samedi 3 novembre 2012

ENDLESS SUMMER

 "C'est quoi etre profond? 
 -La profondur est une disponibilite."      Olivier Germain-Thomas.

Bien bien bien, me voila a nouveau dans les serres d'un soleil impitoyable ayant pour complice un taux d'humidite a faire friser les poils d'un balai. Soit. J'avais vu un panneau vantant les merites de l'Indonesie a Bali en novembre 2011 qui montrait un ciel bleu sous lequel on lisait: Endless Summer, ce qui a mes yeux representait plus une malediction qu'une promesse. Que voulez-vous, j'aime savourer quatre saisons distinctes, j'aime la fraicheur qui ravigote, le froid qui mord, le vent qui pince, les tempetes de neige,  le printemps fougeux et l'automne contemplatif... Tres bientot, je serai de retour dans le climat quebecois.

 En vrac:

"L'orient a choisi l'ephemere, une perte incessante qui ne suscite aucune angoisse. C'est ainsi."
"Comprendre les autres?  D'abord regarder ses propres coutumes comme une fiction."
"Le diable est l'ombre de l'ange. L'angoisse provient d'un desir sans espoir. Plus de desir, plus de nevrose."
"Bientot  je quitterai ma peau  sans avoir connu  le corps de lune."  (haiku)      O. G.-T.

"Ce qu'il y a de plus profond en l'homme, c'est la peau."  Paul Valery

"Elle se sentait a travers lui. Sentait sa peau. La maniere dont son corps n'existait
qu'aux endroits ou il la touchait. Ailleurs, il n'etait que fumee."   Arundhati Roy

Karate veut dire: mains vides...

"Si on arrive, tant mieux, si on n'arrive pas, tant pis!"  (comptine thailandaise)

"Watch the point at which you become unlovable to yourself. Then be very, very kind.
 This is where the practice of compassion begins. The willingness to look rather than to turn away is in itself acceptance... Plunge into whichever feeling arises in yourself, be ready for anything, like a zen warrior!" Sarah Jenkins

"Death is always there watching, waiting. But the one who dies each day is beyond death. TO DIE IS TO LOVE.  Meditation is dying to the known. Complete attention is love. Desire and pleasure end in sorrow. Love has no sorrow. Death is only for those who have a resting place. Have no shelter outwardly or inwardly; have a room or a house but don't let it become a hiding place, an escape from yourself." Krishnamurti

"On the other side of fear lies freedom."    (?)

Djinn tonic, quelqu'un?! En comparaison avec nos freres d'orient, nous occidentaux avons perdu le sens du secret, de la magie, du mystere... Nos vies aseptisees, super-mega-organisees, planifiees et orchestrees au quart de tour et a la minute pres ne laisse plus de marge pour l'imprevu, l'irrationnel, le chaos! Autre chose: chez nous il n'y a pas de castes...vraiment? Euh je m'excuse de vous gacher votre party mais que faites-vous des strates sociales basees sur: le revenu, le niveau d'etudes, la sorte de travail que vous faites, bref votre cote a la bourse du succes personnel?! Je me souviens qu' un jour un NARTISTE de conservatoire avait leve le nez sur Carl parce qu'il est cuisinier. Ca fait longtemps, d'accord mais je me rappelle aussi de l'air ahuri d'une ex-connaissance du secondaire dont la machoire s'est presque decrochee quand elle a su que j'etais...pfff, massotherapeute?!  (c'est pas un metier de cancre, d'illetree, ca?)  Ahem.

Sans oublier les diktats de notre belle culture virile ou l'on se doit de toujours etre fort, competent, autonome, efficace, en controle, heureux, prospere et en sante en permanence sous peine de devenir une sorte d'intouchable virtuel. On s'est debarrasses de plein de superstitions moyennageuses (et c'est tant mieux) mais pourquoi diable croit-on encore que les cotes d'ecoute sont un gage de qualite, que si une personne est connue elle est forcement superieure, que "plus de gens en mangent parce que ce sont les meilleures et que ce sont les meilleures parce que plus de gens en mangent (des conneries, pas juste des saucisses highgrade)? Je pooose cette question, a laquelle, comme dirait Boris, personne ne repond...et je bois...du Djinn Tonic. Sante! Tchinn-tchinn.

Jakarta (20 millions avec la banlieue),tu me tues a petit feu avec ton feroce monoxyde de carbone a la volee...Quelle poisse d'etre degoulinante de sueur des neuf heures du matin, lourde d'un sommeil pateux, assommee mais pas reposee. Malgre tout, marche ma fille, marche! (Attention aux trottoirs defonces et aux conducteurs forcenes) Visite le musee national, remarquable, avec Carolina une guide colombienne charmante. Diner de calmars (beau bon et pas cher) dans un boui-boui. Je me promene ensuite a Kota, la vieille ville coloniale en compagnie de Petr (de Republique tcheque), puis tente d'aller au port mais c'est deprimant, a la limite du glauque (taudis puant le poisson pourri) alors on se refugit un instant dans un centre d'achat hallucinant (avec six cent soixante-quinze boutiques identiques qui vendent toutes la meme chose: des ordis, i-pods et /ou cameras!) pour boire un cafe glace a l'air climatise, survie oblige.

Visite un parc d'amusement desert, drole de concept: verdure, stands d'artisanats fantomatiques, et surtout hauts-parleurs diffusant une soporifique musique new age javanaise, troublant... Looong trajet de bus a l'heure de pointe: nous mettons une heure trente a rentrer a l'hotel, malgre la voie reservee pour l'autobus! Le soir je n'ai plus de jus dans les jambes, plus rien dans le carburateur. J'avais pense sortir, car c'est ici que ca se passe le clubbing en Asie du sud-est (certaines boites ouvrent le jeudi soir et fonctionnent non-stop jusqu'au lundi matin!). Tant pis. Je bois une petite Bintang peinarde a l'hotel et essaie de dormir malgre le tintamarre religieux, les percussions et les chants discordants lances a pleine gorge par des gamins mi-puberes (a la voix felee) dans des amplis de la deuxieme guerre. Une celebration se prepare. L'Indonesie- capsule culturelle- est le pays musulman le plus populeux au monde, mais aussi une etonnante mosaique culturelle, avec ses 300 groupes ethniques et plus de 700 langues. Nation aux 17 000 iles, dont quelques milliers seulement sont habitees. Voila.

Le lendemain, je me leve avec la grace d'une enclume et l'humeur au ras du caniveau, (ou je faillis d'ailleurs marcher sur un rat) et la vision que j'ai une minute plus tard acheve de me mettre de mauvais poil (c'est le cas de le dire): un monceau de fourrures melees dans la rue me barre le chemin, enorme tas d'animaux morts ensanglantes, chevres, coqs et vaches egorges et empiles pele-mele, offerts en sacrifice. Mon coeur et mon estomac se retournent dans leurs cavites respectives. Je suis a cran. Il est 9h, je sue comme une Walkyrie hypocondriaque dans un sauna, je suis tendue et frustree car les agences de voyage sont fermees a cause de ce jour ferie et pour couronner le tout, j'ai des crampes suspectes: etait-ce le poulet d'hier soir? (Misere! moi qui mange rarement de la viande en voyage, j'avais confiance en ce resto de sate qui semblait propre comme un sou neuf.)  Rhaaa! Prends sur toi, Marika. Respire. Shanti Om. OOOOOMMMMMM...

Je decide d'embellir ma journee et j'invite Carole, une sympathique Francaise cameraman de son metier, a venir avec moi a la piscine de l'hotel Formule 1. Riche idee, car malgre ses  dimensions olympiques  il n'y a que cinq quidams qui barbotent dedans. A nous la fraicheur! Excitee d'etre a nouveau dans mon element, je fais 50 longueurs (qui en valent 100 au centre Lucien Borne), ce qui me detend enormement. Je revis! Yah!
Je reussis a trouver une agence ouverte et j'achete un billet d'autocar pour quitter Jakarta des le lendemain.
Reveil en catastrophe: je suis passee tout droit (mis la sonnerie du cadran a 16h au lieu de 4h)! Je sprinte a l'agence et o joie: mon motard attitre m'attendait encore pour m'emmener a la gare d'autobus, coup de chance. Je ne veux pas rester un jour de plus dans ce chaudron de Gargamel!

En route dans un bus moderne et confortable, malheureusement il n'y eut pas de pause-repas donc j'ai tres mal mange; grignote des chips et des biscuits. Trajet d'environ sept heures pour arriver a Pangandarang. Un rabatteur m'emmene a l'hotel Panorama a la Plage, qui etait tenu par un Francais, helas mort il y a deux mois dans un accident de moto. Sa femme Tika, 35 ans et  nouvellement veuve, doit tenir le fort toute seule. On voit a sa bouche pincee et ses yeux tristes que c'est difficile. Je comprends pourquoi elle m'avait semblee froide au depart. Je lui prends la main et ressens beaucoup de compassion, elle pleure un peu en parlant des evenements recents. Je vais marcher avec elle sur la plage.

Je tombe en plein party d'amateurs de vespa: il y a de l'animation en masse et une foule de jeunes gens a l'air cool tout de noir vetus, de la musique a tue-tete (juste a cote de mon hotel) et des demonstrations de moto et divers concours en delire suivis d' une apotheose de bruit et de petards qui se prolonge jusqu'a une heure du matin.J'ai les pieds tres enfles par la chaleur et l'immobilite. Je vais nager dans la mer puis prends enfin un vrai repas et me mets au lit avec d'impotents bouchons dans les oreilles et un oreiller sur la tete.

Le lendemain, je me joins a un petit groupe qui va faire une excursion avec Dindin, un guide de 41 ans fort charmant qui parle aussi bien francais qu'anglais; assez couramment en tout cas pour pouvoir citer Prevert, chanter du Francis Cabrel ou du Michel Fugain, faire de l'humour et placer le mot dithyrambique dans une conversation... My, my, je suis epatee!

La journee commence par la visite d'une plantation de cocotiers et d'une degustation du sucre tire de la fleur de ce palmier prolifique, qui goute un peu la melasse. Ensuite, direction Green Valley ou nous barbotons a loisir dans une riviere verdoyante, sautons d'un rocher, nageons dans une petite cascade puis une grotte, etc. Apres le diner ce fut le moment fort de la sortie: Green Canyon, vraiment spectaculaire! On prend un petit bateau pour se rendre a cet endroit magique, colossal, ou nous avons nage contre le courant avant de le redescendre, entoures de hautes parois rocheuses et nous avons du parfois escalader des rochers au risque de s'ecorcher.  L'eau etait fraiche, c'etait exaltant! Retour en scooter et arret a la plage de Batu Karas, paisible village de pecheurs et lieu de surf. Nous avons  aussi vu une fabrique de marionnettes en bois, ou j'ai appris a ma stupefaction qu'une seule personne manipule les centaines de personnages (et recite les longs dialogues) pendant  le spectacle, qui dure traditionnellement  toute une nuit. Ouf, quelle performance!

Le lendemain, Dindin est en conge et c'est son anniversaire alors malgre mes protestations il m'invite au restaurant (c'est la coutume en Asie, l'inverse de chez nous!) puis nous allons marcher pres de quatre heures dans le parc national, une magnifique foret protegee ou nous ne rencontrons nul humain mais moult creatures, telles: cerfs, petits macaques gris et grands singes noirs mangeurs de feuilles, des toucans, des chauves-souris geantes par centaines et plusieurs especes d'arbres (tek, ficus, rotin) ainsi qu' une fleur aussi enorme qu' etonnante qui pue les ordures et pourrit apres trois jours. On se fait tremper par une averse soudaine et bienvenue, qui nous rafraichit de pied en cap.

Le 31 octobre c'est la pleine lune, la ville est redevenue calme, je me sens paresseuse et d'humeur vaguement bleutee... J'ai bien dormi mais n'ai pas d'energie. Je me remets au yoga apres quelques jours d'abstinence.
Je lis "Le dieu des petits riens", d'Arundhati Roy, une auteure indienne marquante. J'adore son style et aussi sa facon de ficeler l'histoire, c'est tout simplement captivant, un vrai coup de coeur. Je glande, je traine.

Le 2 novembre, je prends un train pour Yogyakarta. Chaleur intense a bord, c'est long, le train a du retard. On met encore plus de sept heures pour parcourir un maigre deux cents kilometres....J'arrive fatiguee, mon sac pese une tonne, les gites sont chers et deprimants; je me rabat sur une chambre propre mais grande comme un placard et peu aeree...dort qui peut! J'ai ete derangee par une bande de Francais qui rentrait a une heure du matin. C'etait hier, aujourd'hui j'ai decide de me gater et j'ai change de quartier, me voici  a nouveau dans le luxe, le calme et la volupte d'une piscine en pleine ville, fort appreciee...J'ai achete quelques souvenirs et visite le marche aux oiseaux, sorte de petshop exterieur ou l'on trouve aussi bien des perruches que des hiboux, des lezards, des canards, des furets et des lapins, sans oublier chiens chats souris blanches et poissons varies. En fin d'apres-midi, un orage beni est venu rincer la chaleur accumulee de la fournee, euh pardon de la journee.

J'ai mal aux deux oreilles, j'ai peur de commencer une otite, c'est fort malvenu, a dix jours de mon vol de retour...voila c'est dit: le decompte final est commence. Bientot, je vais remonter la courbe du globe dans l'autre sens, retour au pays natal, on verra ce qu'on verra! J'etais ici je serai la, la la...

"Ligne incertaine qui tremble dans le ciel et qui est la chimere de nos vies: l'horizon."  O. G-T.
















1 commentaire:

  1. Haha. Plus personne n'affiche de dédain, aujourd'hui, quand je parle de mon métier: Les cuisiniers sont maintenant populaires, grâce à la télé-réalité... Ainsi va(lse) l'occident ;)
    J'espère que ton blogue restera longtemps, après ton retour. J'aimerais y revenir. Rouvrir ce coffre aux trésors, à l'occasion.
    Merci de ce partage...

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