Parenthese educative: le Mekong, long de 4800km, prend sa source dans le plateau tibetain et traverse cinq pays, permettant l'essor de l'agriculture, de la peche et du transport; bref il fut un element cle pour la modernisation des regions bordant le fleuve. Surnomme "Mere des rivieres" ou "Riviere Eternelle", ce puissant cours d'eau inspire en effet l'admiration et un brin de lyrisme.
Depart du Laos le 12 juin: apres avoir pris un bateau pour quitter l'ile, nous avons poireaute longtemps avant de remplir nos papiers pour la douane. La compagnie de transport prend nos passeports en charge (c'est la premiere fois que je vois ca), ils font la queue pour nous aux douanes et tout se passe bien en fin de compte, sauf pour Chris, un Allemand qui dans la confusion des changements de bus perd son sac, puis le retrouve apres une course en touktouk.
Il faudra 13 heures au total pour arriver a Phnom Penh, la capitale du Cambodge. Hourra!!!
Les fesses en compote et l'estomac dans les talons, je descend de l'autobus et j'eclate de rire tant la scene est burlesque: les chauffeurs de taxi accourent vers nous dans une cohue insensee, les yeux exorbites et le visage cramoisi, sautant sur place comme des pantins, agitant les bras et hurlant a s'en dechirer les cordes vocales dans l'espoir de faire quelques dollars. Certes, j'ai deja vu une horde acharnee auparavant, mais celle-ci surpasse tout en terme d'intensite theatrale! J'aurais voulu filmer ca, ce fut une tornade de cris et de boniments a rendre sourd, trois minutes de folie le temps de se caser avec nos gros sacs dans un quelconque machin roulant, puis tout redevint tranquille dans la gare d'autobus.
Des les premieres heures, je ressens une enorme difference avec les Laotiens, certes souriants mais timides et fuyants: les Cambodgiens au contraire recherchent le contact: regard franc, sourires amicaux, salutations decontractees et propention a blaguer et a taquiner. Ils semblent former un peuple enjoue et meme quand on decline leurs services, ils demeurent affables. Je me sens bien accueillie, ca me rappelle un peu l'ambiance bon enfant qui regne en Inde. Apres une savoureuse soupe sur le coin d'une rue et une biere glacee, particulierement desalterante, je m'ecroule sur mon lit pour un repos bien merite.
Je me separe de Judith, qui a retrouve son amie Rosemary et je me gate: je choisis une chambre proprette et confortable a 7$! (j'en ai visite une autre puante avec un lit defonce a 5$, c'est dire qu'il faut comparer.) Le Feng Shui a raison: ce qui est net et ordonne a l'exterieur favorise l'harmonie interieure. Ce petit nid douillet me met de bonne humeur. Fait surprenant, a l'epicerie je vois un pot de Haagen Daasz a 15$, soit l'equivalent de deux nuitees.. J'ai termine "La route du retour", de Jim Harrison, livre introspectif et plutot melancolique mais peuple de personnages attachants (un brin paumes ou marginaux, tels que je les aime) et de poignantes reflexions sur la vie l'amour la mort...Plus un regard lucide sur la societe americaine ainsi que des descriptions de paysages qui font rever de camping a la belle etoile et de chauvauchees sauvages dans des champs a perte de vue.. Je l'echange contre un autre roman, question d'avoir une lecture en reserve. (Les grandes villes sont les cavernes d'Ali Baba quand vient le temps de bouquiner).
Mots magiques locaux: "Soussedai" = bonjour, "a-khoun"= merci! Curieusement, l'argent qu'on retire dans les guichet est en dollars americains, qui circulent en parallelle avec les riels....quid?
Je visite le Musee national, beau batiment abritant des sculptures de Bouddha. Puis je me fais aborder par un monsieur d'environ 45 ans, on jase et il me dit: ah, t'es Canadienne? Justement ma soeur va bientot aller vivre a Toronto, elle aimerait parler avec toi .Il dit etre des Philippines, en vacances avec son neveu de 15 ans (ado trop poli et verbomoteur) et il appelle sa soi-disant soeur sur son cell et me dit "viens, elle va te faire a manger". Je trouve ca louche et precipite mais j'accepte, en me disant que c'est peut-etre vrai apres tout, mais en restant sur mes gardes. (Si on dit non a tout en voyage, on ne fait pas de rencontres! )
On prend un touktouk et j'ai la puce a l'oreille quand je constate que le Mister parle cambodgien avec le chauffeur (il m'avait dit que c'etait la premiere fois qu'il venait ici, pour le mariage de son frere...Mmm!.) Je regrette d'avoir accepte, ma vigilance redouble et je surveille mon sac. On arrive, le frere me serre la pince, parle tres bien anglais et dit travailler dans un casino sur un bateau. On me bombarde de questions de tout cotes, comme pour m'empecher de penser. La nourriture est servie dans des plats communs, donc elle ne peut etre "empoisonnee"- eh oui, je me mefie vraiment maintenant. Je demande au croupier, qui vit ici depuis 10 ans: mais je croyais que vous alliez vous marier? "Oh non c'est mon autre frere." Ahem.
Je jase avec la jeune aspirante a l'immigration a peine 2 minutes puis le mec qui veut me mener en bateu me dit "on pourrait faire de la buisiness ensemble, mais ca doit rester notre secret". Tac! V'la l'hamecon.! Je repond un non bien senti et peu apres, ils me fichent dehors: desoles, on recoit pour une ceremonie religieuse dans 10 minutes, il faut se preparer... Bye bye! Ouf! Dans les jours qui suivirent, j'ai ete abordee au moins trois autres fois, toujours sur le meme modele: un compliment sur mes vetements (ou as-tu achete ca? approche derisoire dans mon cas puisque je suis habillee comme la chienne a Jacques!) La personne vient typiquement des Philippines ou de la Malaisie, ils ont tous un cousin a Toronto et ils essaient de te prendre dans des combines telles: jouer aux cartes pour de l'argent (la partie est truquee), tu perds, vas au guichet et on te met la pression pour te soutirer de plus grosses sommes. Bon. Je sentais que c'etais pas cool ,tout cela, pas naturel. Tout a bien fini, heureusement, j'ai appris de cette experience et ca ne m'a rien coute!
Plus tard j'ai fraternise avec deux amis chauffeurs desoeuvres et ce fut autre chose: atmosphere tres relax, decontractee, humour, aucune pression. J'ai appris que l'un d'eux etait enseignant et l'autre policier (des salaires de 60 a 100$ par mois) avant de changer de metier. Je les sentais honnetes et gentils, je me sentais en securite avec eux, ils etaient respectueux et pas parasites, alors je leur ai offert une biere et une soupe (a faire soi-meme sur un rechaud en ajoutant les ingredients a mesure, amusant). Rien n'est gratuit dans ce pays, ni l'education ni les soins de sante. Apres le desastre Pol Pot, le 20% le plus riche a toujours superbement ignore le 80% de gens pauvres qui luttent pour survivre de petits boulots. Le cas classique: famille nombreuse (parents fermiers) dont l'un des fils vient en ville etudier ou soutenir sa tribu en travaillant avec les touristes. Beaucoup d'enfants aussi arpentent les trottoirs a vendre des "bebelles", freles poussinots d'aussi peu que neuf ou dix ans qui nous suivent sur plusieurs rues tout en nous haranguant habilement a coup de: open your heart, sister, open your wallet!
J'ai passe deux jours a mariner dans le sombre univers des Khmers Rouge, un veritable cauchemar dans l'histoire recente, une experience sans precedent d'implantation brutale d'un communisme radical et absurde. J'ai visite le musee du Genocide, de quoi avoir la nausee pour un bout de temps. "Study is not important. Work and revolution are important." J'ai lu un recit autobiographique de Pin Yathay, Stay alive my son, qui relate la descente aux enfers d'un homme qui a perdu toute sa famille (17 personnes) en l'espace de trois ans. et qui a survecu par quasi miracle a cette periode infernale. Au debut, les Khmers rouge ont dissimule leur cote radical sous un vernis patriotique qui a vite craque pour reveler une organisation machiavelique, orchestrant une vaste purification a coup de torture et d'executions sommaires... Au debut, il y eut l'ordre d'evacuer les villes sous pretexte que les Americains aller bombarder. "Seulement trois jours", qu'on disait aux gens, "et vous pourrez rentrer chez vous, ne prenez que peu de bagages".
On les amenait dans des campements en campagne pour les faire travailler comme des esclaves, les traitant avec moins d'egard que des animaux. Systeme monetaire aboli, ecoles et hopitaux fermes, musees et temples detruits, tout doit etre rase pour effacer les traces de "l'imperialisme feodal" et transformer le pays en vaste camp de travail, ou les gens meurent de faim, de mauvais traitement ou de maladie, tandis que les intellectuels les plus en vue sont amenes a la prison S-21 pour y signer sous la torture des aveux de crimes imaginaires contre la revolution. Etre ingenieur, journaliste ou etudiant, porter des lunettes, parler une langue etrangere ou avoir etudie en Europe sont des criteres suffisants pour etre la cible de persecutions atroces.
Les gardes rouges etaient pour la plupart de jeunes illettres anonnant des slogans creux et parlant de l'Organisation comme d'une personne: Angkar needs your car, Angkar takes care of you; you must obey and be grateful and ask no questions.... Big brother en personne! L'info est controlee, les gens sont dans la confusion totale. On encourage la delation, des familles sont arbitrairement separees dans le transport vers les camps, les maisons abandonnees sont pillees et les gens fricotent un marche noir pour survivre, les rations etant insuffisantes.. Il n'y a plus la moindre propriete individuelle, sauf les bijoux que les gens ont reussi a planquer, TOUS les livres ou documents ecrits sont brules, incluant les cartes d'identite; aucune possibilite de choix. ne subsiste: on doit travailler jusqu'a epuisement, ou tenter de s'enfuir au risque d'etre fusille.
J'ai visite les Killing Fields, lieu deprimant ou des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants ont ete extermines et enterres dans des fosses communes. Il y avait meme un baby smashing tree, ou les tout-petits avaient le crane fracasse contre un arbre, afin d'eviter qu'une fois adultes ils ne veuillent venger leurs parents. On pouvait voir les ossements de ces infortunes creatures, dont le seul tort etait de ne pas etre dans le camp de l'opresseur. En moins de quatre ans, plus de deux millions de personnes ont peri, soit environ 25% de la population. Voila. Ce n'est pas un mauvais reve, c'est...la triste realite lorsque l'abstraction ideologique prend le pas sur l'humanisme le plus elementaire..
Cela dit, j'aime vraiment la ville de Phnom Penh, une belle ambiance regne en-dehors de ce chapitre glauque pas si lointain! En vrac: vu des touktouk pleins de moines, des ecoliers se tenant par le cou, des barbiers sur le trottoir, un(e) serveur lady-boy dans un resto, une touriste de 70 ans voyageant sac au dos, des biscuits style Oreo au durian, des enfants jouant a une version pauvre de la petanque (en bottant leurs gougounes de caoutchouc), des gamins tout nus dansant dans un jet d'eau pour combattre la chaleur, des machines a faire de l'exercice au bord de l'eau... J'ai visite, comme il se doit, le Palais royal et la Pagode d'argent, mais ce que j'ai prefere c'est de sobres sculptures de Bouddha dans la nature, entoures de feuillages et de fougeres.. .J'ai des gouts simples et je ne suis pas impressionnee par le luxe et les dorures dont la royaute s'entoure, meme si je peux apprecier l'architecture et le talent des artistes qui ont cree ces monuments.
Je me suis joint a un groupe d'une centaine de personnes qui faisait de l'aerobie sur une place publique, ca m'a amusee et donne un coup de pep! J'ai recu un massage par Sophia, une aveugle douee et experimentee (c'est fou comme j'etais tendue pour une fille en vacances!) au Seeing Hands.. J'ai ensuite passe une nuit a Battambang, ou j'ai fait l'experience du train de bambou, une simple plateforme propulsee par un moteur, curiosite qui permet de deplacer des gens ou des marchandises entre les villages. Quand deux "wagons" se trouvent face a face sur la voie ferree, on demonte subito presto l'un des deux pour laisser passer l'autre, et on roule... cheveux au vent entre les champs, une ballade agreable. Les enfants du village etaient etonnants, parlant de deux a quatre langues et voulant nous servir de guides pour gagner un dollar et payer leurs frais scolaires. Dans un bus, j'ai mange mon premier criquet geant grille, insecte croustillant et sale dont le gout rappelle vaguement les ailes de poulet! C'est pas mauvais mais l'apparence de la bestiole dissuade d'en manger tout un sac!
Aujourd'hui, 18 juin, je viens d'arriver a Siem Reap, berceau d'Ankor Wat, LA principale attraction du pays, la plus grande structure religieuse au monde, symbole de la nation et epicentre de la civilisation khmere. Il y a ici des centaines de temples datant environ du douzieme siecle, certains mieux conserves que d'autres, d'une beaute et d'une grandeur extravagante, parait-il. Je prends mes reperes de la ville et commencerai mon exploration demain.
Depart du Laos le 12 juin: apres avoir pris un bateau pour quitter l'ile, nous avons poireaute longtemps avant de remplir nos papiers pour la douane. La compagnie de transport prend nos passeports en charge (c'est la premiere fois que je vois ca), ils font la queue pour nous aux douanes et tout se passe bien en fin de compte, sauf pour Chris, un Allemand qui dans la confusion des changements de bus perd son sac, puis le retrouve apres une course en touktouk.
Il faudra 13 heures au total pour arriver a Phnom Penh, la capitale du Cambodge. Hourra!!!
Les fesses en compote et l'estomac dans les talons, je descend de l'autobus et j'eclate de rire tant la scene est burlesque: les chauffeurs de taxi accourent vers nous dans une cohue insensee, les yeux exorbites et le visage cramoisi, sautant sur place comme des pantins, agitant les bras et hurlant a s'en dechirer les cordes vocales dans l'espoir de faire quelques dollars. Certes, j'ai deja vu une horde acharnee auparavant, mais celle-ci surpasse tout en terme d'intensite theatrale! J'aurais voulu filmer ca, ce fut une tornade de cris et de boniments a rendre sourd, trois minutes de folie le temps de se caser avec nos gros sacs dans un quelconque machin roulant, puis tout redevint tranquille dans la gare d'autobus.
Des les premieres heures, je ressens une enorme difference avec les Laotiens, certes souriants mais timides et fuyants: les Cambodgiens au contraire recherchent le contact: regard franc, sourires amicaux, salutations decontractees et propention a blaguer et a taquiner. Ils semblent former un peuple enjoue et meme quand on decline leurs services, ils demeurent affables. Je me sens bien accueillie, ca me rappelle un peu l'ambiance bon enfant qui regne en Inde. Apres une savoureuse soupe sur le coin d'une rue et une biere glacee, particulierement desalterante, je m'ecroule sur mon lit pour un repos bien merite.
Je me separe de Judith, qui a retrouve son amie Rosemary et je me gate: je choisis une chambre proprette et confortable a 7$! (j'en ai visite une autre puante avec un lit defonce a 5$, c'est dire qu'il faut comparer.) Le Feng Shui a raison: ce qui est net et ordonne a l'exterieur favorise l'harmonie interieure. Ce petit nid douillet me met de bonne humeur. Fait surprenant, a l'epicerie je vois un pot de Haagen Daasz a 15$, soit l'equivalent de deux nuitees.. J'ai termine "La route du retour", de Jim Harrison, livre introspectif et plutot melancolique mais peuple de personnages attachants (un brin paumes ou marginaux, tels que je les aime) et de poignantes reflexions sur la vie l'amour la mort...Plus un regard lucide sur la societe americaine ainsi que des descriptions de paysages qui font rever de camping a la belle etoile et de chauvauchees sauvages dans des champs a perte de vue.. Je l'echange contre un autre roman, question d'avoir une lecture en reserve. (Les grandes villes sont les cavernes d'Ali Baba quand vient le temps de bouquiner).
Mots magiques locaux: "Soussedai" = bonjour, "a-khoun"= merci! Curieusement, l'argent qu'on retire dans les guichet est en dollars americains, qui circulent en parallelle avec les riels....quid?
Je visite le Musee national, beau batiment abritant des sculptures de Bouddha. Puis je me fais aborder par un monsieur d'environ 45 ans, on jase et il me dit: ah, t'es Canadienne? Justement ma soeur va bientot aller vivre a Toronto, elle aimerait parler avec toi .Il dit etre des Philippines, en vacances avec son neveu de 15 ans (ado trop poli et verbomoteur) et il appelle sa soi-disant soeur sur son cell et me dit "viens, elle va te faire a manger". Je trouve ca louche et precipite mais j'accepte, en me disant que c'est peut-etre vrai apres tout, mais en restant sur mes gardes. (Si on dit non a tout en voyage, on ne fait pas de rencontres! )
On prend un touktouk et j'ai la puce a l'oreille quand je constate que le Mister parle cambodgien avec le chauffeur (il m'avait dit que c'etait la premiere fois qu'il venait ici, pour le mariage de son frere...Mmm!.) Je regrette d'avoir accepte, ma vigilance redouble et je surveille mon sac. On arrive, le frere me serre la pince, parle tres bien anglais et dit travailler dans un casino sur un bateau. On me bombarde de questions de tout cotes, comme pour m'empecher de penser. La nourriture est servie dans des plats communs, donc elle ne peut etre "empoisonnee"- eh oui, je me mefie vraiment maintenant. Je demande au croupier, qui vit ici depuis 10 ans: mais je croyais que vous alliez vous marier? "Oh non c'est mon autre frere." Ahem.
Je jase avec la jeune aspirante a l'immigration a peine 2 minutes puis le mec qui veut me mener en bateu me dit "on pourrait faire de la buisiness ensemble, mais ca doit rester notre secret". Tac! V'la l'hamecon.! Je repond un non bien senti et peu apres, ils me fichent dehors: desoles, on recoit pour une ceremonie religieuse dans 10 minutes, il faut se preparer... Bye bye! Ouf! Dans les jours qui suivirent, j'ai ete abordee au moins trois autres fois, toujours sur le meme modele: un compliment sur mes vetements (ou as-tu achete ca? approche derisoire dans mon cas puisque je suis habillee comme la chienne a Jacques!) La personne vient typiquement des Philippines ou de la Malaisie, ils ont tous un cousin a Toronto et ils essaient de te prendre dans des combines telles: jouer aux cartes pour de l'argent (la partie est truquee), tu perds, vas au guichet et on te met la pression pour te soutirer de plus grosses sommes. Bon. Je sentais que c'etais pas cool ,tout cela, pas naturel. Tout a bien fini, heureusement, j'ai appris de cette experience et ca ne m'a rien coute!
Plus tard j'ai fraternise avec deux amis chauffeurs desoeuvres et ce fut autre chose: atmosphere tres relax, decontractee, humour, aucune pression. J'ai appris que l'un d'eux etait enseignant et l'autre policier (des salaires de 60 a 100$ par mois) avant de changer de metier. Je les sentais honnetes et gentils, je me sentais en securite avec eux, ils etaient respectueux et pas parasites, alors je leur ai offert une biere et une soupe (a faire soi-meme sur un rechaud en ajoutant les ingredients a mesure, amusant). Rien n'est gratuit dans ce pays, ni l'education ni les soins de sante. Apres le desastre Pol Pot, le 20% le plus riche a toujours superbement ignore le 80% de gens pauvres qui luttent pour survivre de petits boulots. Le cas classique: famille nombreuse (parents fermiers) dont l'un des fils vient en ville etudier ou soutenir sa tribu en travaillant avec les touristes. Beaucoup d'enfants aussi arpentent les trottoirs a vendre des "bebelles", freles poussinots d'aussi peu que neuf ou dix ans qui nous suivent sur plusieurs rues tout en nous haranguant habilement a coup de: open your heart, sister, open your wallet!
J'ai passe deux jours a mariner dans le sombre univers des Khmers Rouge, un veritable cauchemar dans l'histoire recente, une experience sans precedent d'implantation brutale d'un communisme radical et absurde. J'ai visite le musee du Genocide, de quoi avoir la nausee pour un bout de temps. "Study is not important. Work and revolution are important." J'ai lu un recit autobiographique de Pin Yathay, Stay alive my son, qui relate la descente aux enfers d'un homme qui a perdu toute sa famille (17 personnes) en l'espace de trois ans. et qui a survecu par quasi miracle a cette periode infernale. Au debut, les Khmers rouge ont dissimule leur cote radical sous un vernis patriotique qui a vite craque pour reveler une organisation machiavelique, orchestrant une vaste purification a coup de torture et d'executions sommaires... Au debut, il y eut l'ordre d'evacuer les villes sous pretexte que les Americains aller bombarder. "Seulement trois jours", qu'on disait aux gens, "et vous pourrez rentrer chez vous, ne prenez que peu de bagages".
On les amenait dans des campements en campagne pour les faire travailler comme des esclaves, les traitant avec moins d'egard que des animaux. Systeme monetaire aboli, ecoles et hopitaux fermes, musees et temples detruits, tout doit etre rase pour effacer les traces de "l'imperialisme feodal" et transformer le pays en vaste camp de travail, ou les gens meurent de faim, de mauvais traitement ou de maladie, tandis que les intellectuels les plus en vue sont amenes a la prison S-21 pour y signer sous la torture des aveux de crimes imaginaires contre la revolution. Etre ingenieur, journaliste ou etudiant, porter des lunettes, parler une langue etrangere ou avoir etudie en Europe sont des criteres suffisants pour etre la cible de persecutions atroces.
Les gardes rouges etaient pour la plupart de jeunes illettres anonnant des slogans creux et parlant de l'Organisation comme d'une personne: Angkar needs your car, Angkar takes care of you; you must obey and be grateful and ask no questions.... Big brother en personne! L'info est controlee, les gens sont dans la confusion totale. On encourage la delation, des familles sont arbitrairement separees dans le transport vers les camps, les maisons abandonnees sont pillees et les gens fricotent un marche noir pour survivre, les rations etant insuffisantes.. Il n'y a plus la moindre propriete individuelle, sauf les bijoux que les gens ont reussi a planquer, TOUS les livres ou documents ecrits sont brules, incluant les cartes d'identite; aucune possibilite de choix. ne subsiste: on doit travailler jusqu'a epuisement, ou tenter de s'enfuir au risque d'etre fusille.
J'ai visite les Killing Fields, lieu deprimant ou des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants ont ete extermines et enterres dans des fosses communes. Il y avait meme un baby smashing tree, ou les tout-petits avaient le crane fracasse contre un arbre, afin d'eviter qu'une fois adultes ils ne veuillent venger leurs parents. On pouvait voir les ossements de ces infortunes creatures, dont le seul tort etait de ne pas etre dans le camp de l'opresseur. En moins de quatre ans, plus de deux millions de personnes ont peri, soit environ 25% de la population. Voila. Ce n'est pas un mauvais reve, c'est...la triste realite lorsque l'abstraction ideologique prend le pas sur l'humanisme le plus elementaire..
Cela dit, j'aime vraiment la ville de Phnom Penh, une belle ambiance regne en-dehors de ce chapitre glauque pas si lointain! En vrac: vu des touktouk pleins de moines, des ecoliers se tenant par le cou, des barbiers sur le trottoir, un(e) serveur lady-boy dans un resto, une touriste de 70 ans voyageant sac au dos, des biscuits style Oreo au durian, des enfants jouant a une version pauvre de la petanque (en bottant leurs gougounes de caoutchouc), des gamins tout nus dansant dans un jet d'eau pour combattre la chaleur, des machines a faire de l'exercice au bord de l'eau... J'ai visite, comme il se doit, le Palais royal et la Pagode d'argent, mais ce que j'ai prefere c'est de sobres sculptures de Bouddha dans la nature, entoures de feuillages et de fougeres.. .J'ai des gouts simples et je ne suis pas impressionnee par le luxe et les dorures dont la royaute s'entoure, meme si je peux apprecier l'architecture et le talent des artistes qui ont cree ces monuments.
Je me suis joint a un groupe d'une centaine de personnes qui faisait de l'aerobie sur une place publique, ca m'a amusee et donne un coup de pep! J'ai recu un massage par Sophia, une aveugle douee et experimentee (c'est fou comme j'etais tendue pour une fille en vacances!) au Seeing Hands.. J'ai ensuite passe une nuit a Battambang, ou j'ai fait l'experience du train de bambou, une simple plateforme propulsee par un moteur, curiosite qui permet de deplacer des gens ou des marchandises entre les villages. Quand deux "wagons" se trouvent face a face sur la voie ferree, on demonte subito presto l'un des deux pour laisser passer l'autre, et on roule... cheveux au vent entre les champs, une ballade agreable. Les enfants du village etaient etonnants, parlant de deux a quatre langues et voulant nous servir de guides pour gagner un dollar et payer leurs frais scolaires. Dans un bus, j'ai mange mon premier criquet geant grille, insecte croustillant et sale dont le gout rappelle vaguement les ailes de poulet! C'est pas mauvais mais l'apparence de la bestiole dissuade d'en manger tout un sac!
Aujourd'hui, 18 juin, je viens d'arriver a Siem Reap, berceau d'Ankor Wat, LA principale attraction du pays, la plus grande structure religieuse au monde, symbole de la nation et epicentre de la civilisation khmere. Il y a ici des centaines de temples datant environ du douzieme siecle, certains mieux conserves que d'autres, d'une beaute et d'une grandeur extravagante, parait-il. Je prends mes reperes de la ville et commencerai mon exploration demain.
Tu nous prends par la main et tu nous emmène avec toi... Merci!
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