonne en moi: puis-je m'abandonner a aimer sans peur?
LIFE IS ABOUT LIVING... IT IS THE CELEBRATION OF A MYSTERIOUS GIFT,
and the most religious thing we can do is enjoy it. To laugh joyfully and with gratitude is
the same as giving thanks and praise through prayer. -Joyce Carey
A Bundi, c'est charmant mais je sens que j'en ai assez de deux nuits, j'ai vite fait le tour et visite le palais en ruine, le fort, et vu le lac, ca me suffit. Redepart, en bus de nuit vers Khajuraho.C'est pas simple, il faudra que je change d'autobus trois fois, encore un seize heures de deplacement. Sourire du destin, je recroise France, une montrealaise d'abord vue a Jaisalmer, et nous partageons une chambre et placotons dans une bonne entente simple et sans chichis! C'est agreable. L'hotel ressemble a un monastere (en moins propre, heurk), c'est calme mais il y a un couvre-feu ridicule (il faut etre rentrees avant 22h car le vieux monsieur ferme la grille a cle pour la nuit!) .
C'est une petite ville tranquille, entouree de campagne verdoyante. Nous visitons la vielle ville et sommes assaillis d'enfants qui mendient, c'est vraiment trop... Khajuraho est reputee pour ses 25 temples epoustouflants, datant du dixieme siecle, tres bien conserves et faisant partie du patrimoine mondial. Bijoux d'architecture et regal pour les yeux, ces oeuvres d'art rassemblent le sacre et le terrestre, car sur les parois exterieures on retrouve des scenes de la vie courante (pretres, guerriers, epoux, musiciens, animaux) mais aussi de nombreuses representations erotiques. Les sursundaris ou apsaras, beautes celestes, sont des nymphes gracieuses et voluptueuses qui entourent les couples enlaces dans des etreintes parfois acrobatiques, torrides et tres explicites. Pourquoi des scenes de sexe sur des lieux de culte? Plusieurs hypotheses existent a ce sujet, selon les differents historiens. L'une est de faire office de catharsis, pour debarrasser les devots de leurs pensees impures avant d'aller au temple (procede dont l'efficacite me parait douteuse), une autre est que l'acte d'union charnelle symbolise l'union de l'ame humaine avec le divin. Un des temples, dedie a Shiva, abrite un lingam de dix pieds de haut, forme cylindrique evoquant le phallus, rappelant la force creatrice originelle qui a faconne l'univers. Cette abondance visuelle m'a plongee dans un silence invitant la meditation et quand je vais me retrouver seule j'ai envie de faire un jeune et une mini-retraite personnelle de contemplation. Oui, j'ai un regain d'envie de purification, de centration, faire le vide un brin...J'aspire toujours a la serenite, meme si elle m'echappe plus souvent qu'autrement.
La derniere journee, nous allons au bord d'une riviere, en passant par de petits villages ruraux, tres pittoresques. Je nage une heure dans l'eau fraiche et me sens revivre: besoin de retrouver un peu de mouvement, prendre soin de mon corps. Pas fait assez de sport depuis trois mois-besoin d'endorphines!
Puis, encore un train de nuit, pour aller a Varanasi (Benares), ou nous arrivons pile poil le jour de Shivaratri, fete importante celebree en fevrier et mars a la lune noire; temps de reflexion et de priere, ou l'obscurite de la nuit devient la metaphore des opposes: tout comme la nuit suit le jour, la mort suit la vie... Donc pour l'occasion, il y a des centaines, non des milliers de pelerins qui viennent faire la file pendant des heures sous le soleil cuisant pour avoir la chance de poser leurs offrandes au pieds de Shiva, c'est quelque chose a voir!
Le soir, il y aura un defile exhuberant a souhait, avec des enfants deguises en divinites colorees, des musiciens, des jeunes gens en delire qui nous barbouillent le front de rouge et nous donnent des poignees de sucre beni...L'appareil photo de France clique sans arret!Ce soir-la, bien des gens boivent des "bang lassi", des laits frappes avec de l'herbe (dope) dedans, tres peu pour moi! On ne rentrera pas tard, pour eviter les problemes, et a l'hotel on rencontre trois montrealais avec qui on fraternise autour d'une biere, dont une jeune fille qui connait la meilleure amie de France, it's a small world!
Je n'arrive pas a trouver les mots justes pour decrire la sensation d'arriver ici, dans cette ville grouillante, malodorante (bonjour remugles de pisse fermentee, de monoxyde et d'egouts!), sainte, crade, folle, captivante, unique; l'une des plus anciennes cites (continuellement habitee) au monde. Des les premieres heures a arpenter les ghats, on tombe sur le site de cremation, on voit des corps recouverts d'un simple drap blanc se faire installer sur des buchers et s'enflammer...Jusqu'a quinze ou vingt cadavres sont incineres en meme temps, a ciel ouvert, au bord du Gange, le meilleur lieu selon les hindous pour cesser enfin le cycle des incarnations. Les fumees acres me donnent la nausee au bout d'un moment. Les chiens, les vaches et les chevres se promenent librement sur le site, grignotant de-ci de-la des guirlandes de fleurs et autres machins non identifies, et les employes, qui travaillent sans relache 24h sur 24h, repoussent dans le feu un pied tombe a cote, replacant le corps calcine d'un coup de baton peu delicat, c'est pour le moins particulier... Je me sens tout de meme privilegiee d'etre la, c'est un des endroits que je tenais a voir absolument. Sauf exception, les gens ne sont pas tristes, c'est une liberation pour leurs proches. On peut voir, a meme les marches, les fils endeuilles se faire raser le crane en signe de deuil.
Il y a une abondance de sadhus (vrais ou faux), saints hommes nus enduits de cendres ou vetus d'orange, assis et attendant le bon vouloir des croyants pour se nourrir et/ ou macher leur pan (mixture repugnante de tabac et de parfum, que les hommes recrachent en jets rougeatres qui abiment les dents). Hier, nous avons du marcher quinze kilometres et j'ai eu la surprise de retrouver la petillante Loutte rencontree a Hampi, Youppi!
Nouveau clin d'oeil du sort, elle creche au meme hotel que nous!!! Hier donc, alles souper en bande, Quebecois, Francais, Japonais et Polonais melanges, (delicieuse pizza mais mechante perte de temps pour negocier nos rickshaw) et dormi seulement quatre heures pour aller au bord de l'eau avant le lever du soleil, trouver un bateau a rames (que de marchandage, mamma mia c'est epuisant a la longue). J'ai eu la mauvaise surprise de marcher jusqu'a la cheville dans l'eau du Gange (dans le fond du bateau, entre deux planches disjointes), ce qui devrait purifier mon pied de tous ses peches mais du meme coup l'ex[pose a une soupe d'un million cinq cent mille bacteries au centimetre cube...Je ne m'en fais pas trop, il y a des gens qui se brossent les dents avec cette eau, (ils ont plus de foi que moi), mais j'ai quand meme lave mon pied au savon et a l'acool en revenant a ma chambre!!! Ah oui: vu aussi un spectacle de theatre costume tres comique, hier soir, incarnant Krisnha pourfendant des mechants, c'etait du grand kitsch, quasi psychedelique!!! Savoureux mais a prendre a petites doses, comme un dessert trop sucre!
Qu'ajouter?
"The ultimate answers cannot be given, they can only be received." -Tom Robbins (excellent romancier!)
Merci de me lire les potes, ca me fait plaisir. A la prochaine chronique!!!
Savoureux! Tu nous amène en voyage avec toi, merci!
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