mercredi 27 juin 2012

Encore Angkor

Siem Reap: autour du Psar Chaa (old market), il y a une multitude de pubs et de restaurants qui ont pousse comme des champignons lors des deux dernieres annees, se faisant une competition feroce a coup de promotions insensees pour attirer les touristes: deux cocktails pour  le prix d'un, biere en fut a cinquante cents...dangereux pour la sobriete. Le premier soir, j'ai eu la curiosite de manger de la chair de serpent, une drole de texture, pas mal comme gout; ca ne ressemble a rien d'autre.

Ma premiere nuit fut vraiment moche: hotel surpeuple de fetards, murs de bambou tresse donc aucune insonorisation, resultat je me leve a quatre heure du matin pour demander a trois gars souls de cesser de gueuler, ca me coupe mon sommeil, mettons. Je demenage le lendemain pour un hotel plus cher mais charmant, tenu par une famille, dans un coin tranquille et avec PISCINE, oh joie! Car la chaleur ici est assez intense (entre 30 et 35C). La petite fille, Bunlinda,  aime jouer a me nourrir avec ses legumes de plastique.

 Je me paye la traite en m'offrant une paire de souliers a petits talons rouge framboise et une robe a licou. Apres des mois a me sentir aussi sexy qu'une poche de patates, ca fait du bien a mon moral de me trouver feminine, meme si c'est une depense deraisonnable (apres tout, le concept meme de ce voyage est deraisonnable d'un bout a l'autre). Vive la frivolite!

Dans le journal, je lis que des gens accuses de sorcellerie ont ete chasses de leur village. Plusieurs familles furent ainsi expulsees, soupconnees de cannibalisme et de magie noire. Il y eut meme des cas de lynchage, telle une femme tuee a coups de hache. Les animistes croient en la magie et les bouddhistes aux fantomes et il suffit que les gens, malades a cause d'une eau contaminee ou d'un manque d'hygiene, mettent ca sur le dos des soi-disant sorciers pour les bannir. Selon les anthropologues, c'est un mecanisme d'exclusion sociale base sur la jalousie, la peur, la revanche ou encore des motifs politiques dissimules.

J'ai pris un cours de cuisine au Tigre de papier, un super resto. Nous etions deux, une  Allemande et moi, et notre prof etait souriante et competente. Nous nous sommes regalees et avons eu bien du plaisir! C'est fou mais je realise que ca me manque de faire a manger, j'ai rarement acces a une cuisine depuis que je suis partie.


Le 20 juin, je pars a velo  pour aller a Angkor Wat, j'arrive vers 7h30 et  c'est un moment tres agreable, avant que le gros de la foule n'arrive.  Je peux visiter le fameux temple tout a mon aise, dans la tranquilite et le silence ponctue de trilles d'oiseaux et de chants de criquets. J'ai passe une belle journee, mais j'ai du rouler 25km en tout, c'etait dur dans la chaleur. J'ai vu tant de sculptures et de fresques que j'en etais presque etourdie.

Le soir venu, j'ai pris mon fameux bain de pieds avec poissons grignoteurs de peaux mortes, le fish spa, rigolo et efficace. Si on peut tenir le coup les deux premieres minutes, le temps de s'habituer a cette grouillante sensation d'etre picore de partout, on peut faire les quinze minutes reglementaires. Ce machin est un appat pour nous amener a prendre un massage de pieds, ce que j'ai fait a mon grand bonheur. Les filles etaient droles et faisaient des blagues entre elles et taquinaient les clients. L'une d'elles m'a demande si j'etais marie, j'ai dit non et a mon etonnement, elle m'a dit : you have girlfriend? Euh, non pourquoi? Because you look like man, I think you like girlfriend (elle parlait de ma coupe de cheveux, assez inusitee ici). Eh ben!

Le lendemain, je vais continuer la visite du site des temples, immense, avec un touktouk cette fois. J'ai beaucoup aime le  Preah Khan, ou la nature s'entremele aux vielles pierres, tres atmospherique, zen.
Le soir, jase avec un Japonais de 31 ans, June, qui voyage depuis six ans et qui vient de s'acheter un terrain en Thailande. Parlant de ce pays, je dois attendre la fin du mois pour y aller, car puisque j'arriverai par voie terrestre, j'aurai seulement un visa de 15 jours, et autour du 15 juillet je m'envole pour Dehli retrouver mon cher A, mais je ne veux pas arriver trop en avance car en ce moment cette ville est un vrai four. C'est un peu chiant que j'aie si mal planifie, dans le sens que je me trouve en stand-by a Siem Reap. J'ai trop peu de temps pour redescendre dans le sud et aller dans les iles, mais un brin trop pour juste glander ici. Enteka, qui vivra verra , Fulda Bebra!


Le 22 juin, c'est la manif a Montreal et a Quebec, j'aimerais etre la avec mes ami(e)s pour contribuer a cet elan si necessaire. Je me demande si je pourrai voter a distance si les elections se deroulent avant mon retour? Je voudrais pas manquer cette opportunite. Je ne me suis jamais sentie tres politisee mais je suis toujours allee voter et maintenant plus que jamais je me sens un devoir de me tenir informee et d'etre vigilante, de contribuer a ma facon a ce vent de changement.

Le 23 juin, je me leve a 4h30 pour une ballade avec le proprio du guest house, qui fait son heure de marche rapide a chaque matin. Il fait encore nuit noire, certains bars encore ouverts pulsent de musique trop forte pour rien, des fetards pas encore couches ont les yeux vagues et degagent des odeurs de vinasse. Je vois quelques prostituees ambigues (shemale? ladyboy?). Cette faune un peu decalee croise les sportifs qui font leur jogging ou les travailleurs matinaux qui commencent a s'activer. Ca prend un coup de pied au derriere pour se tirer du lit mais un coup partis, c'est merveilleux car c'est frais et sans trop de voitures. Je me recouche comme une bienheureuse apres une douche et finis ensuite la lecture de "A Thousand Splendid Suns", excellent et emouvant bouquin de Khaled Hosseini, l'auteur des cerf-volants de Kaboul. J'ai fait une liste de poetes afghans a decouvrir.



Le lendemain, je pars vers 6h marcher seule, une heure un peu moins contraignante pour mon horloge interne! Apres, Bun mon hote m'offre le petit dej khmer : riz nature et poisson seche. Un peu drabe, surtout quand je realise que sa famille mange ca a presque tous les repas, quelle monotonie! Je fais des exercices en apres-midi, assouplissements et autres. Je me sens bien dans ma peau. Le soir je mange dans un resto indien, ca me rappelle de bons souvenirs, mais je sors de la avec un mal de tete. Je n'ai pas bu une seule goutte d'alcool, peut-etre est-ce la chaleur? Bonne Saint-Jean, les Quebecois, que je pense avant de m'endormir.


Est-ce par sympathie envers mes compatriotes a la gueule de bois? Le 25, je me reveille avec une migraine carabinee, un brin de fievre et des courbatures. J'ai un etau autour des tempes, les globes oculaires me font mal et chaque fois que je bouge, j'ai l'impression que mon cerveau percute douloureusement les parois de mon crane, mouvement accompagne d'une douleur qui pulse. Je ne m'endure plus, alors je vais dans une clinique, on me dit que c'est une grippe...Je recois un antibiotique en injection suivi de plusieurs solutes pour me rehydrater. Je reste la quelques heures, l'infirmiere qui s'occupe de moi se couche sur le lit a cote et me conte ses deboires conjugaux avant de piquer un petit roupillon. Au moment de quitter, je me sens mieux certes mais je sursaute en voyant la facture: 250$, payable comptant! C'est une somme enorme pour le Cambodge il me semble. Etant faible je paie et apres je me fais dire que je n'aurais pas du aller la, mais il est trop tard.  Je devrais etre remboursee en partie par mon assurance mais ca me fait ch...car je soupconne qu'on m'a sale l'addition parce que je suis une touriste.

Le lendemain, Bun toujours attentionne m'accompagne a la clinique ou il se fait vertement engueuler. Ils ne veulent rien savoir de me rembourser une partie de la somme. On decide d'aller a la police touristique, je remplis une plainte (d'apres moi c'est une fraude) et a ma grande surprise, aussitot trois officiers m'accompagnent en voiture a la clinique pour tirer ca au clair. Ils n'ont jamais eu de plainte de ce genre avant. Je dois dire qu'un des policiers est assez sexy, avec son air serieux et sa machoire carree, c'est agreable d'etre en pareille compagnie, et les energumenes sont un peu plus polis, mais defendent leur point de vue bec et ongles, disant c'est plus cher mais c'est plus que du bonbon, on utilise des produits importes de Chine, etc. Finalement, je leur demande de produire des exemples de factures de patients locaux, pour comparer. Apres avoir dit on ne garde pas de copies des factures (mon oeil?), ils finissent par nous en repecher deux, un traitement pour brulure et un pour infection renale, de 200 et 300$. Je reste avec un leger doute: ont-ils fabrique ces feuilles subito presto? Je dois lacher prise, car puisque c'est un  etablissement prive, ils peuvent demander les tarifs qu'ils veulent. Le policier leur dit d'avertir les patients de leurs couts avant de donner les traitements a l'avenir. Fin de la parenthese.

Vers la fin de la journee, le mal de tete me reprend, intense. Je gobe de l'ibuprofene et je me couche, nageant dans une maree de cauchemars ou je suis la proie de trois psychopathes qui me veulent beaucoup de mal (tiens, est-ce une caricature de l'equipe medicale???) Ce matin, encore un peu mal a la tete mais je decide de ne pas prendre de medicaments pour voir, car si je coupe toujours le symptome je ne saurai pas trouver la cause. Je me recouche puis me rends compte que je n'ai pas mange grand-chose la veille, alors je me force a dejeuner meme si je n'ai pas faim, puis je me sens mieux, au point de pouvoir enfin sortir de ma chambre, apres presque trois jours de reclusion dans mes oreillers. Je me fais donner un massage de pieds et l'orage eclate, benediction du ciel qui apporte un baume de fraicheur sur mon front. Et me voila, assise dans ce cafe internet, a vous confier mes dernieres peripeties.










lundi 18 juin 2012

SAME SAME BUT DIFFERENT

Parenthese educative: le Mekong, long de 4800km, prend sa source dans le plateau tibetain et traverse cinq pays, permettant l'essor de l'agriculture, de la peche et du transport; bref il fut un element cle pour la modernisation des regions bordant le fleuve. Surnomme "Mere des rivieres" ou "Riviere Eternelle", ce puissant cours d'eau inspire en effet l'admiration et un brin de lyrisme.

Depart du Laos le 12 juin: apres avoir pris un bateau pour quitter l'ile, nous avons poireaute longtemps avant de remplir nos papiers pour la douane. La compagnie de transport prend nos passeports en charge (c'est la premiere fois que je vois ca), ils font la queue pour nous aux douanes et tout se passe bien en fin de compte, sauf pour Chris, un Allemand qui dans la confusion des changements de bus perd son sac, puis le retrouve apres une course en touktouk.
Il faudra 13 heures au total pour arriver a Phnom Penh, la capitale du Cambodge. Hourra!!!

Les fesses en compote et l'estomac dans les talons, je descend de l'autobus et j'eclate de rire tant la scene est burlesque: les chauffeurs de taxi accourent vers nous dans une cohue insensee, les yeux exorbites et le visage cramoisi, sautant sur place comme des pantins, agitant les bras et hurlant a s'en dechirer les cordes vocales dans l'espoir de faire quelques dollars. Certes, j'ai deja vu une horde acharnee auparavant, mais celle-ci surpasse tout en terme d'intensite theatrale! J'aurais voulu filmer ca, ce fut une tornade de cris et de boniments a rendre sourd, trois minutes de folie le temps de se caser avec nos gros sacs dans un quelconque machin roulant, puis tout redevint tranquille dans la gare d'autobus.

Des les premieres heures, je ressens une enorme difference avec les Laotiens, certes souriants mais timides et fuyants: les Cambodgiens au contraire recherchent le contact: regard franc, sourires amicaux, salutations decontractees et propention a blaguer et a taquiner. Ils semblent former un peuple enjoue et meme quand on decline leurs services, ils demeurent affables. Je me sens bien accueillie, ca me rappelle un peu l'ambiance bon enfant qui regne en Inde. Apres une savoureuse soupe sur le coin d'une rue et une biere glacee, particulierement desalterante, je m'ecroule sur mon lit pour un repos bien merite.

Je me separe de Judith, qui a retrouve son amie Rosemary et je me gate: je choisis une chambre proprette et confortable a 7$!  (j'en ai visite une autre puante avec un lit defonce a 5$, c'est dire qu'il faut comparer.) Le Feng Shui a raison: ce qui est net et ordonne a l'exterieur favorise l'harmonie interieure. Ce petit nid douillet me met de bonne humeur. Fait surprenant, a l'epicerie je vois un pot de Haagen Daasz a 15$, soit l'equivalent de deux nuitees.. J'ai termine "La route du retour", de Jim Harrison, livre introspectif et plutot melancolique mais peuple de personnages attachants (un brin paumes ou marginaux, tels que je les aime) et de poignantes reflexions sur la vie l'amour la mort...Plus un regard lucide sur la societe americaine ainsi que des descriptions de paysages qui font rever de camping a la belle etoile et de chauvauchees sauvages dans des champs a perte de vue.. Je l'echange contre un autre roman, question d'avoir une lecture en reserve. (Les grandes villes sont les cavernes d'Ali Baba quand vient le temps de bouquiner).

Mots magiques locaux:  "Soussedai" = bonjour,  "a-khoun"= merci! Curieusement, l'argent qu'on retire dans les guichet est en dollars americains, qui circulent en parallelle avec les riels....quid?

Je visite le Musee national, beau batiment abritant des sculptures de Bouddha. Puis je me fais aborder par un monsieur d'environ 45 ans, on jase et il me dit: ah, t'es Canadienne? Justement ma soeur va bientot aller vivre a Toronto, elle aimerait parler avec toi .Il dit etre des Philippines, en vacances avec son neveu de 15 ans (ado trop poli et verbomoteur) et il appelle sa soi-disant soeur sur son cell et me dit "viens, elle va te faire a manger". Je trouve  ca louche et precipite mais j'accepte, en me disant que c'est peut-etre vrai apres tout, mais en restant sur mes gardes.  (Si on dit non a tout en voyage, on ne fait pas de rencontres! )

On prend un touktouk et j'ai la puce a l'oreille quand je constate que le Mister parle cambodgien avec le chauffeur (il m'avait dit que c'etait la premiere fois qu'il venait ici, pour le mariage de son frere...Mmm!.) Je regrette d'avoir accepte, ma vigilance redouble et je surveille mon sac. On arrive,  le frere me serre la pince, parle tres bien anglais et dit travailler dans un casino sur un bateau. On me bombarde de questions de tout cotes, comme pour m'empecher de penser. La nourriture est servie dans des plats communs, donc elle ne peut etre "empoisonnee"- eh oui, je me mefie vraiment maintenant. Je demande au croupier, qui vit ici depuis 10 ans: mais je croyais  que vous alliez vous marier? "Oh non c'est mon autre frere." Ahem. 

Je jase avec la jeune aspirante a l'immigration a peine 2 minutes puis le mec qui veut me mener en bateu me dit "on pourrait faire de la buisiness ensemble, mais ca doit rester notre secret". Tac! V'la l'hamecon.! Je repond un non bien senti et peu apres, ils me fichent dehors: desoles, on recoit pour une ceremonie religieuse dans 10 minutes, il faut se preparer... Bye bye!  Ouf! Dans les jours qui suivirent, j'ai ete abordee au moins trois autres fois, toujours sur le meme modele: un compliment sur mes vetements (ou as-tu achete ca? approche derisoire dans mon cas puisque je suis habillee comme la chienne a Jacques!) La personne vient typiquement des Philippines ou de la Malaisie, ils ont tous un cousin a Toronto et ils essaient de te prendre dans  des combines telles: jouer aux cartes pour de l'argent (la partie est truquee), tu perds, vas au guichet et  on te met la pression pour te soutirer de plus grosses sommes. Bon. Je sentais que c'etais pas cool ,tout cela, pas naturel. Tout a bien fini, heureusement, j'ai appris  de cette experience et ca ne m'a rien coute!

Plus tard j'ai fraternise avec deux amis chauffeurs desoeuvres et ce fut autre chose: atmosphere tres relax, decontractee, humour, aucune pression. J'ai appris que l'un d'eux etait enseignant et l'autre policier (des salaires de 60 a 100$ par mois) avant de changer de metier. Je les sentais honnetes et gentils, je me sentais en securite avec eux, ils etaient respectueux et pas parasites, alors je leur ai offert une biere et une soupe (a faire soi-meme sur un rechaud en ajoutant les ingredients a mesure, amusant). Rien n'est gratuit dans ce pays, ni l'education ni les soins de sante.  Apres le desastre Pol Pot, le 20% le plus riche a toujours superbement ignore le 80% de gens pauvres qui luttent pour survivre de petits boulots. Le cas classique: famille nombreuse  (parents fermiers) dont l'un des fils vient en ville etudier ou soutenir sa tribu en travaillant avec les touristes. Beaucoup d'enfants aussi arpentent les trottoirs a vendre des "bebelles", freles poussinots d'aussi peu que neuf ou dix ans qui nous suivent sur plusieurs rues tout en nous haranguant habilement a coup de: open your heart, sister, open your wallet!

J'ai passe deux jours a mariner dans le sombre univers des Khmers Rouge, un veritable cauchemar dans l'histoire recente, une experience sans precedent d'implantation brutale d'un communisme radical et absurde. J'ai visite le musee du Genocide, de quoi avoir la nausee pour un bout de temps. "Study is not important. Work and revolution are important." J'ai lu un recit autobiographique de Pin Yathay, Stay alive my son, qui relate la descente aux enfers d'un homme qui a perdu toute sa famille (17 personnes) en l'espace de trois ans. et qui a survecu par quasi miracle a cette periode infernale. Au debut, les Khmers rouge ont dissimule leur cote radical sous un vernis patriotique qui a vite craque  pour reveler une organisation machiavelique, orchestrant une vaste  purification  a coup de torture et d'executions sommaires... Au debut, il y eut l'ordre d'evacuer les villes sous pretexte que les Americains aller bombarder. "Seulement trois jours", qu'on disait aux gens, "et vous pourrez rentrer chez vous, ne prenez que peu de bagages".

On les amenait dans des campements en campagne pour les faire travailler comme des esclaves, les traitant avec moins d'egard que des animaux. Systeme monetaire aboli, ecoles et hopitaux fermes, musees et temples detruits, tout doit etre rase pour effacer les traces de "l'imperialisme feodal" et transformer le pays en vaste camp de travail, ou les gens meurent de faim, de mauvais traitement  ou de maladie, tandis que les intellectuels les plus en vue sont amenes a la prison S-21 pour y signer sous la torture des aveux de crimes imaginaires contre la revolution. Etre ingenieur, journaliste ou etudiant,  porter des lunettes, parler une langue etrangere ou avoir etudie en Europe sont des criteres suffisants pour etre la cible de persecutions atroces.

 Les gardes rouges etaient pour la plupart de jeunes illettres anonnant des slogans creux et parlant de l'Organisation comme d'une personne: Angkar needs your car, Angkar takes care of you; you must obey and be grateful and ask no questions.... Big brother en personne! L'info est controlee, les gens sont dans la confusion totale. On encourage la delation, des familles sont arbitrairement separees dans le transport vers les camps,  les maisons abandonnees sont pillees et les gens fricotent un marche noir pour survivre, les rations etant insuffisantes.. Il n'y a plus la moindre propriete individuelle, sauf les bijoux que les gens ont reussi a planquer, TOUS les livres ou documents ecrits sont brules, incluant les cartes d'identite; aucune possibilite de choix. ne subsiste: on doit travailler jusqu'a epuisement, ou tenter de s'enfuir au risque d'etre fusille.

J'ai visite les Killing Fields, lieu deprimant ou des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants ont ete extermines et enterres dans des fosses communes. Il y avait meme un baby smashing tree, ou les tout-petits avaient le crane fracasse contre un arbre, afin d'eviter qu'une fois adultes ils ne veuillent venger leurs parents. On pouvait voir les ossements de ces infortunes creatures, dont le seul tort etait de ne pas etre dans le camp de l'opresseur. En moins de quatre ans, plus de deux millions de personnes ont peri, soit environ 25% de la population. Voila. Ce n'est pas un mauvais reve, c'est...la triste realite lorsque l'abstraction ideologique prend le pas sur l'humanisme le plus elementaire..

Cela dit, j'aime vraiment la ville de Phnom Penh, une belle ambiance regne en-dehors de ce chapitre glauque pas si lointain! En vrac: vu des touktouk pleins de moines, des ecoliers se tenant par le cou, des barbiers sur le trottoir, un(e) serveur lady-boy dans un resto, une touriste de 70 ans voyageant sac au dos, des biscuits style Oreo au durian, des enfants jouant a une version pauvre de la petanque (en bottant leurs gougounes de caoutchouc), des gamins tout nus dansant dans un jet d'eau pour combattre la chaleur, des machines a faire de l'exercice au bord de l'eau... J'ai visite, comme il se doit, le Palais royal et la Pagode d'argent, mais ce que j'ai prefere c'est de sobres sculptures de Bouddha dans la nature, entoures de feuillages et de fougeres.. .J'ai des gouts simples et je ne suis pas impressionnee par le luxe et les dorures dont la royaute s'entoure, meme si je peux apprecier l'architecture et le talent des artistes qui ont cree ces monuments.

Je me suis joint a un groupe d'une centaine de personnes qui faisait de l'aerobie sur une place publique, ca m'a amusee et donne un coup de pep! J'ai recu un massage par Sophia, une aveugle douee et experimentee (c'est fou comme j'etais tendue pour une fille en vacances!) au Seeing Hands.. J'ai ensuite passe une nuit a Battambang, ou j'ai fait l'experience du train de bambou, une simple plateforme propulsee par un moteur, curiosite qui permet de deplacer des gens ou des marchandises entre les villages. Quand deux "wagons" se trouvent face a face sur la voie ferree, on demonte subito presto l'un des deux pour laisser passer l'autre, et on roule... cheveux au vent entre les champs, une ballade agreable. Les enfants du village etaient etonnants, parlant de deux a quatre langues et voulant nous servir de guides pour gagner un dollar et payer leurs frais scolaires. Dans un bus, j'ai mange mon premier criquet geant grille, insecte croustillant et sale dont le gout rappelle vaguement les ailes de poulet! C'est pas mauvais mais l'apparence de la bestiole dissuade d'en manger tout un sac!

Aujourd'hui, 18 juin, je viens d'arriver a Siem Reap, berceau d'Ankor Wat, LA principale attraction du pays, la plus grande structure religieuse au monde, symbole de la nation et epicentre de la civilisation khmere. Il y a ici des centaines de temples datant environ du douzieme siecle, certains mieux conserves que d'autres, d'une beaute et d'une grandeur extravagante, parait-il. Je prends mes reperes de la ville et commencerai mon exploration demain.








jeudi 14 juin 2012

Saibadee! (bonjour)

J'ecoute Red Hot Chili Peppers dans le resto de mon gite, internet est gratuit, je viens de manger un delicieux curry khmer, youppi  je trippe fort d'etre au Cambodge mais... retour a l'ordre chronologique!!!

Au Laos, j'ai relu Kafka on the shore de Murakami et un passage m'a frappee: le personnage principal, fascine par une foret dense ou il est dangereux de s'aventurer, apprend que les Grecs anciens ont eu l'idee du labyrinthe en voyant des intestins d'animaux; d'ou cette reflexion existentielle que ce qui est dehors est comme ce qui est dedans et que souvent, on prend ce qu'il y a de sombre en soi, dans nos tripes et  notre inconscient et on le projette a l'exterieur. Puis ce jeune homme (ado de 15 ans qui se cherche) se fait dire par un androgyne : tu as l'air de rechercher quelque chose et en meme temps de fuir ce quelque chose... Mmm parfois je crois que Marika cherche trop (l'eveil, l'amour, la liberte) et qu'en meme temps elle resiste, dans un mouvement qui tourne en rond comme un ecureuil qui court apres sa queue. D'ailleurs, sans etre malheureuse ces temps-ci je me sens redevenue adolescente en ce sens que je me percois comme pleine de potentiel non realise et confuse quant a la suite des choses. Pas d'inquietude les amis: je n'ai pas fini d'explorer le dedans comme le dehors.

Vous ai-je dit que le nom du Laos vient de Lang Xang, qui signifie: land of a million elephants?
(On peut faire des ballades a dos de pachyderme mais je ne me suis pas pretee au jeu.) Ce fut un long trajet de 9h pour passer de Luang Prabang a Nong Khiew, qui est un endroit charmant et photogenique. J'ai loue un bungalow, modeste cabina un peu disjointe avec toilette "turque" peu ragoutante mais avec vue sur la riviere et hamac! Il y a bien des moustiques et des papillons de nuit gigantesques. Deguste de delicieuses algues de riviere  avec du riz collant, visite une grotte ou les villageois se sont refugies lors de la seconde guerre d'Indochine. J'ai du pateauger dans la boue mais le trajet valait le coup, j'ai traverse des champs ou les gens travaillaient avec leurs buffles, vision pittoresque s'il en est. Il pleut beaucoup, je lis tout autant.

Je prend le bateau pour aller a Muang Ngoi Nua, village voisin qui n'est desservi par aucune route et ou il n'y a pas d'electricite, mis a part les generatrices qui fonctionnent de 18h a 22h! C'est...un tantinet deprimant. J'ignore pourquoi ca me fout les jetons, mais le fait est la, une nuit sera assez pour moi! Il n'y a rien de rien a faire a part de la marche et c'est plein de sangsues. Bof. Je me soule legerement au mojito fait avec du lao-lao, le "whisky" local...et j'ai les bleus car je ne peux pas rejoindre mon cher A et je m'ennuie. C'est trop calme et restreint comme lieu, j'en etouffe presque. Ca prend (sans blague) cinq minutes visiter le village. Pourtant, le lendemain je rencontrerai une femme qui a adore passe trois semaines la, travaillant avec les locaux dans les rizieres. J'ai, parenthese, goute au mango sticky rice,  succulent dessert au lait de coco.

Rebelote: presque une autre journee de deplacement pour revenir a Luang Prabang le temps d'un dodo puis enchainer avec un bus de nuit pour Vientiane: le paysage nocturne est magnifique avec les montagnes nappees de brouillard et la pleine lune envoutante. La capitale ne me charme pas mais il y a de quoi s'occuper un brin. J'ai mal a un doigt et ca empire apres un massage vigoureux: la jointure de mon majeur est enflee et sensible au toucher, sorte de douleur que j'associe (a tort ou a raison) a de l'arthrose, ce qui me donne une sueur froide. Je lis Katherine Pancol: personnages sympa, histoire legere et tonique. Je vais a l'ambassade indienne mais il est trop tot pour renouveler mon visa.

 Je prends un dortoir pour la premiere fois car les chambres simples sont cheres (l'argent file un peu vite a mon gout). Trois gars  nous content leur mesaventure. Ils sont alles sur le quai s'allumer un joint et se sont retrouves entoures de huit hommes armes de mitraillettes (des soldats) qui voulaient les amener au poste de police, ou ils auraient ete dans la grosse  merde: passeports confisques et 500$ d'amende chacun en theorie. Les mecs, qui travaillent en Thailande, connaissent la chanson; ils ont donne 700$ a trois pour acheter la paix. (Ca fait cher la fumette!) Votre humble scribe n'ayant aucun penchant envers ce genre de substance, je ne risque pas de me mettre dans un tel petrin. Curieusement, la drogue est illegale mais dans bien des cafes on peut commander des happy shakes/cookies/pizza, contenant de la mari.

J'ai visite l'ancien temple royal et j'ai ete temoin d' un etonnant rituel: les fideles caressaient les bouddha trois fois de suite, sur le torse ou les jambes; ca paraissait etrangement sensuel pour un geste de devotion! J'ai vu une curiosite pas banale: le Bouddha Park, ou un illumine mystique qui se declarait chaman, pretre et yogi a construit un site religieux qui fait la synthese de l'iconographie et des croyances de l'hindouisme et du boudhisme.  Il y avait notemment une citrouille geante dont l'entree etait la gueule d'une creature inquietante, des dieux a plusieurs bras et tetes, des cranes, des scenes du paradis et de l'enfer...Bizarre et unique. Visite le temple le plus ancien  de la ville, orne de centaines de petites niches abritant des bouddha.J'ai marche pres du Mekong, bu de la biere bien froide en grignotant des algues (je suis accro) et je me sens plate, ennuyante, vaguement eteinte. Le soir, un orage du tonnerre (!) me ranime en fouettant mes sens: eclairs, vent puissant, sons violents, air frais, gouttent qui claquent sur la peau, tout cette energie en  mouvement me ravigote.

Je me sens plus seule ici qu'en Inde, les touristes se parlent moins. Peut-etre parce que le Laos est plus doux, moins confrontant, donc on ressent moins le besoin de fraterniser? Ou c'est moi qui est trop fermee? Le lendemain, je decide de m'activer et me rend a ce qui doit etre le seul gym de tout le pays! Pour 8$, j'ai acces aux machines, au sauna, au jacuzzi, a la piscine  en plus d'avoir droit a un massage d'une heure suivi d' une tasse de the! La masso, toute menue, etait puissante et appliquee. La seance d'exercice intense et la flottaison en apesanteur m'ont adouci les moeurs.  Le soir venu, pris un enorme mastodonte baptise King of Bus pour aller a Pakse. Encore un trajet nocturne ou on dort plus ou moins.  Faut ce qu'y faut!

Je partage une chambre avec Judith,  Hollandaise de 32 ans qui a laisse sa job pour voyager 6 mois.
On loue des velos; il fait un peu chaud pour ca mais il pleut a l'improviste pour de courtes averses rafraichissantes. Cette ville est modeste et surtout courue en tant qu'etape vers le plateau des Boloven, parait-il magnifique mais je ne m'en sens pas le courage (encore des routes cabossees). DONC, une seule nuit puis en route pour les 4000 iles! Ca a une reputation tres cool. On est cordes dans un minivan, puis on prend un bateau-plateforme et ta-daaa! Nous voici a Dondet, ile super tranquille et languissante, routes de terre, aucune voiture- justequelques touktouk, moto et velos, plein de vaches qui broutent de-ci de-la.
Nous avons un bungalow super propret pour 6$! Le soir venu, febrilite causee par le match de foot: Hollande versus Angleterre, retransmis tant mal que bien (!) et enterre sous les clameurs des buveurs de biere et d'alcool de riz cheap. Je jase avec Mark, un Polonais qui vit et travaille en se deplacant depuis deux ans. Le lendemain de cette soiree bien arrosee, plusieurs ont mal aux cheveux, mais pas moi: je me suis arretee a temps. Cependant ces jours-ci, je note une lassitude au reveil et je m'interroge: est-ce mon ame ou mon corps qui est fatigue?

Il fait chaud, je me sens fragile et en meme temps engourdie emotionnellement, rendue insecure par un probleme de communication avec mon ami-amant-amour... Je n'aime pas comment je me mets moi-meme en stand-by, parfois. Un peu de maturite, que diable! J'oscille entre joie enthousiaste et envie d'abandonner, j'alterne entre courage et pessimisme; je ne me trouve pas douee pour les relations a distance. C'est un moment riche car j'observe mes reactions: voila, ca aussi c'est la. Comment je peux m'aimer dans tout ce fatras? Me donner du support a moi-meme?

Velo, siestes, hamac, lecture, jasette avec un couple de Francais absolument charmants, jeunes trentenaires  (amoureux depuis 17 ans et radieux), partis pour un an avec leurs deux enfants (5 et 9 ans).Rencontre Anna, une Anglaise qui enseigne depuis 2 ans au Vietnam, et Sophie, une Belge qui enseigne en Asie de facon intermittente...Prof de langue, un metier propice au nomadisme? A suivre! Je pensais me rendre jusqu'au Cambodge dans ma mise a jour mais helas il se fait tard...Mettez ca dans votre pipe pour l'instant:


"As-tu deja remarque que le ciel est une immense pature de lumiere?"
-Jim Harrison








dimanche 3 juin 2012

Au clair de la lune, mon ami gecko...

Le 19 mai, apres avoir poireaute pendant TROIS heures debout sur un trottoir dans la chaleur moite (merci agences de voyage qui mentent comme des arracheurs de dents!) j'ai enfin pris le bus qui m'a menee au Laos. Dans la navette, j'ai rencontre un voyageur qui ressortait du lot: tres charge de bagages et d'un calme olympien, ce grand gaillard de 27 ans, originaire d'Egypte, est en train de realiser un nouveau record. Parti depuis cinq ans, il ambitionne d'etre le premier a aller dans chaque pays du monde, un a un. Parfois il ne demeure qu'un jour (Uruguay), parfois un an (Bresil)! Il a la marotte de vouloir lever le drapeau de son  pays partout, ce qui me rend perplexe dans la mesure ou il porte un discours de paix du genre: nous sommes tous freres, les frontieres ne veulent rien dire...Moi qui n'aime pas trop les etendards, ca me questionne  mais je salue sa determination et j'admire sa tenacite. Tout a commence quand un adulte a demande a l'enfant de quatre ans qu'il etait ce qu'il voulait faire plus tard. Sans hesiter, il repond: aller au Japon! Il revait de pays lointains. Son grand-pere lui a dit: ne laisse personne te persuader que c'est impossible, tu dois garder ton reve vivant. J'ai dit a Ahmed Haggagovic (vous pouvez lire a son propos sur Fbk): c'etait quelqu'un de bien, ton grand-pere... et a cause de cette parole, il m'a donne, au moment de se separer, une sorte de medaille qu'il portait au cou, en me disant d'un air penetrant: crois en ton reve, quel qu'il soit! Ouf! Hors du commun comme rencontre.

Le passage de la frontiere s'est deroule sans heurt, dieu merci- j'avais entendu des histoires pas agreables.
Apres 24h de trajet, j'arrive a Luang Prabang, ville charmante qui fait partie du patrimoine de l'humanite protege par l'Unesco. Je prends le premier hotel du bord; dans le reglement affiche sur le mur on peut lire: Do not bring both men and women which is not your own husband or wife to make love. Do not bring prostate and others into room to make sex movies. (!)... Messieurs, laissez votre prostate au pays! (ils voulaient dire prostitute of course!) If you do not follow this regulation you will be fight based on Lao law (attention!)

Le lendemain, je deniche un guest house plus modeste, plein de toiles d'araignees et dont la salle de bain commune semble avoir ete laissee a l'abandon dans les annees 90, mais a quatre dollars, ca fait mon affaire!
C'est une maison en bois qui a une ambiance chaleureuse et c'est tres bien situe. Quel bonheur, delice, joie d'etre dans cette bourgade alanguie ou le chant des grillons domine celui des rares voitures.; une pause meritee ou tous mes nerfs se detendent. Je loue un velo pour a peine plus d'un dollar par jour, c'est agreable ici de sillonner ces rues paisibles. On peut longer le Mekong, les maisons sont superbes, il y a une abondance de commerces pour nous, les touristes: cafes internet, restos, boulangerie, librairie, agences de voyage, etc. Il ne me manque qu'un hamac pour atteindre le sommet de la perfection! Je decouvre la biere locale, Beer Lao, franchement meilleure que la vietnamienne, je me regale au marche de nuit (buffet vege pour 1$!), je zigzague d'un temple a l'autre. La lenteur, la douceur tranquille de ce lieu penetre dans mon systeme, comme un traitement anti-stress en profondeur! J'ai pris un massage de 30 min, ca ressemble comme deux gouttes d'eau a du Thailandais:  des acupressions effectuees sans huile, c'est bien.

Juste en face d'ou j'habite, il y a de jeunes hommes tout d'orange vetus: ils menent une vie monastique le temps de faire leurs etudes secondaires. Ils se levent a quatre heures pour prier, parfois leur tambour me reveille mais j'aime ca. Plusieurs revent de devenir professeur d'anglais! J'ai jase avec d'autres voyageurs au long cours, certains tres peace, plusieurs qui sont comme moi en vadrouille pour un an, parfois plus. Je suis un peu melancolique quand je vois des couples main dans la main, car en effet c'est tres romantique comme endroit, mais mon beau brun est loin.  Je visite le palais royal, je me perds a velo dans un quartier residentiel et fais une petite chute ou je m'ecorche le coude, mais rien de grave. J'essaie de me lever tot afin de m'activer avant que la chaleur ne soit insupportable. Je fais une petite sieste le midi, je bois beaucoup d'eau citronnee. Visite un petit musee ethnique, puis decouvert une librairie tenue par des Quebecoises (mere et fille). Nous echangeons a propos des evenements entourant la greve etudiante et la loi 78. Ca me bouleverse a chaque fois que je vais sur facebook de voir ce qui se brasse et d'etre si loin...Mais ca me donne espoir en meme temps, c'est une porte ouverte au changement. Assiste a un petit defile de mode traditionnelle, achete des fruits et legumes au marche local, lu d'excellents bouquins (dont un d'Hanif Kureishi et un d'Amin Zaoui, un regal!). La saison des pluies commence, il y a souvent des averses, du tonnerre. J'ecoute les cris des petits lezards losqu'ils chassent les moustiques (gecko en anglais). Je me recentre, me replonge dans une certaine intimite avec moi-meme, je note mes reves. Ca fait du bien de rester une semaine au meme endroit!

Un jour, je suis allee avec un petit groupe voir une cascade dans la foret, et j'ai eu l'immense bonheur de nager et flotter dans une eau turquoise et fraiche pendant deux heures, jusqu'a en avoir un leger frisson, chose rarissime ici! Pres de la chute il y avait une corde de tarzan, j'ai encore  failli perdre mon maillot en sautant. Un Americain qui etudie en medecine me "casse mon trip" en m'informant qu'on peut attraper des parasites meme dans une eau limpide et non stagnante; il me dit de m'observer et d'etre a l'affut si j'ai des symptomes bizarres. Apres plus d'une semaine je peux dire qu'il n'y a rien a declarer! Puisque tout est au ralenti, ici, j'en profite pour essayer de manger plus lentement, de faire durer le plaisir des choses...

 Ah oui, j'ai appris qu'entre 1965 et 1973, 260 millions de bombes a fragments ont ete lachees sur le Laos et  certaines, encore amorcees, continuent a tuer des centaines de gens qui marchent dessus chaque annee...triste! En resume tres succint, au 17e ce pays etait la force dominante en Asie du sud-est mais tout s'ecroule sous le controle des Siams, qui  a leur tour cedent devant les Francais. Apres le Vietnam, ceux-ci s'emparent du Laos, qu'ils libereront en 1953. Il y a division et luttes entre une armee, alliee avec les Vietminhs, et ceux du "Free Laos". Selon la conference de Geneve, le pays est declare neutre en 1954, ce qui n'empeche pas ces "ratoureux" d'amerloques, via la CIA, d'entrainer en secret des combattants anti-communistes (la tribu des Hmong). Pour punir les amis des Vietminhs qui acheminent des armes par la Ho Chi minh trail, les forces americaines canardent massivement le nord-est du Laos pendant pres d'une decennie (on parle d'un bombardement aux 8 minutes!!!). Lorsque les GI Joe se retirent, ironiquement l'appui au communisme augmente et alors est creee la republique democratique du Laos que l'on connait presentement. 10% de la population, opposee au regime, emigre en Thailande, et les Hmongs sont brutalement extermines ou envoyes en camp de re-education. Voila pour la tranche historique!

Apres Luang Prabang, veritable coup de coeur, je fais un loooog voyage de minivan: la premiere moitiee du trajet, la route est archi-defoncee et le vehicule cahote et tangue plus qu'un raffiot en pleine tempete, (on doit rouler a 30km/h, max) et dans la seconde partie, l'asphalte est en etat mais le chauffeur se lance en fou dans les virages en lacets; resultat on a le coeur dans la gorge ( et pour certains, ca deborde effectivement).Me voila a Luang Nam Tha, porte d'entree d'un fabuleux monde de randonnee et de plein air. Coup de chance, dans une pile de vieilles revues, je trouve un exemplaire des Nouveaux contes de la folie ordinaire, de Buckowski, quel hasard je venais juste d'ecrire a mon ami Carl que j'avais envie de le relire! C'est un peu moins chaud et humide comme endroit, ca fait du bien. Les gens ici ont de beaux visages ronds et sont assez souriants, mais pas necessairement loquaces. Ca ne fait rien, je n'ai pas tres envie de parler, je me sens un peu sauvage.

Je fais un trek avec une agence, nous sommes un petit groupe de sept, le guide est sympa et le site enchanteur. En deux jours nous marchons pres de 30km dans une foret protegee, une vraie jungle luxuriante, pleine de bananiers geants, de fougeres, de bois deTek, de Mahogany (acajou?), certains arbres ont pres de 200ans, et a 10km de la, il y a des tigres, des ours, etc. Le relief est varie, parfois glissant, on passe sur de petits ponts, on doit faire gaffe aux sangsues tenaces, (un touriste japonais avait le pantalon rougi de sang!) ainsi qu'aux abeilles en colere et le soir on dort dans un village (qui recoit 25% du tarif que l'on paie), dans une modeste cabane en paille, la nourriture est bonne et on a le plaisir de jouer avec les enfants, adorables et energiques. Les villageois cultivent des champs dans la jungle pour survivre. Ca doit etre dur physiquement, avec cette chaleur! Une saine fatigue me saisit apres ces deux journees intenses.

Hey, je creve la dalle les amis, je m'interromps ici pour cette fois. Et puisque j'ai egalement soir, je vous laisse avec cette citation:
QUAND TU BOIS, SOUVIENS-TOI DE LA SOURCE.