Malgre ma cheville bleuie, "mon kussi tsu" : je suis de bonne humeur! Il y eut un soir ou j'ai boite fortement, mais a force de repos, de glace et de patience, ca desenfle tranquillement. Ouf! Je peux esperer faire de la marche en montagne, dieu merci. Le titre de cette chronique est le nom d'un jus delicieux a base d'ananas, de gingembre et de coriandre fraiche, mais decrit aussi mon emerveillement renouvele d'etre en Asie!
Un glissement de terrain du a une forte averse a enseveli cinq vehicules et fait une douzaine de morts. J'ai commence un recueil de nouvelles de Manjushree Thapa, tres bien ecrit; feuillete "Smile, you're travelling" par Henry Rollins, assez poseur merci: non seulement il ne peut ecrire trois lignes sans dire fuck ou shit, mais en plus son periple en Afrique se deroule a une vitesse ridicule; il y passe dix jours et se sent aventurier. Il y a cependant une citation de lui que j'apprecie: "The american is born dysfunctional and must fight his way out just to be normal." Quelques jours plus tard, je me delecte d'un bouquin-fleuve de Luis Alberto Urrea, "Hummingbird's daughter", fresque coloree brodee autour d'une sainte mexicaine ayant vraiment existe.
Je retourne dans les entrailles de Katmandu afin de me rendre au bureau d'immigration. Je remplis ma demande et au bout de deux petites heures, j'ai en main une extension de deux semaines pour mon visa.
Je croise ensuite une grande blonde fort sympathique: Elea, Francaise fraichement debarquee de l'avion. Le contact est immediat, simple et la conversation coule de source. Nous croisons une manif, visitons Durbar Square et avons le chance d'apercevoir furtivement la Kumari, jeune deesse vivante qui a l'air de s'emmerder royalement dans ses habits d'apparat.
Le soir venu, nous allons ecluser quelques bieres au Funky Buddha, puis passons a un autre bar abritant des musiciens jouant bien sur de vieux succes. Enfin, nous vivons une experience culturelle etonnante dans un drole de club ou la biere hors de prix est servie par des hotesses (assez sexy selon les standards nepalais) qui offrent jasette et grands sourires afin d'inciter les hommes a boire et ou personne ne danse-hormis des pros qui nous infligent des choregraphies allant de la romance sirupeuse au hip-hop en passant par les tremulations bolywoodiennes... mieux vaut en rire! Nous rentrons a 11h: la grille d'entree de l'hotel est fermee a cle, je dois reveiller le portier.
Le lendemain, jour de detente: je vais flemmarder au Dream Garden, superbe endroit de verdure et bassins d'eau ou l'on peut s'allonger mollement sur l'herbe, enfonce dans des coussins en degustant un expresso a prix d'or. Je me balade ensuite autour de la vieille ville et nous retournons, Elea et moi, au Funky Buddha car c'est la soiree transe, avec un DJ et oui, les gens dansent, enfin! Je rencontre Sjoerd, un grand Hollandais souriant au nom impossible a prononcer, qui est interesse lui aussi a faire le trek de Poonhill. Je m'eclate a tournoyer, pieds nus dans le jardin, puis a 22h nous passons au Reggae Bar, ou une foule animee boit, fume a la chaine et se tortille en ecoutant le band live rendre energiquement les memes sempiternels vieux tubes. Jimmy, le proprio des lieux, nous paie une biere; nous placotons avec des gars de Mumbai. On ne rentre pas trop tard, ma copine se levant a l'aube pour son saut en bungee. (Cette fois, je file un pourboire au portier de l'hotel.)
Le lendemain, je pars en compagnie d'Elea et Dinesh pour Pokhara, decouvre le Namaste Lodge, avec une terrasse donnant une superbe vue sur le lac. Le soir, dans un resto familial, croyez-le ou non: ca a pris plus d'une heure trente pour etre servis, j'avais l'estomac gargouillant de protestation! Je vais au Blues bar faire un rapide coucou a la tribu; Greg et Harsh quittent le lendemain, Nico est ravi de me voir mais pas surpris (il avait eu l'intuition qu'il me croiserait le jour meme) et dodo tot, le trajet de bus m'a fatiguee.
Le lendemain, je marche avec Nico et Elea jusqu'au chutes de Devi, belle promenade sous le soleil. Sjoerd nous rejoint en fin de journee et nous filons en vitesse, juste avant que les bureaux ne ferment, prendre les deux permis necessaires pour entrer dans la zone de conservation de l'Annapurna, deuxieme sommet le plus haut de la chaine de l'Hymalaya; il y a de l'excitation dans l'air!
Le neuf octobre au matin, nous prenons un taxi jusqu'a Nayapul, dejeunons sur place puis entamons notre premiere journee de trek. Nous grimpons de nombreuses marches en pierre, croisons des mulets, cotoyons des rizieres d'un vert quasi aveuglant; le paysage est magnifique et le ciel est bleu, la temperature un peu chaude en plein soleil mais je suis aux anges. Nous arrivons a Ghandruk vers 15h30, ce fut plus facile que je l'anticipais, mais pour Sjoerd (qui fume abondamment) c'est l'inverse. Notre hotel est une magnifique vieille maison rurale en bois tres bien tenue, bien plus classe que ce que j'imaginais.
Reveillee a l'aube, j'assiste au lever du soleil: la vue est degagee, je me sens toute proche des sommets enneiges, c'est epoustouflant! Depart vers 7h30, le debut du trajet est a l'ombre et longe de nombreux ruisseaux. Sjoerd a d'enormes ampoules et traine un peu la patte. Je dois me freiner et perds mon rythme a cause des nombreuse pauses, mais j'ai bon moral. Une foret enchantee a la Tolkien, remplie de lianes, d'arbres biscornus et de rhododendrons me donne l'impression qu'un troll ou une sorciere va surgir de derriere un gros rocher! Apercu quelques singes. Arret a Tarapani pour diner d'un consistant dhal bat (riz et lentilles) et arrivee a Banthati vers 14h30, a 2660 metres d'altitude. Nous avons croise beaucoup de monde sur le sentier. Dinesh avait dit que ce serait le jour le plus difficile mais je crois qu' il nous menage psychologiquement (en nous disant que ca prendra sept heures quand ca en prend quatre ou cinq), resultat on est tout contents quand on arrive a destination!
A ce nouvel hotel, un sympathique et extraverti Coreen implique dans des projets humanitaires nous fait bien rire car il s'exclame sans cesse d'une voix tonitruante, a des opinions tranchees sur tout et deborde de bonhomie et de vitalite. Ca discute ferme de spiritualite autour de la table. Apres le souper, nous avons droit a une petite demonstration de danse locale accompagnee de chants et tambours, nous dansons quelque peu, c'est fort joyeux ma foi! Il fait un peu froid la nuit venue, nous buvons un peu de vodka pour nous rechauffer.
Helas mon voisin de chambre ronfle ardemment, je n'ai dormi que cinq heures et je me sens fripee et grognonne le lendemain matin. Le soleil nous sourit a nouveau, on voit le sommet Annapurna sud. Aujoud'hui, on va descendre puis remonter, pour un total de 3300 metres de denivele! Pas trop dur mais je me sens faible car le diner ne vient que vers 15h30, je me sens impatiente tellement j'ai faim. Delicieux curry de chanterelles, mioum! Apres, j'ai les joues en feu, je me sens fievreuse; en buvant beaucoup d'eau chaude, curieusement mon etat s'ameliore mais je remarque aussi que j'ai des plaques de peau tres seche sur les mains et sur les jambes, une rougeur irritee qui evoque soit l'eczema ou la dermatite. Dinesh croit que c'est du au changement de temperature mais j'en doute.
Quoiqu'il en soit, nous voila a Ghorepani, au Superview Lodge qui merite bien son nom. C'est tout simplement grandiose! Modeste chalet aux murs en carton ou il regne une atmosphere conviviale. Je rencontre un couple de Quebec, c'est plaisant d'echanger en se rechauffant autour du poele (fait d'un simple baril). On se couche tot et je supplie pour changer de chambre avec notre guide, alors je dors dans un petit reduit qui sert a entreposer les couvertures mais je DORS, o merveille!
Le lendemain, le reveil qui sonne a quatre heure est un petit defi en soi: s'habiller puis commencer a marcher dans le noir, a la file indienne avec les autres, armes de lampes de poches pour escalader Poonhill, soit l'apotheose de ce trek. Les lueurs de l'aube se pointent, melangeant les couleurs dans la palette du ciel, puis...ta-dam! Voici le moment tant attendu du lever de soleil et ca valait vraiment le coup! Pour la premiere fois de ce voyage j'ai franchement froid aux extremites et me rechauffe les doigts sur un verre de the. Une horde de pres de deux cents touristes papote et prend moultes photos eblouissantes des sommets coiffes de blanc. Nous demeurons sur place jusqu'a huit heures,goutant un moment de silence car tout le monde est redescendu pour le petit dejeuner et rencontrons Natalia, une Ukrainienne qui vit en voyage depuis sept ans.
Cette journee est une gaterie, un repos. Sjoerd fait la sieste, je me balade toute seule dans le tres petit village; tentative avortee d'aller sur internet. Je bois une biere assise toute seule dehors, comme dans le temps ou j'allais sur les plaines a l'adolescence avec ma bouteille de rhum ecouter Depeche Mode dans mon walkman a cassette!!! Un coq chante, les villageois vaquent a leurs taches, travaillant lentement mais sans relache. Je me sens tres relaxe, un peu feeling et portee a commencer a faire un bilan de mon voyage. Hum, je ne pense pas etre devenue une personne plus sage, plus eclairee; je suis encore souvent tres reactive, impatiente, habitee de doutes et de jugements...bref j'ai bien du chemin a parcourir encore! J'aimerais avoir plus de foi en moi et dans la vie. Ai-je trop ete dans le faire, dans l'amusement de la decouverte et de la nouveaute? J'aurai besoin de temps au retour pour decanter. Quand je relis mon journal ou que je revois mes photos, je suis etourdie par l'intensite et la densite de ces derniers mois. Oui, je n'ai pas fini de digerer tout cela!
Parenthese : en nepalais le mont Everest se nomme Sagarmatha, qui signifie mere de toutes les deesses!
Apres une longue nuit reparatrice, depart a jeun vers sept heures, going down, down, down! Maintenant c'est Sjoerd le plus rapide; avec ses grandes jambes il est devant et deboule les marches deux par deux. Sur son baton de marche geant se trouve un morceau de bois enroule en spirale, que tout le monde scrute pour verifier s'il s'agit d'un serpent, c'est le running gag de la journee! Petit dej. copieux de Rosti au fromage et, coup de chance pour moi, la proprio du restaurant masse son adorable bebe de trois mois au soleil; c'est une tradition ici comme en Inde de masser les enfants tres regulierement; elle me permet de prendre des photos. On arrive a Hille pas trop tard et juste avant un orage de pluie intense. Le gite est tenu par une famille tres chaleureuse, je me retrouve dans la cuisine a regarder la femme preparer le repas et je joue avec son petit garcon de deux ans. Un Israelien nous montre un jeu de carte ou il faut mentir, on rigole bien.
Depart en ce dernier jour vers 9h30, pas besoin de se presser puisqu'avant midi, nous sommes attables a Birethanti, au bord de la riviere, la boucle est bouclee...deja! Nous voyons une manifestations d'enfants avec des pancartes exhortant leurs parents a cesser de boire, de fumer et de parier afin de leur assurer un meilleur avenir! C'est touchant. Encore un peu de marche jusqu'au taxi et retour a Pokhara. Par hasard, je croise Cathy sur la rue, cette charmante femme avec laquelle j'avais fait le trajet de Rishikesh jusqu'ici! Nous allons souper tous ensemble, avec un Sjoerd rase de frais, une Elea qui s'est inquietee car nous avons rallonge le trek d'une journee et un Quebecois cool nomme Francois, qui a etudie en tourisme d'aventure et se paie comme moi une sabbatique (il a passe son ete d'avant au Yukon pour faire des sous rapidement).
Le premier bar est un repaire avec hotesses et danses quetaines, oups! Nous sifflons nos bieres rapidement. Le second endroit ressemble a une boum, avec deux cent gars de 14 a 20 ans et environ dix filles.. et des tubes dance des annees 90 comme il se doit, bref full testosterone et assez hilarant dans l'ensemble. Ca ferme a 11h helas, on a tout juste le temps de s'echauffer que c'est fini! On se refugie au Busy Bee et la, on peut continuer la discussion jusqu'a deux heures du matin en grignotant frites et pizza...C'est le night life a Pokhara!
Apres une courte nuit, loooong trajet de bus de plus de huit heures pour revenir a Katmandu. L'hotel que je voulais est plein mais je croise un British que j'avais deja vu et il accepte de partager sa chambre a deux lits avec moi. (J'ai chaud et pas envie de chercher ailleurs). Dinesh accompagne Elea a Bhaktapur. Nombreuses coupures d'electricite ce soir-la, je prend une douche froide a l'eau sulfureuse et avec une petite ampoule qui clignote, wow! Je m'apercois que je suis rendue avec une quantite monstrueuse de bagage, je me decide a jeter et donner quelques objets. Je suis contente de retrouver mon tapis de yoga et je magasine un billet d'avion pour Jakarta sur internet: c'est un peu long et plus cher que prevu, je regarde mes finances et je sens mon mental agite et dissipe; je pense beaucoup au retour et aux milles choses a faire et ca me stresse...
Le 16 octobre commence Dasain, une fete religieuse hindoue qui commemore la victoire de Durga sur un demon, ou traditionnellement l'on egorge de nombreux animaux en sacrifice pour se gagner les faveurs des divinites ou eloigner les mauvais esprits, ce qui est desaprouve par les gens des classes sociales plus aisees.
Certaines personnes adorent ce festival, qui permet aux gens d'avoir des conges et de se retrouver en famille, mais d'autres detestent le cortege d'obligations que cela entraine: paraitre heureux et souriant a tout prix, faire de couteuses receptions, acheter de nouveaux vetements et des cadeaux, bref un peu comme Noel chez nous! Et attention: quiconque tente de s'y soustraire risque le chantage emotionnel de papa ou maman!
Aujourd'hui, j'ai vu trois enfants rire a gorge deployee en pourchassant des pigeons sur la place.
"Ne suffit-il pas du rire d'un enfant pour que le present devienne un absolu?"
-Olivier Germain-Thomas
Un glissement de terrain du a une forte averse a enseveli cinq vehicules et fait une douzaine de morts. J'ai commence un recueil de nouvelles de Manjushree Thapa, tres bien ecrit; feuillete "Smile, you're travelling" par Henry Rollins, assez poseur merci: non seulement il ne peut ecrire trois lignes sans dire fuck ou shit, mais en plus son periple en Afrique se deroule a une vitesse ridicule; il y passe dix jours et se sent aventurier. Il y a cependant une citation de lui que j'apprecie: "The american is born dysfunctional and must fight his way out just to be normal." Quelques jours plus tard, je me delecte d'un bouquin-fleuve de Luis Alberto Urrea, "Hummingbird's daughter", fresque coloree brodee autour d'une sainte mexicaine ayant vraiment existe.
Je retourne dans les entrailles de Katmandu afin de me rendre au bureau d'immigration. Je remplis ma demande et au bout de deux petites heures, j'ai en main une extension de deux semaines pour mon visa.
Je croise ensuite une grande blonde fort sympathique: Elea, Francaise fraichement debarquee de l'avion. Le contact est immediat, simple et la conversation coule de source. Nous croisons une manif, visitons Durbar Square et avons le chance d'apercevoir furtivement la Kumari, jeune deesse vivante qui a l'air de s'emmerder royalement dans ses habits d'apparat.
Le soir venu, nous allons ecluser quelques bieres au Funky Buddha, puis passons a un autre bar abritant des musiciens jouant bien sur de vieux succes. Enfin, nous vivons une experience culturelle etonnante dans un drole de club ou la biere hors de prix est servie par des hotesses (assez sexy selon les standards nepalais) qui offrent jasette et grands sourires afin d'inciter les hommes a boire et ou personne ne danse-hormis des pros qui nous infligent des choregraphies allant de la romance sirupeuse au hip-hop en passant par les tremulations bolywoodiennes... mieux vaut en rire! Nous rentrons a 11h: la grille d'entree de l'hotel est fermee a cle, je dois reveiller le portier.
Le lendemain, jour de detente: je vais flemmarder au Dream Garden, superbe endroit de verdure et bassins d'eau ou l'on peut s'allonger mollement sur l'herbe, enfonce dans des coussins en degustant un expresso a prix d'or. Je me balade ensuite autour de la vieille ville et nous retournons, Elea et moi, au Funky Buddha car c'est la soiree transe, avec un DJ et oui, les gens dansent, enfin! Je rencontre Sjoerd, un grand Hollandais souriant au nom impossible a prononcer, qui est interesse lui aussi a faire le trek de Poonhill. Je m'eclate a tournoyer, pieds nus dans le jardin, puis a 22h nous passons au Reggae Bar, ou une foule animee boit, fume a la chaine et se tortille en ecoutant le band live rendre energiquement les memes sempiternels vieux tubes. Jimmy, le proprio des lieux, nous paie une biere; nous placotons avec des gars de Mumbai. On ne rentre pas trop tard, ma copine se levant a l'aube pour son saut en bungee. (Cette fois, je file un pourboire au portier de l'hotel.)
Le lendemain, je pars en compagnie d'Elea et Dinesh pour Pokhara, decouvre le Namaste Lodge, avec une terrasse donnant une superbe vue sur le lac. Le soir, dans un resto familial, croyez-le ou non: ca a pris plus d'une heure trente pour etre servis, j'avais l'estomac gargouillant de protestation! Je vais au Blues bar faire un rapide coucou a la tribu; Greg et Harsh quittent le lendemain, Nico est ravi de me voir mais pas surpris (il avait eu l'intuition qu'il me croiserait le jour meme) et dodo tot, le trajet de bus m'a fatiguee.
Le lendemain, je marche avec Nico et Elea jusqu'au chutes de Devi, belle promenade sous le soleil. Sjoerd nous rejoint en fin de journee et nous filons en vitesse, juste avant que les bureaux ne ferment, prendre les deux permis necessaires pour entrer dans la zone de conservation de l'Annapurna, deuxieme sommet le plus haut de la chaine de l'Hymalaya; il y a de l'excitation dans l'air!
Le neuf octobre au matin, nous prenons un taxi jusqu'a Nayapul, dejeunons sur place puis entamons notre premiere journee de trek. Nous grimpons de nombreuses marches en pierre, croisons des mulets, cotoyons des rizieres d'un vert quasi aveuglant; le paysage est magnifique et le ciel est bleu, la temperature un peu chaude en plein soleil mais je suis aux anges. Nous arrivons a Ghandruk vers 15h30, ce fut plus facile que je l'anticipais, mais pour Sjoerd (qui fume abondamment) c'est l'inverse. Notre hotel est une magnifique vieille maison rurale en bois tres bien tenue, bien plus classe que ce que j'imaginais.
Reveillee a l'aube, j'assiste au lever du soleil: la vue est degagee, je me sens toute proche des sommets enneiges, c'est epoustouflant! Depart vers 7h30, le debut du trajet est a l'ombre et longe de nombreux ruisseaux. Sjoerd a d'enormes ampoules et traine un peu la patte. Je dois me freiner et perds mon rythme a cause des nombreuse pauses, mais j'ai bon moral. Une foret enchantee a la Tolkien, remplie de lianes, d'arbres biscornus et de rhododendrons me donne l'impression qu'un troll ou une sorciere va surgir de derriere un gros rocher! Apercu quelques singes. Arret a Tarapani pour diner d'un consistant dhal bat (riz et lentilles) et arrivee a Banthati vers 14h30, a 2660 metres d'altitude. Nous avons croise beaucoup de monde sur le sentier. Dinesh avait dit que ce serait le jour le plus difficile mais je crois qu' il nous menage psychologiquement (en nous disant que ca prendra sept heures quand ca en prend quatre ou cinq), resultat on est tout contents quand on arrive a destination!
A ce nouvel hotel, un sympathique et extraverti Coreen implique dans des projets humanitaires nous fait bien rire car il s'exclame sans cesse d'une voix tonitruante, a des opinions tranchees sur tout et deborde de bonhomie et de vitalite. Ca discute ferme de spiritualite autour de la table. Apres le souper, nous avons droit a une petite demonstration de danse locale accompagnee de chants et tambours, nous dansons quelque peu, c'est fort joyeux ma foi! Il fait un peu froid la nuit venue, nous buvons un peu de vodka pour nous rechauffer.
Helas mon voisin de chambre ronfle ardemment, je n'ai dormi que cinq heures et je me sens fripee et grognonne le lendemain matin. Le soleil nous sourit a nouveau, on voit le sommet Annapurna sud. Aujoud'hui, on va descendre puis remonter, pour un total de 3300 metres de denivele! Pas trop dur mais je me sens faible car le diner ne vient que vers 15h30, je me sens impatiente tellement j'ai faim. Delicieux curry de chanterelles, mioum! Apres, j'ai les joues en feu, je me sens fievreuse; en buvant beaucoup d'eau chaude, curieusement mon etat s'ameliore mais je remarque aussi que j'ai des plaques de peau tres seche sur les mains et sur les jambes, une rougeur irritee qui evoque soit l'eczema ou la dermatite. Dinesh croit que c'est du au changement de temperature mais j'en doute.
Quoiqu'il en soit, nous voila a Ghorepani, au Superview Lodge qui merite bien son nom. C'est tout simplement grandiose! Modeste chalet aux murs en carton ou il regne une atmosphere conviviale. Je rencontre un couple de Quebec, c'est plaisant d'echanger en se rechauffant autour du poele (fait d'un simple baril). On se couche tot et je supplie pour changer de chambre avec notre guide, alors je dors dans un petit reduit qui sert a entreposer les couvertures mais je DORS, o merveille!
Le lendemain, le reveil qui sonne a quatre heure est un petit defi en soi: s'habiller puis commencer a marcher dans le noir, a la file indienne avec les autres, armes de lampes de poches pour escalader Poonhill, soit l'apotheose de ce trek. Les lueurs de l'aube se pointent, melangeant les couleurs dans la palette du ciel, puis...ta-dam! Voici le moment tant attendu du lever de soleil et ca valait vraiment le coup! Pour la premiere fois de ce voyage j'ai franchement froid aux extremites et me rechauffe les doigts sur un verre de the. Une horde de pres de deux cents touristes papote et prend moultes photos eblouissantes des sommets coiffes de blanc. Nous demeurons sur place jusqu'a huit heures,goutant un moment de silence car tout le monde est redescendu pour le petit dejeuner et rencontrons Natalia, une Ukrainienne qui vit en voyage depuis sept ans.
Cette journee est une gaterie, un repos. Sjoerd fait la sieste, je me balade toute seule dans le tres petit village; tentative avortee d'aller sur internet. Je bois une biere assise toute seule dehors, comme dans le temps ou j'allais sur les plaines a l'adolescence avec ma bouteille de rhum ecouter Depeche Mode dans mon walkman a cassette!!! Un coq chante, les villageois vaquent a leurs taches, travaillant lentement mais sans relache. Je me sens tres relaxe, un peu feeling et portee a commencer a faire un bilan de mon voyage. Hum, je ne pense pas etre devenue une personne plus sage, plus eclairee; je suis encore souvent tres reactive, impatiente, habitee de doutes et de jugements...bref j'ai bien du chemin a parcourir encore! J'aimerais avoir plus de foi en moi et dans la vie. Ai-je trop ete dans le faire, dans l'amusement de la decouverte et de la nouveaute? J'aurai besoin de temps au retour pour decanter. Quand je relis mon journal ou que je revois mes photos, je suis etourdie par l'intensite et la densite de ces derniers mois. Oui, je n'ai pas fini de digerer tout cela!
Parenthese : en nepalais le mont Everest se nomme Sagarmatha, qui signifie mere de toutes les deesses!
Apres une longue nuit reparatrice, depart a jeun vers sept heures, going down, down, down! Maintenant c'est Sjoerd le plus rapide; avec ses grandes jambes il est devant et deboule les marches deux par deux. Sur son baton de marche geant se trouve un morceau de bois enroule en spirale, que tout le monde scrute pour verifier s'il s'agit d'un serpent, c'est le running gag de la journee! Petit dej. copieux de Rosti au fromage et, coup de chance pour moi, la proprio du restaurant masse son adorable bebe de trois mois au soleil; c'est une tradition ici comme en Inde de masser les enfants tres regulierement; elle me permet de prendre des photos. On arrive a Hille pas trop tard et juste avant un orage de pluie intense. Le gite est tenu par une famille tres chaleureuse, je me retrouve dans la cuisine a regarder la femme preparer le repas et je joue avec son petit garcon de deux ans. Un Israelien nous montre un jeu de carte ou il faut mentir, on rigole bien.
Depart en ce dernier jour vers 9h30, pas besoin de se presser puisqu'avant midi, nous sommes attables a Birethanti, au bord de la riviere, la boucle est bouclee...deja! Nous voyons une manifestations d'enfants avec des pancartes exhortant leurs parents a cesser de boire, de fumer et de parier afin de leur assurer un meilleur avenir! C'est touchant. Encore un peu de marche jusqu'au taxi et retour a Pokhara. Par hasard, je croise Cathy sur la rue, cette charmante femme avec laquelle j'avais fait le trajet de Rishikesh jusqu'ici! Nous allons souper tous ensemble, avec un Sjoerd rase de frais, une Elea qui s'est inquietee car nous avons rallonge le trek d'une journee et un Quebecois cool nomme Francois, qui a etudie en tourisme d'aventure et se paie comme moi une sabbatique (il a passe son ete d'avant au Yukon pour faire des sous rapidement).
Le premier bar est un repaire avec hotesses et danses quetaines, oups! Nous sifflons nos bieres rapidement. Le second endroit ressemble a une boum, avec deux cent gars de 14 a 20 ans et environ dix filles.. et des tubes dance des annees 90 comme il se doit, bref full testosterone et assez hilarant dans l'ensemble. Ca ferme a 11h helas, on a tout juste le temps de s'echauffer que c'est fini! On se refugie au Busy Bee et la, on peut continuer la discussion jusqu'a deux heures du matin en grignotant frites et pizza...C'est le night life a Pokhara!
Apres une courte nuit, loooong trajet de bus de plus de huit heures pour revenir a Katmandu. L'hotel que je voulais est plein mais je croise un British que j'avais deja vu et il accepte de partager sa chambre a deux lits avec moi. (J'ai chaud et pas envie de chercher ailleurs). Dinesh accompagne Elea a Bhaktapur. Nombreuses coupures d'electricite ce soir-la, je prend une douche froide a l'eau sulfureuse et avec une petite ampoule qui clignote, wow! Je m'apercois que je suis rendue avec une quantite monstrueuse de bagage, je me decide a jeter et donner quelques objets. Je suis contente de retrouver mon tapis de yoga et je magasine un billet d'avion pour Jakarta sur internet: c'est un peu long et plus cher que prevu, je regarde mes finances et je sens mon mental agite et dissipe; je pense beaucoup au retour et aux milles choses a faire et ca me stresse...
Le 16 octobre commence Dasain, une fete religieuse hindoue qui commemore la victoire de Durga sur un demon, ou traditionnellement l'on egorge de nombreux animaux en sacrifice pour se gagner les faveurs des divinites ou eloigner les mauvais esprits, ce qui est desaprouve par les gens des classes sociales plus aisees.
Certaines personnes adorent ce festival, qui permet aux gens d'avoir des conges et de se retrouver en famille, mais d'autres detestent le cortege d'obligations que cela entraine: paraitre heureux et souriant a tout prix, faire de couteuses receptions, acheter de nouveaux vetements et des cadeaux, bref un peu comme Noel chez nous! Et attention: quiconque tente de s'y soustraire risque le chantage emotionnel de papa ou maman!
Aujourd'hui, j'ai vu trois enfants rire a gorge deployee en pourchassant des pigeons sur la place.
"Ne suffit-il pas du rire d'un enfant pour que le present devienne un absolu?"
-Olivier Germain-Thomas