mardi 3 janvier 2023

Bilan d'une décennie mouvementée: 2012-2022!

 “Désorientée” aurait pu être le titre de la chronique de ma première année de retour à Québec.

Je vais tenter de résume ici dix ans de vie condensée, avec les hauts et les bas rencontrés.


Après mon voyage de rêve d’un an en Asie, ayant visité 7 pays, avec un budget somme toute modeste (environ 15 000$ can), mes économies avaient fondu comme neige au soleil de New Delhi; je me suis retrouvée à habiter dans un appartement studio d’une pièce qui me servait aussi à travailler en massage. Étant par nature assez “simplicité volontaire”, cela ne me tourmentait pas d’avoir un seul garde-robe et de devoir me priver un peu. J’avais une vue épatante, au 8e étage, c’était lumineux, propre et bien situé. 


Mais la première année, je devais me refaire une clientèle. Je me souviens avoir eu des moments de doute : j’ai 40 ans, pas d’enfant; ni maison ni auto, plus d’économies, pas “casée”…ai-je échoué quelque part? Un petit coup de spleen vite dissipé en me recentrant sur une de mes valeurs cardinales: la liberté! En lisant un guide à l’intention des gens qui reviennent d’un long voyage, j’ai vu que ce coup de blues était parfaitement normal, car pendant un an je baignais au quotidien dans l’extraordinaire, la nouveauté, la beauté de l’exotisme, tant naturel que culturel et oui le retour au connu peut être un choc brutal. On nous encourageait alors à imaginer: quelle serait ma vie idéale? Et je n’osais pas voir en couleurs, rêver grand, étant trop modeste peut-être? J’ignorais que j’étais à quelques mois de toucher à ce renouveau tant espéré. 


Car avant mon départ, j’avais dit à la Vie (oui je lui parle souvent) “ok; là, je trouve mon quotidien trop confortable, ça manque de défi! Je suis prête à tout: nouveau lieu de vie, travail, nouvelle passion, nouvel amour. Je me mets à l’écoute des signes et des synchronicités.” 

Et j'avais dit à mon amie Carine: le prochain homme qui entre dans ma vie sera tantrique!


La vie reprend son cours: je suis heureuse de revoir Mimi, mes amies, de voir la neige, le Vieux Québec, de manger des bleuets et du chocolat noir (enfin!), d’aller nager à la piscine, de me déplacer à vélo et savourer les petits plaisirs de  ma vie de quartier sur la rue St-Jean. J’apprécie à plein tous les conforts du quotidien en Amérique du nord, car en Inde, les coupures d’électricité sont courantes, plusieurs heures par jour, les douches sont froides, les conditions spartiate quand on voyage petit budget (voyage en train de 48h sans air climatisé), l’hygiène de certains restos ou hotels peut laisser à désirer, des puces de lit et bibittes de toutes sortes partagent l’espace avec les humains; parfois il n’y a même pas de draps et souvent aucun papier de toilette en vue (j’ai appris à me rincer à l’eau), sans parler du relatif chaos qui règne (ex: pas moyen de comprendre l’horaire, le bus part quand il est plein et aucune toilette en chemin, parfois juste un demi pan de mur en brique avec un trou dans la terre), etc!


À l’été 2013, j’ai le bonheur de faire une quête de vision avec Ho Rites de passage, accompagnée de Paule Lebrun et son conjoint. Une expérience forte et douce à la fois, qui dure 10 jours en tout, et on est guidé progressivement à vivre ce moment où je serai seule avec les arbres, les oiseaux et les grenouilles trois jours et trois nuits sur une île déserte au milieu d’un lac, à jeûner à l’eau et à faire des rituels, à dormir sous une simple bâche pour sentir les éléments, pour avoir des visions ou messages pour ma vie future. Ce fut transformateur, certes, mais plus subtil que je ne m’y attendais. Je pensais “brailler ma vie”, faire des gros catharsis, mais ce fut au contraire très yin, paisible, facile et m’a rebranché sur mon féminin qui est au diapason de la nature et des petites choses, à l’écoute. J’étais profondément calme et centrée en sortant de là. Et cela a dû jouer dans la suite des événements, vous allez voir!


En effet, moins de 10 jours après, j’étais inscrite à un atelier de tantra à Drummondville. J’y suis allée avec mon amie Elise, sans me douter que ces 2 jours allaient marquer un tournant important dans ma vie. L’animateur nous explique qu’avant, il enseignait avec sa compagne, décédée en 2011 (l’année de mon départ en Asie), et qu’il avait arrêté lors de son deuil, mais que des amis avaient insisté pour qu’il redonne 2-3 ateliers, histoire de transmettre son vécu. Il avait dit oui un peu à contre coeur, et ce fameux matin d’août devait marquer la fin officielle des ateliers de tantra. Je n’avais qu’un vague souvenir de les avoir rencontrés à l’Auberge du Lac Carré, où nous avions jasé sur un coin de table 5 min, et c’est Sashi, la femme de Ravi, qui avait donné leur carte d’affaire à Jules, mon amoureux de l’époque.



Le soir, lors d'un exercice, ce sont les shakti, les femmes, qui devaient choisir l’homme avec lequel vivre le prochain exercice. Aucun des participants n’éveillait rien de particulier en moi. Mais quand je me tournais vers Ravi, cela agissait comme un aimant au niveau de mon coeur et de mon ventre! C’était évident, incontournable. Surtout que j’avais fait tatouer ces deux chakra sur mes pieds en 2009, pour me guider dans la vie. Étonnée, mais décidée à écouter ce signe, je lui ai dit: moi, c’est toi que je choisirais! Il a dit “non, je ne compte pas comme participant.” 


Eh bien, ce soir là, j’ai tourné dans mon lit en insomnie, un peu surexcitée, j’ai écrit un poème, aussi, sur cette puissante attirance magnétique envers un homme calme, posé, doux, ayant une belle voix et une qualité de présence remarquable et ce, malgré nos 26 ans de différence.  Une présence en moi vibrait et me disait: c’est lui! Avant de partir, dimanche, je lui ai fait un long câlin de sangsue sensuelle, en lui disant: j’aimerais vraiment te revoir.


Il est resté assez cool, car il ne cherchait pas de compagne et me trouvait trop jeune (à 40 ans, peu de cheveux blancs, j’en paraissais 32). Nous sommes restés en contact écrit, je l’ai déjoué avec mon humour et mes calembours. Peu de temps après, il avait une rencontre de famille à Lévis, je l’ai invité chez moi, dans mon petit un et demi. Cette nuit-là, j’ai eu un sommeil lucide (mon corps dormait mais mon esprit le sentait lui en continu, et nos énergies communiquaient en boucle. Phénomène assez étrange, déjà vécu une seule fois avant, à l’ashram d’Arnaud Desjardins), ce que j’ai pris pour un autre signe. Le lendemain, petite promenade matinale; il rencontre une personne qu’il connaît et lui dit: voici Marika, mon amoureuse. Wow! La première fois que je l’ai massé, j’ai pleuré de dévotion. Après un mois de relation, je lui dis au téléphone: “c’est drôle à dire, mais la dernière fois que nous avons fait l’amour, j’ai senti des épousailles”    Il y eu un long silence où j’ai eu temps de me dire : ah zut qu’ai-je fait , il va penser que je suis folle…et il a répondu “ moi aussi”! Ouf!


Avec Ravi, je vais enfin goûter ce que je pressentais possible de vivre: une union très intense, satisfaisante sur plusieurs plans, d’égal à égale, ou les deux partenaires veulent cheminer et utiliser le couple comme voie pour grandir, remplie de moments de pure joie, beauté, plaisir, extase, communion, une sexualité réellement intime et profonde, abondante en qualité et en quantité, bref le rêve de toute ma vie, rien de moins!  Il y a un accroissement de mon être, je me sens à la fois plus calme, plus joyeuse, plus audacieuse et plus confiante. Je suis plus épanouie que jamais en tant que femme, grâce à notre complicité tissée serrée. Merci à cet homme de coeur chaleureux et affectueux, pour sa qualité d’engagement et de générosité, je me suis sentie vue, célébrée, honorée, soutenue. Ce fut exaltant et grisant, mais bien sûr pas dénué de défis, de passages et d’ajustements à faire en cours de route, notamment pour intégrer la fameuse communication responsable.


Ainsi a commencé la décennie la plus passionnante et pleine de surprises de toute ma vie. 


À l’hiver 2013, nous avons commencé à cofaciliter , il m'a fait une petite place dans l’animation des ateliers, place qui est devenue au fil du temps de plus en plus grande, dans ce qui devenait “Tantra du coeur”, notre Nous professionnel. J'amenais mon savoir-être de masso, de prof de yoga, de femme en cheminement depuis l’âge de 17 ans, ayant fait beaucoup de thérapie, avec plein d’outils pour s’incarner davantage. J’ai toujours lu sur la sexualité, le taoïsme et le tantra depuis mes 20 ans, fait des stages avec Ma Premo et d’autres enseignants. Après quelques ajustements,  nous sommes devenus un bon duo, et avant la pandémie nous donnions 15-16 ateliers par an, de petits groupes, toujours pleins par le simple bouche à oreille. Un bel espace intime de vie en commun , expérientiel, simple et profond à la fois. Du néo-tantra: sur la communication, avec des outils de toute sorte pour rendre l’intimité sacrée et extatique, via des exercices sensuel, énergétiques, méditatifs. Je dis à la blague qu’au lieu de faire des bébés nous faisions des ateliers en faisant l’amour, car de toute évidence, ça crée, le sacré! Il s’est tissé une belle communauté humaine autour de nous.


C’est cette année-là aussi que l’Aya est entrée dans ma vie, une plante d’Amazonie qui enseigne, sous la forme de cérémonies de chant et de musique qui durent des heures.                            C’est du cheminement intérieur, une thérapie sans thérapeute, de la croissance spirituelle, avec l’amitié et la solidarité du groupe qui se supporte et devient comme une famille. Découverte qui m’amène à aller au Brésil pour la première fois en 2015, voyage qui sera suivi de plusieurs autres, et m’incite à apprendre le portugais. Nous sommes parrainés par nos amis Brésiliens pour devenir une église officielle et légale de Santo Daime, soit; “Ceu do Vale da Vida”.


Lors des cérémonies, parfois de nuit comme chez Carioca, de 9h le soir à 9h le matin, il y a des moments très durs physiquement ou émotionnellement, (on peut purger ou avoir le coeur qui débat) et d’autres complètement extatiques, où la musique me fait l’amour et la plante entre dans mes cellules pour guérir, purifier, nettoyer des choses du passé, apporter des compréhensions, des pistes de réponses à des questions. Cela demande du courage, pour voir autant mes zones d’ombre que ma lumière. Moi qui ai étudié en chant classique, je trouve enfin un usage fantastique pour ma voix, je deviens au fil du temps la “puxadora”, celle qui initie les chants, pour donner la mélodie. C'est une grande école d’humilité et de lâcher prise, que le Daime. Cela va beaucoup m’aider quand Ravi aura un brutal diagnostic de cancer, en 2014.



A l’été 2014, en effet, Ravi a mal à la gorge et se soigne avec des produits naturels. Mais la douleur empire sans cesse. Il s’agit en fait d’un cancer des amygdales, stade 4. J’ai le souffle coupé, ce n’est pas vrai! L'homme que j’aime va peut-être mourir? Je décide de l’accompagner de mon mieux, de respecter ses choix et décisions . Au début, il refuse toute médecine allopathique, ne veut pas de radio/chimio. Il va à l’institut Hippocrate en Floride faire une cure d’alimentation vivante et injections de vitamine C. J’y vais aussi avec lui une semaine, pour apprendre cet autre mode alimentaire, mais cela ne fait pas reculer la maladie. Ravi perd 50 lbs, et à un moment donné,  il ne peut plus rien avaler, même de l’eau; il doit être gavé par le nez pendant 2 mois avec un tube pour s’alimenter. C’est là qu’il se trouve un peu entre deux mondes, face à lui-même: est-ce que je veux vivre ou je baisse les bras?


Il souffre tellement qu’il finit par accepter les traitements. 

Je me mets à travailler moins pour être avec lui et l”accompagner à Sherbrooke pour de la radio (33 traitements) et 3 chimio. C’est dur, il a des jours où il ne tient qu’un fil et c’est ardu pour moi de vivre tant d’impuissance, mais je suis toute là. On ne peut même plus dormir ensemble tant il a mal et se retourne sans cesse dans le lit. J’ai des souvenirs de passer le temps des fêtes seule devant la télé à angoisser et manger des chips en buvant de la bière, (Ravi se couchant vers 8h), il m’est arrivé de craquer et de refaire des trips de bouffe pour tenter de calmer mon système nerveux. Mon amoureux me dit parfois: j”e comprendrais si tu voulais prendre une distance”, mais il n’en est pas question, je reste à ses côtés, pendant plusieurs mois, prête à tout, même à lui tenir la main lors de son passage s’il le faut. En restant dans l’ici maintenant, un jour à la fois, j’arrive tout de même à ne pas céder à la panique. Je suis triste, confuse, en colère contre la vie, mais je reste relativement calme, déterminée à offrir ma présence, 24h à la fois. A printemps 2015 il finit son protocole, et reprend lentement du poids. il lui faudra près de deux ans pour retrouver sa forme d’avant.

 

Nous pouvons reprendre les ateliers de tantra remplis de gratitude. Les gens nous demandent d’offrir des retraites plus longues, d’où la naissance des intensifs d’été de près de 5 jours, pour personnes célibataires et pour couples. Lors d’un de ces ateliers, une femme se confie à moi: elle ne ressent pas beaucoup son sexe, notamment à l’interne, et aimerais recevoir un massage de la yoni (nom donné en sanskrit au sexe féminin, qui signifie “la place sacrée”) avec moi. Honorée de sa confiance mais un peu intimidée, j’exprime mes doutes sur mes compétences, car je ne suis pas formée pour cela. Elle insiste gentiment en suivant son intuition: elle me connaît assez pour savoir que ça pourrait lui faire du bien et l’aider dans son cheminement. 

*Arrêt sur image: flashback de mon voyage en Inde: j’ai rencontré une Allemande fort sympathique, elle aussi masso, qui m’a offert mon tout premier massage de ce type. Je me rappelle nettement ma fébrilité, juste avant le rv: et si je n’aimais pas ça du tout, pouvais-je arrêter en plein milieu? Et si je devenais excitée, serait-ce déplacé? Allait-elle penser que je suis allumée par elle?


 Mais mon mental menteur, avec ses scénarios créatifs, était à côté de la plaque. Elle m’a massé doucement et en lenteur un peu tout le corps mais en insistant sur la tête, les pieds et les mains, a posé sur moi des fleurs blanches. J’étais émue de sa dévotion, son calme; nous étions toutes deux recueillies, dans une intention bienveillante de connexion, et j’ai pu lâcher prise et m’abandonner à recevoir sans arrières-pensées.  Je m’attendais plus ou moins à de grandes révélations, des sensations fortes, des larmes, mais oh surprise, ce qui a pris le dessus fut la douceur, le repos, le yin, à tel point que je me suis même assoupie un temps! Étonnant. Ma pratique m’a confirmé par la suite que c’est une vraie boîte de Pandore, ce  soin, on ne sait jamais ce qui va en surgir.


De retour au Québec, donc, avec cette femme: nous convenons d’un moment, on se réserve environ 1h30, 2h pour explorer en lenteur cette dimension d’elle, et mon intention est claire: honorer le corps comme un temple, l’écouter, lui donner la parole, via un toucher qui offre au lieu de prendre, avec beaucoup de communication. Sans être une révélation fracassante, cela a bel et bien porté fruit et l’a aidée dans sa vie personnelle, a éveillé davantage son ressenti. Il en ressort pour moi que ce type de soin a quelque chose de naturel, qui semble évident à s’offrir entre femmes, dans la sororité et le plus grand respect. 


La douceur et la lenteur, le fait de prendre de 30 à 60 min pour masser la vulve puis le vagin, le périnée, le col de l’utérus; de demander la permission, d’aller chercher du feedback, de dire “tu peux me guider, m’arrêter, me dire ce que tu sens et ce que tu veux à tout moment”, tout cela suffit parfois à faire couler des larmes, soit de soulagement , de peine ou de gratitude. Parfois je pleure avec elle, le fait qu’aucun partenaire n’a jamais pris ne serait-ce que 10-15 min pour explorer son corps de cette façon. à la fois tendre, détendue et curieuse, comme une cartographie de l’intime. Des femmes de tout âge qui ont un moment de révélation: oh, ça se peut? J’ai le droit de dire, oui, non,  de nommer, de demander un toucher juste pour moi, sans pression de performance?! My Goddess!


Suite à cette rencontre, je sens un appel, je pratique sur des amies proches de moi, je lis des livres, je me mets à la recherche d’une fomation, qui me tombe du ciel! A l’été 2015, je rencontre Christophe Dacier, qui vient à Montréal offrir sa version de l’approche de style cachemirien, (qu’il a lui-même étudié avec une disciple de Daniel Odier) qui se donne au sol sur un futon et non sur une table, offrant une grande proximité entre donneur et receveur, permettant des positions d’enveloppement, de bercement. C’est toute une aventure sur le plan personnel et professionnel qui s’ouvre à ce moment-là et à ma grande surprise, beaucoup de gens sont prêts pour une telle approche holistique, de massage sacré intégral, où tout est touché avec amour inconditionnel, de la tête au pieds, en insistant particulièrement sur le bassin.


Dans les année suivantes, j’en ferai des centaines, et ce sans aucun site web, par bouche à oreille. Mon client le plus jeune avait 19 ans et était vierge, mon client le plus âgé avait 80 ans, j’ai rencontré des femmes enceintes, d’autres qui n’avaient eu aucune sexualité depuis longtemps; un homme qui avait été abusé par des prêtres et n’avait pas accès au plaisir a pu au fil du temps découvrir l’orgasme interne, sans éjaculation, des personnes souffrant de précocité ont appris la maîtrise, des femmes ayant perdu confiance en elles ont eu des reconquêtes d’estime de soi et de libido, des personnes ayant commencé sur le tard leur vie sexuelle avaient des questions qu’elles n’osaient poser à personne…”suis-je normal?” Une personne transgenre.

Une foule de témoignages très touchants, qui m’ont surprise moi-même par leur diversité et leur profondeur. Un constat émerge : la vie sexuelle des gens est souvent en souffrance, en déficit soit de sens, de beauté, de satisfaction, de profondeur. Beaucoup d’hommes n’ont jamais été si bien caressés ou touchés , de sorte qu’ils redécouvrent leur corps et se sentent à 40, 50, 60 ans comme des adolescents émerveillés. Des armoires à glace qui se mettent à vibrer, à pleurer, à sentir l’énergie circuler dans leurs bras, leurs jambes, bien au-delà des trajets de plaisir connus, des organes génitaux. Des moments d’extase, de hauts plateaux, de libération, de larmes, de colère aussi parfois, des moments uniques et créés sur mesure qui rejoignent presque la psychomagie à la Jodorowsky…Ça se passe grâce à la disponibilité des deux, à l’abandon du receveur, au non-jugement et l’amour du masso. Pure beauté humaine si riche.


Arrive aussi dans ma vie une autre grande bénédiction: un ami me présente Natasha Salaash, une femme exceptionnelle, qui deviendra une amie proche et chère à mon coeur. Elle est formée à l’approche de Betty Dodson, la “gourou de la masturbation féminine”, et offre les fameux ateliers Bodysex (pour body shame, sexual shame: les deux ennemis numéro un du plaisir féminin selon Betty). Nous commençons Ravi et moi à collaborer avec elle, qui habite à Saskatoon, pour organiser des groupes de femmes chez nous à Drummondville.  Ce sera une épopée incroyable d’empuissancement, de liberté et d’amour, que ces retraites dédiées à l’autoérotisme conscient et amoureux. J’ai une gratitude sans borne pour Natasha, au contact de laquelle j’ai tellement appris sur moi-même et sur le coaching orgasmique, sur l’animation et la vulnérabilité partagée. On décape ainsi le fond du chaudron des tabous et interdits: une bande de femmes nues qui regardent leur sexe et se l’approprient, dans un espace sécuritaire!


C’est une histoire qui continue encore aujourd’hui et s’enrichit, et qui a pu contribuer à me donner envie de plonger dans une nouvelle formation, avec ISSSE, Institute for the Study of Somatic Sex Education , basée à Victoria, BC, dans laquelle j’ai plongé en 2020, que je compte terminer en 2023. Ce cours est une nouvelle profession en émergence depuis environ 35 ans, (plus ou moins), qui ressemble un peu à sexologue mais au lieu d’être les psychologues de la sexualité, je dirais que nous sommes des alliés pour aider les gens à s'incarner davantage et découvrir leur propre éros, leur couleur, leur façon de s’épanouir et d’être mieux dans leur peau de personne désirante et sexuée. 


Cela passe par la connaissance de la réponse sexuelle, l’auto-régulation, de l'information juste sur la sexualité, l’anatomie et le système nerveux, mais surtout des exercices bien concrets    d’”embodiment”. Il y a un volet par la parole, mais aussi via le toucher avec le travail corporel sexologique, qui peut inclure le massage érotique, ou thérapeutique des organes génitaux (ex: dearmoring, massage de cicatrices et fascia ). Évidemment cela me rejoint à fond, étant donné que cela fera bientôt 8 ans que je pratique assidument le massage tantrique et 25 ans que je suis massothérapeute! Cela me demande encore un grand investissement de temps, d’argent et d’énergie mais j’adore apprendre et c’est une super belle communauté diversifiée. A l’été 2023 j’irai d’ailleurs à un Sex Geek summer camp en Oregon! Il me restera le défi (bien réel pour moi) de me créer une identité et une présence en ligne, peut-être aussi un cours en ligne, un podcast, etc…A suivre!


Dans un autre volet de ma vie, il y a la Magika “Mystique terre à terre”, qui aime sentir la Vie la traverser…et que j’ai un peu négligée avec tout ce bouleversement et cette expansion au niveau de ma carrière. Plus jeune, mon but ultime était l’éveil spirituel, la libération, et j’ai fait beaucoup de choses dans la vingtaine et la trentaine, pour nourrir cette aspiration: lectures, retraites de solitude dans des monastère, ermitages et ashrams, Vipassana (10h par jour de méditation silencieuse pendant 10 jours, un vrai bootcamp!), zazen dans un dojo pendant un an à 6h am, retraite Satori et Qi-Gong avec Chandra Kala, Satsang avec Michael et Della, quête de vision, soirées chamaniques, yoga quotidien avec pranayama pendant 2 ans, chanter des mantra, cérémonie avec les enfants sacrés, méditations d’Osho, danse de transe, séjour de 72h dans une chambre noire, etc…J’ai toujours été attirée par cette facette-là aussi, malgré que ma tendance naturelle soit l’action et le mouvement plus que l’introspection. 


A l’été 2022, une séance d’hypnose me remet en contact avec ma guérisseuse intérieure, que je rencontre et qui est la Marika de 60 ans, vêtue de blanc, très détendue, calme, centrée et sereine. cela me touche, me remue et me donne envie de cheminer dès maintenant pour arrive à être cette personne-là! C’est un appel à me remettre moi au centre de mes priorités, ressortir mon tapis de yoga, mon tambour, mes techniques de méditation active, que ce soit chant spontané, écriture automatique, etc! Tout ce qui peut me relier à la Source en moi, via mon inconscient. Découvrir une nouvelle forme de spiritualité, désencombrée des “il faut “ et des “je dois”, plus personnelle, proche de la vraie intimité avec l’Existence. Renouer avec toute la richesse de mes émotions, de mon intuition, de mon féminin, qui a toujours été là en arrière-plan, lui faire plus de place. 


Car à bientôt 51 ans, je m’approche tranquillement mais sûrement de la ménopause, et je veux y arrive en douceur, nourrie et heureuse, et non brûlée, les surrénales à terre! A 52 ans , j’aimerais faire un rituel pour souligner le passage à une nouvelle saison de vie, car selon les autochtones et le chemin rouge, on devient à ce moment un “elder”, une ainée pour notre communauté, ce qui représente la maternité universelle; on a complété 4 cycles de 13 ans et on entame un nouveau printemps, riche de nouvelles possibilités.


Intérieurement, je me sens jeune et alerte, bien vivante et pleine de rêves et de désirs. Je sens que mon corps aimerait aller jouer dehors un peu plus souvent, travailler moins; avoir plus d’équilibre fait partie de mes engagements envers moi-même en 2023. Ca commence en beauté avec un voyage de 2 mois au Brésil, qui sera sans doute encore une fois surprenant et initiatique. J’ai un projet d’écriture, qui est aussi épeurant qu’excitant, éveillant mon côté artiste, ou artisane, que je me suis engagée à réaliser avant mes 60 ans, avec ma grande amie Anne comme témoin! 


Parlant d’amie, un dernier paragraphe sur cet aspect essentiel pour moi: l’amitié féminine. 

Je considère mes amies proches comme mes soeurs. Et c’est un vecteur de croissance extraordinaire, de me sentir aimée et soutenue, vue et accueillie par des femmes que j’ai choisies, que j’admire et apprécie pour leurs qualités humaines, d’abord et avant tout. La plupart sont un peu sorcière ou guérisseuse, chacune à leur façon, et oeuvrent pour aider les autres. Je ne serais pas la même sans elles, sans tous nos rires, nos confidences, nos douces folies, nos soirées tarot ou collage créatif, nos balades en nature ou nos journées au spa. 

Merci belles Zenchanteuses, vous illuminez ma vie, je vous aime de tout mon coeur, vous êtes moi, et je suis vous…


La roue du temps tourne, certaines sont mères , l’une de nous est déjà plusieurs fois grand-mère, et c’est extraordinaire de réussir à garder le lien malgré l’éparpillement géographique. Merci chères femmes-déesses  pour l’espace que nous tenons ensemble. Vous êtes un phare dans ma vie! Je suis là pour vous. Love you to the moon and back!


Gratitude aussi envers ma chère maman Mireille, pour sa sagesse, son acceptation de mon chemin en zigzag (oh combien hors norme), son non jugement devant mes choix de vie peu conventionnels. Merci pour ta tendresse, ton amour, ton soutien, ton regard de fierté. 

J’aime la relation saine que nous avons développé au fil du temps Je t’aime!


J’ignore quand je reviendrai ici pour écrire, mais ce bilan m’a aidée à voir est à apprécier le chemin parcouru. Malgré les petits bobos qui sortent (avoir besoin de lunettes, un peu d’arthrose, des fibromes, des kystes au genoux, la peau plus sèche, prise de poids, ridules etc) je trouve que le processus d’avancer en âge est bien plus positif que négatif. Je me sens plus libre, mieux dans peau et cent fois plus assumée et confiante qu’à 30 ans. Ca vaut de l’or. 

Et c’est grâce à toutes les démarches faites pour guérir, aller mieux, me comprendre, m’aimer davantage, et aussi grâces aux personnes qui m’ont aimées telle que je suis; thérapeutes, enseignant.e.s, conjoints, guides spirituels, écrivains, artistes, etc.  Merci la Vie1


Le voyage intérieur continue…j’ose espérer me surprendre moi-même, me réinventer, et continuer de sortir de ma zone de confort au besoin pour brasser le statu quo. Oui je le veux!








mercredi 14 novembre 2012

The road never ends

Le 12 novembre vers 21h, j`ai pris un taxi pour l'aeroport de Den Pasar et en voyant le panneau: DEPART vols internationaux, j'ai senti mes tripes se contracter et c'est le coeur un peu lourd que j'ai effectue les diverses etapes qui menaient au decollage vers minuit. J'etais en avance, j'ai donc flane de-ci de-la en depensant mes dernieres roupies, pensive. Je ne me sens pas sereine.  J'avale des litres d'eau car un debut de mal de tete me taraude. (Mon sac a dos fait de l'embonpoint, il pese a present 17kg!)

Korean Airline a de la classe! Les agentes de bord sont ravissantes, tirees a quatre epingles avec leurs petits chignons et leurs jupes serrees.  La nourriture fut remarquable, nous avons meme eu un verre de vin rouge. Le premier troncon durait sept heures. J'ai regarde "Frisson des collines" et verse quelques larmes.

A Seoul, aeroport stylise et chic, je deguste un jus a la poire et au citron, un peu melancolique. Je m'etire les jambes avant le vol pour Toronto, le plus long (13 heures). Je trouve un ordinateur et Facebook a failli me faire rater l'embarquement, je me suis pointee 10 minutes avant le decollage! Acte (quasi) manque?
Durant ce trajet je cogite un peu trop, ne reussis pas a dormir, nerveuse. Je m'etourdis en regardant plus de films en une demi journee que dans la derniere annee: Out of Africa, Madagascar, un film de danse: a tout coup, je pleure! Je suis a fleur de peau.

J'arrive a Toronto dessechee, j`'ai mal aux yeux et la peau du visage me tire; j'ai une sale tronche et je me sens moche.  J'ai un petit moment de stress car je ne retrouve plus mon portefeuille, avec 200$ US dedans. Je fulmine en me disant "caline j'ai voyage un an dans des pays pauvres et ne me suis jamais fais voler, j'arrive ici et..." Oups! je ravale mes invectives: il etait dans une pochette que je ne connaissais pas (j'ai echange mon sac a dos avec celui de Dindin). Je prends un bon petit dejeuner, j'oublie mon journal de voyage dans le resto et la serveuse me retrouve pour me le rendre, j'apprecie le geste. Apres le repas, la fatigue me tombe dessus comme une tonne de ciment; je cogne des clous.

Le vol pour Montreal m'a paru durer cinq minutes car j'ai roupille, malgre le bebe qui braillait juste a cote. En posant le pied en sol Quebecois j'ai enfin la petite bouffee d'excitation et la joie d'etre de retour a la maison, alors que je n'avais rien ressenti a Toronto. Comme quoi le sentiment d'appartenance est visceralement relie au territoire connu. Je n'ai jamais pose les pieds dans l'ouest canadien, jamais vu les rocheuses, donc pour moi c'est un lieu inconnu, plutot lointain. Parait que c'est beau et oui j'aimerais y aller un jour certes, mais quand un Francais m'interpelle "He, la Canadienne!" ...va savoir mais ca m'agace. Je prefere entendre le mot qui rime avec framboise. La Quebecoise. (C'est plus sensuel, non?!)

Je prends un taxi, file chez Anne-Marie et me regale de l'air frais qui remplit mes poumons. Je suis contente de la revoir avec sa magnifique petite famille. Je me sens bien accueillie, comme toujours; chaleur humaine, bisous aux enfants et repas royal. Je suis abrutie de fatigue et je dors douze heures comme une marmotte chloroformee. Mon organisme est completement a l'envers, je suis un peu etourdie par le decalage horaire (treize heures de difference). Mais contente, finalement, oui....Home sweet home!

Bientot Quebec et un surcroit d'emotion, sans doute. J'ai envie de dire que ceci n'est pas la fin du voyage, puisque la vie au complet est une aventure; en tout cas je me souhaite d'avoir le courage de la vivre comme telle. Il y a des jours ou j'ai des paroles de U2 qui me trottent dans la tete "I still haven't found what I'm looking for..." et d'autres ou un grand eclat de rire  monte en moi devant le spectacle de la partie anxieuse de mon etre; c'est la fameuse blague du poisson qui cherche l'ocean, car en fin de compte, ce que je suis peut seul me combler.

"AS SOON AS YOU RESIDE WHOLLY IN YOURSELF,
 YOU HAVE THE WORLD."  

Sarah Jenkins


samedi 10 novembre 2012

Life is a journey

Le 4 novembre au matin, je suis chiffonnee et irritable. J'ai tres peu dormi a cause d'une douleur grandissante a l'oreille ( la veille, j'avais a peine pu mastiquer tant c'etait enfle!) Direction: hopital en taxi, et o chance inouie, j'ai vu une femme medecin qui parlait anglais et en moins de trente minutes, j'avais en poche les medicaments qui allaient me permettre de prendre l'avion en toute securite dans quelques jours.

Je suis ensuite allee au palais royal assister a une seance de danse traditionnelle, envoutante et lente a souhait. Les femmes sont belles et gracieuses, leurs gestes precis et mesures, tout en subtilite et sobriete. Le gamelan (ensemble de percussions propre a l'Indodesie) acheve de m'hypnotiser en douceur.  Je passe pas mal de temps sur internet ce jour-la.  Je discute avec des etudiants du secondaires, ils adorent parler anglais. Ensuite, je lis dans ma chambre et me repose en profitant de la piscine (sans mettre ma tete a l'eau evidemment). Le soir, j'assiste a un spectacle de marionnettes (theatre d'ombres): une curiosite mais qui perd de son attrait apres une heure, etant donne que la narration est en indonesien et le jeu est visuellemtn tres statique; ajoutez a cela une Marika qui manque de sommeil et vous obtenez une spectatrice somnolente!

Un matin, je me leve a  4h30 pour aller a Borobudur, un site bouddhiste ancien et assez imposant mais pas si epoustouflant apres avoir ete a Ankor Wat! Par contre, j'ai passe un agreable moment a bavarder avec une bande de jeunes etudiants, leur gentillesse et leur niveau d'anglais m'ont epatee. Ce jour-la, je quitte Yogya pour aller a Solo, epicentre de l'identite javanaise et lieu de tradition, bref une des villes les moins occidentalisees de l'ile. J'y vais en train, plutot agreable mais il fait terriblement chaud la-dedans, car il n'y a pas de ventilateur et les fenetres ne s'ouvrent que tres peu. Je m'amuse avec deux fillettes et somnole en lisant un roman policier. D'habitude je n'aime pas ce genre, mais je dois avouer que ce thriller est reussi (Sophie Hanah).

Je prends le premier gite du bord, Mama homestay, correct sans plus. Je deambule au marche local et je ressens effectivement une atmosphere plus ancienne qu'ailleurs; il y a peu de touristes et beaucoup de personnes agees vetues de facon traditionnelle. J'assiste a une pratique: des dizaines d'enfants de tout age, garcons et filles, s'entrainent a danser des choregraphies typiques de Java ou de Bali. Un prof jase avec moi et m'explique que c'est assez populaire chez les jeunes. Heureusement, leur heritage culturel ne risque pas de disparaitre trop rapidement! Il y a aussi quelques adolescentes gracieuses et dynamiques qui font un truc plus moderne. Pour souper je me dorlote en allant dans un resto italien haut de gamme: mon plat de raviolis coute plus cher que ma chambre (!) mais oh la la quelle symphonie de saveurs! Il y a longtemps que j'avais goute du vrai pesto, du bon parmesan et quelque chose de si raffine a me mettre sous la dent...j'en suis presqu'emue!

Je fais un peu de yoga et de magasinage et visite rapidement le palais a l'abandon, oubliable! Je mets du temps a reperer un cybercafe, je m'y refugie quelques heures, avec les aleas d'une coupure de courant. Il fait vraiiiiment tres chaud, je suis vaincue, je n'ai pas l'energie d'en faire plus!  J'ai vu un postier a moto, avec kit orange (sac, veste, moto et casque, ca frappe!), un travesti trop maquille qui quetait dans les commerces en chantant d'une voix peu convaincante et un duo voix-clavier qui assenait aux clients d'un petit resto exterieur leurs terribles chansons sentimentales. Je me paie encore un assez bon resto, chic et climatise, ce qui n'empeche pas  un petit rongeur de froler mes pieds...je ne dis rien, a quoi bon? Un couple de jeunes asiatiques, beaux et richement vetus, attire mon attention: assis cote a cote sur une banquette, ils sont profondement absorbes chacun sur leur i-phone et ne s'adressent pas un mot pendant une bonne demi-heure...

Je prends un bus de nuit pour aller a Cemoro Lawang, petit village tres tranquille, voire ennuyant. Son seul charme est la fraicheur qui descend sur nous le soir venu (o jouissance) outre le fait que c'est le point de depart pour voir le Mont Bromo, un volcan en activite dans un paysage vaguement lunaire.  Je me permets une biere, maintenant que les antibiotiques sont termines, puis me couche tot , car le lendemain a 4h mon jeune guide est au rendez-vous pour m'emmener a moto voir deux lieux fascinants.

D'abord le mont Penanjakan, ou je dois grimper un brin pour assister, avec une bande de joyeux lurons javanais fort bavards, au lever de soleil sur le Bromo et son voisin spectaculaire, le Balok (si ma memoire est bonne), un cone impressionnant et photogenique.  Ensuite, en route pour aller mettre le nez dans le cratere fumant du volcan, assez inoubliable! Certains y vont a dos de cheval, moi je ne suis que trop contente de marcher et de monter des escaliers, ca fait du bien apres tous ces trajets de train et de bus. Au retour, Dian s'enerve un peu trop avec l'accelerateur et nous derapons dans le sable (ou plutot la suie) et la moto tombe au ralenti sur le cote, mais aucun mal car il a su controler la chute. Mon cowboy amateur se confond en excuses, il tient tout de meme a son pourboire...

Je fais mon sac en vitesse et espere avoir un transport assez tot car j'ai une longue journee de route devant moi pour aller a Bali. D'abord, je deniche un minibus local hyper lent qui m'emmene a Probbolingo, ou je dois acheter un billet de bus pour Den Pasar, puis je vais manger une bouchee et un homme arrive en gesticulant: miss, venez avec moi, votre autocar est en avance! -Quoi? Il est seulement 10h30 et on devait partir a midi...perplexe, je le suis et en effet, voila le bus; c'est bien la premiere fois que ca arrive! Heureusement qu'il m'a trouvee car c'etait le seul depart avant le lendemain. Certains touristes n'ont pas de siege, apparemment ils ont survendu. Enfin nous partons, helas l'air climatise fonctionne a une fraction de ses capacites, il fait...collant a bord. Mon voisin prend de la place et pue des pieds, c'est la vie. En apres-midi, une pause bienvenue: nous prenons le traversier pour changer d'ile, revoici Bali la douce, ca fait du bien de voir a nouveau l'ocean. Je suis soulagee de penser que les longs trajets terrestres sont derriere moi! En arrivant a Sanur, je partage un taxi avec un citoyen britannique, nous allons a Sanur et j'aboutis au meme hotel que l'an dernier et, par hasard, dans la meme chambre! La boucle est bouclee.

C'etait hier; aujourd'hui je suis a fond dans les preparatifs: lavage, derniers achats, provisions en vue des 24h de deplacement a venir, verifier les heures de vol, envoyer des courriels, mettre a jour mon blog, recevoir un dernier massage et  savourer les derniers moments dans la chaleur dense et les somptueuses odeurs de frangipanier. Le voyage continue, je considere mon retour comme un autre chapitre, pas encore ecrit, de cette aventure a l'autre bout du monde.







Parce que!

Il y a pres de 365 jours, juste avant le grand depart, j'ai laisse en suspens  cette question:
pourquoi partir un an?  

Depuis mon tout premier voyage en Europe a dix-neuf ans (Coude und Genou im Deutschland!) j'ai la piqure du voyage, voila: le virus est dans mon sang, je ne peux rien y faire! Curiosite, reve d'exotisme, gout de la decouverte: l'aventure, tant exterieure qu'interieure, me tente encore et toujours. Aprofondir ma connaissance de l'Autre, decouvrir l'Asie, continent qui me fascine au plus haut point dans toute sa splendeur chatoyante mais aussi sa misere; accepter d'etre temoin de la souffrance de certains des plus demunis de la Terre, d'avoir le coeur et la gorge serree a la vue de l'injustice.

Etancher ma soif d'horizons et l'avalanche sensorielle qui vient avec: depaysement tout azimut, seduction et repulsion, ivresse et deception melangees; froler parfois l'overdose de stimulis, exulter souvent et rager parfois mais continuer d'avancer vers l'inconnu et l'inedit afin de savourer la diversite du vaste monde. Accueillir l'idee meme d'inconfort, voire de risque; la precarite qui garde eveille. Quitter  emploi stable et appartement, laisser derriere moi les etres chers et trouver mes racines exactement la ou sont poses mes pieds, a l'instant meme.

Relever un defi, celui d'etre seule a l'autre bout du monde. Realiser un fantasme: etre totalement libre de mon temps, degagee de toute obligation, pouvoir deambuler au gre de mes envies... Griserie de la derive, de la spontaneite, de l'improvisation. La grande recreation, quoi!  Oui, litteralement pour me donner une occasion de me re-creer, me reinventer, de brasser les cartes de ma vie et qui sait? de voir naitre de nouvelles avenues (nouveau travail,  lieu de vie, nouvel amour?). En prenant du recul je change de perspective, j'acquiers un regard renouvele sur mes origines, un regard a la fois sainement critique et  bienveillant. On m'a encore exhortee a continuer de chanter (a plusieurs reprises) et c'est vrai que ca manque dans ma vie. Puis j'ai une offre d'emploi interessante dans le domaine du voyage au retour, a suivre! Mais je continue bien sur en massotherapie, qui demeure ma passion et me fait sentir utile.

Aller voir ailleurs si j'y suis? en un sens, pourquoi pas!

Sortir de mon cadre de reference, de mes habitudes, de mes identifications et voir ce qu'il reste... Me sentir vivante dans l'immediat, sans agenda ni plan precis, au rythme de mes caprices,  luxe rarissime! Qui suis-je? Un humain en voie de transformation, une femme en recherche de tendresse comme de transcendance, une ame en quete de sagesse, creature changeante; parfois anxieuse et parfois extatique, morose ou ravie, bien ou mal lunee, ordinaire quoi! Je les ai vus en face, mes nevroses et mes bobos, mes reflexes conditionnes, mes forces aussi, pendant cette annee sabbatique. (Je peux vous dire qu'il y a encore deux-trois trucs a travailler avec mon psy en revenant). Me replonger dans la spiritualite par le yoga, la meditation, des lectures, un sejour dans un Ashram (mission partiellement accomplie.) Donner un repit a mon corps, qui a travaille fort en masso depuis 14 ans! (j'ai ete a la fois oisive et occupee a visiter, donc ca va!)

C'etait un reve depuis quelques annees, d'explorer cette partie du monde pour une longue periode. Au printemps 2011 j'ai vecu une separation, puis en aout Arnaud Desjardins est mort, en plus de tout ca le fameux  bilan de la quarantaine en perspective...enfin j'avais de l'argent de cote, une bonne sante et l'inspiration-coup de pouce de Genou et me suis dit: pourquoi pas maintenant? Allez! J'ai enclenche les preparatifs et deux ou trois mois plus tard, je m'envolais.

Ce voyage confirme mon penchant pour une vie simple sur le plan materiel; pas besoin de beaucoup pour etre heureuse.  Je pourrais vivre a l'etranger...s'il ne fait pas trop chaud. Je m'adapte facilement et surtout je me cree rapidement des liens, je me fais aisement des amis. Ma famille elargie, c'est l'humanite! Je peux etre a l'aise un peu partout.  Je tiens plus a ma liberte qu'au confort. C'est LA chose que je nomme toujours en premier quand on me demande de parler du Canada: la somme de libertes individuelles dont on peut jouir, autant les hommes que les femmes. Ca n'a pas de prix!

J'ai aime rencontrer les voyageurs au long cours, des gens avec beaucoup d'experience sur la route (de deux a sept ans de bourlingue dans certains cas), lecon d'humilite et de debrouillardise. Des gens aux vies riches, mouvementees, audacieuses, uniques. Tres inspirant! J'ai adore rencontre les "locaux", leur gentillesse souvent m'a eblouie et leur hospitalite est emouvante. Sourires ensoleilles, dents blanches ou dents cassees, mais surtout coeurs ouverts a l'echange, humanite chaleureuse et inoubliable. Ils ont beaucoup a nous apprendre, notamment sur le plan de la solidarite, du partage et de l'entraide. Ca peut sembler cliche mais c'est trop vrai pour le taire!

J'ai pris quelques cheveux blancs dans ce periple, signe de sagesse ou de fatigue? Ce sera a vous d'en juger! Je n'ai pas ete transformee du tout au tout mais, disons, agreablement bousculee. Je sais que je veux faire une difference sur  Terre avant de mourir, aider les moins nantis que moi. Comment au juste? Je l'ignore pour l'instant mais au moins faire du benevolat au Nepal avec les enfants, puis oeuvrer pour les droits des femmes, voila mes deux premieres idees. "Becoming a true human BEING rather than merely a human DOING".

Bref je reviens...same same but different!







samedi 3 novembre 2012

ENDLESS SUMMER

 "C'est quoi etre profond? 
 -La profondur est une disponibilite."      Olivier Germain-Thomas.

Bien bien bien, me voila a nouveau dans les serres d'un soleil impitoyable ayant pour complice un taux d'humidite a faire friser les poils d'un balai. Soit. J'avais vu un panneau vantant les merites de l'Indonesie a Bali en novembre 2011 qui montrait un ciel bleu sous lequel on lisait: Endless Summer, ce qui a mes yeux representait plus une malediction qu'une promesse. Que voulez-vous, j'aime savourer quatre saisons distinctes, j'aime la fraicheur qui ravigote, le froid qui mord, le vent qui pince, les tempetes de neige,  le printemps fougeux et l'automne contemplatif... Tres bientot, je serai de retour dans le climat quebecois.

 En vrac:

"L'orient a choisi l'ephemere, une perte incessante qui ne suscite aucune angoisse. C'est ainsi."
"Comprendre les autres?  D'abord regarder ses propres coutumes comme une fiction."
"Le diable est l'ombre de l'ange. L'angoisse provient d'un desir sans espoir. Plus de desir, plus de nevrose."
"Bientot  je quitterai ma peau  sans avoir connu  le corps de lune."  (haiku)      O. G.-T.

"Ce qu'il y a de plus profond en l'homme, c'est la peau."  Paul Valery

"Elle se sentait a travers lui. Sentait sa peau. La maniere dont son corps n'existait
qu'aux endroits ou il la touchait. Ailleurs, il n'etait que fumee."   Arundhati Roy

Karate veut dire: mains vides...

"Si on arrive, tant mieux, si on n'arrive pas, tant pis!"  (comptine thailandaise)

"Watch the point at which you become unlovable to yourself. Then be very, very kind.
 This is where the practice of compassion begins. The willingness to look rather than to turn away is in itself acceptance... Plunge into whichever feeling arises in yourself, be ready for anything, like a zen warrior!" Sarah Jenkins

"Death is always there watching, waiting. But the one who dies each day is beyond death. TO DIE IS TO LOVE.  Meditation is dying to the known. Complete attention is love. Desire and pleasure end in sorrow. Love has no sorrow. Death is only for those who have a resting place. Have no shelter outwardly or inwardly; have a room or a house but don't let it become a hiding place, an escape from yourself." Krishnamurti

"On the other side of fear lies freedom."    (?)

Djinn tonic, quelqu'un?! En comparaison avec nos freres d'orient, nous occidentaux avons perdu le sens du secret, de la magie, du mystere... Nos vies aseptisees, super-mega-organisees, planifiees et orchestrees au quart de tour et a la minute pres ne laisse plus de marge pour l'imprevu, l'irrationnel, le chaos! Autre chose: chez nous il n'y a pas de castes...vraiment? Euh je m'excuse de vous gacher votre party mais que faites-vous des strates sociales basees sur: le revenu, le niveau d'etudes, la sorte de travail que vous faites, bref votre cote a la bourse du succes personnel?! Je me souviens qu' un jour un NARTISTE de conservatoire avait leve le nez sur Carl parce qu'il est cuisinier. Ca fait longtemps, d'accord mais je me rappelle aussi de l'air ahuri d'une ex-connaissance du secondaire dont la machoire s'est presque decrochee quand elle a su que j'etais...pfff, massotherapeute?!  (c'est pas un metier de cancre, d'illetree, ca?)  Ahem.

Sans oublier les diktats de notre belle culture virile ou l'on se doit de toujours etre fort, competent, autonome, efficace, en controle, heureux, prospere et en sante en permanence sous peine de devenir une sorte d'intouchable virtuel. On s'est debarrasses de plein de superstitions moyennageuses (et c'est tant mieux) mais pourquoi diable croit-on encore que les cotes d'ecoute sont un gage de qualite, que si une personne est connue elle est forcement superieure, que "plus de gens en mangent parce que ce sont les meilleures et que ce sont les meilleures parce que plus de gens en mangent (des conneries, pas juste des saucisses highgrade)? Je pooose cette question, a laquelle, comme dirait Boris, personne ne repond...et je bois...du Djinn Tonic. Sante! Tchinn-tchinn.

Jakarta (20 millions avec la banlieue),tu me tues a petit feu avec ton feroce monoxyde de carbone a la volee...Quelle poisse d'etre degoulinante de sueur des neuf heures du matin, lourde d'un sommeil pateux, assommee mais pas reposee. Malgre tout, marche ma fille, marche! (Attention aux trottoirs defonces et aux conducteurs forcenes) Visite le musee national, remarquable, avec Carolina une guide colombienne charmante. Diner de calmars (beau bon et pas cher) dans un boui-boui. Je me promene ensuite a Kota, la vieille ville coloniale en compagnie de Petr (de Republique tcheque), puis tente d'aller au port mais c'est deprimant, a la limite du glauque (taudis puant le poisson pourri) alors on se refugit un instant dans un centre d'achat hallucinant (avec six cent soixante-quinze boutiques identiques qui vendent toutes la meme chose: des ordis, i-pods et /ou cameras!) pour boire un cafe glace a l'air climatise, survie oblige.

Visite un parc d'amusement desert, drole de concept: verdure, stands d'artisanats fantomatiques, et surtout hauts-parleurs diffusant une soporifique musique new age javanaise, troublant... Looong trajet de bus a l'heure de pointe: nous mettons une heure trente a rentrer a l'hotel, malgre la voie reservee pour l'autobus! Le soir je n'ai plus de jus dans les jambes, plus rien dans le carburateur. J'avais pense sortir, car c'est ici que ca se passe le clubbing en Asie du sud-est (certaines boites ouvrent le jeudi soir et fonctionnent non-stop jusqu'au lundi matin!). Tant pis. Je bois une petite Bintang peinarde a l'hotel et essaie de dormir malgre le tintamarre religieux, les percussions et les chants discordants lances a pleine gorge par des gamins mi-puberes (a la voix felee) dans des amplis de la deuxieme guerre. Une celebration se prepare. L'Indonesie- capsule culturelle- est le pays musulman le plus populeux au monde, mais aussi une etonnante mosaique culturelle, avec ses 300 groupes ethniques et plus de 700 langues. Nation aux 17 000 iles, dont quelques milliers seulement sont habitees. Voila.

Le lendemain, je me leve avec la grace d'une enclume et l'humeur au ras du caniveau, (ou je faillis d'ailleurs marcher sur un rat) et la vision que j'ai une minute plus tard acheve de me mettre de mauvais poil (c'est le cas de le dire): un monceau de fourrures melees dans la rue me barre le chemin, enorme tas d'animaux morts ensanglantes, chevres, coqs et vaches egorges et empiles pele-mele, offerts en sacrifice. Mon coeur et mon estomac se retournent dans leurs cavites respectives. Je suis a cran. Il est 9h, je sue comme une Walkyrie hypocondriaque dans un sauna, je suis tendue et frustree car les agences de voyage sont fermees a cause de ce jour ferie et pour couronner le tout, j'ai des crampes suspectes: etait-ce le poulet d'hier soir? (Misere! moi qui mange rarement de la viande en voyage, j'avais confiance en ce resto de sate qui semblait propre comme un sou neuf.)  Rhaaa! Prends sur toi, Marika. Respire. Shanti Om. OOOOOMMMMMM...

Je decide d'embellir ma journee et j'invite Carole, une sympathique Francaise cameraman de son metier, a venir avec moi a la piscine de l'hotel Formule 1. Riche idee, car malgre ses  dimensions olympiques  il n'y a que cinq quidams qui barbotent dedans. A nous la fraicheur! Excitee d'etre a nouveau dans mon element, je fais 50 longueurs (qui en valent 100 au centre Lucien Borne), ce qui me detend enormement. Je revis! Yah!
Je reussis a trouver une agence ouverte et j'achete un billet d'autocar pour quitter Jakarta des le lendemain.
Reveil en catastrophe: je suis passee tout droit (mis la sonnerie du cadran a 16h au lieu de 4h)! Je sprinte a l'agence et o joie: mon motard attitre m'attendait encore pour m'emmener a la gare d'autobus, coup de chance. Je ne veux pas rester un jour de plus dans ce chaudron de Gargamel!

En route dans un bus moderne et confortable, malheureusement il n'y eut pas de pause-repas donc j'ai tres mal mange; grignote des chips et des biscuits. Trajet d'environ sept heures pour arriver a Pangandarang. Un rabatteur m'emmene a l'hotel Panorama a la Plage, qui etait tenu par un Francais, helas mort il y a deux mois dans un accident de moto. Sa femme Tika, 35 ans et  nouvellement veuve, doit tenir le fort toute seule. On voit a sa bouche pincee et ses yeux tristes que c'est difficile. Je comprends pourquoi elle m'avait semblee froide au depart. Je lui prends la main et ressens beaucoup de compassion, elle pleure un peu en parlant des evenements recents. Je vais marcher avec elle sur la plage.

Je tombe en plein party d'amateurs de vespa: il y a de l'animation en masse et une foule de jeunes gens a l'air cool tout de noir vetus, de la musique a tue-tete (juste a cote de mon hotel) et des demonstrations de moto et divers concours en delire suivis d' une apotheose de bruit et de petards qui se prolonge jusqu'a une heure du matin.J'ai les pieds tres enfles par la chaleur et l'immobilite. Je vais nager dans la mer puis prends enfin un vrai repas et me mets au lit avec d'impotents bouchons dans les oreilles et un oreiller sur la tete.

Le lendemain, je me joins a un petit groupe qui va faire une excursion avec Dindin, un guide de 41 ans fort charmant qui parle aussi bien francais qu'anglais; assez couramment en tout cas pour pouvoir citer Prevert, chanter du Francis Cabrel ou du Michel Fugain, faire de l'humour et placer le mot dithyrambique dans une conversation... My, my, je suis epatee!

La journee commence par la visite d'une plantation de cocotiers et d'une degustation du sucre tire de la fleur de ce palmier prolifique, qui goute un peu la melasse. Ensuite, direction Green Valley ou nous barbotons a loisir dans une riviere verdoyante, sautons d'un rocher, nageons dans une petite cascade puis une grotte, etc. Apres le diner ce fut le moment fort de la sortie: Green Canyon, vraiment spectaculaire! On prend un petit bateau pour se rendre a cet endroit magique, colossal, ou nous avons nage contre le courant avant de le redescendre, entoures de hautes parois rocheuses et nous avons du parfois escalader des rochers au risque de s'ecorcher.  L'eau etait fraiche, c'etait exaltant! Retour en scooter et arret a la plage de Batu Karas, paisible village de pecheurs et lieu de surf. Nous avons  aussi vu une fabrique de marionnettes en bois, ou j'ai appris a ma stupefaction qu'une seule personne manipule les centaines de personnages (et recite les longs dialogues) pendant  le spectacle, qui dure traditionnellement  toute une nuit. Ouf, quelle performance!

Le lendemain, Dindin est en conge et c'est son anniversaire alors malgre mes protestations il m'invite au restaurant (c'est la coutume en Asie, l'inverse de chez nous!) puis nous allons marcher pres de quatre heures dans le parc national, une magnifique foret protegee ou nous ne rencontrons nul humain mais moult creatures, telles: cerfs, petits macaques gris et grands singes noirs mangeurs de feuilles, des toucans, des chauves-souris geantes par centaines et plusieurs especes d'arbres (tek, ficus, rotin) ainsi qu' une fleur aussi enorme qu' etonnante qui pue les ordures et pourrit apres trois jours. On se fait tremper par une averse soudaine et bienvenue, qui nous rafraichit de pied en cap.

Le 31 octobre c'est la pleine lune, la ville est redevenue calme, je me sens paresseuse et d'humeur vaguement bleutee... J'ai bien dormi mais n'ai pas d'energie. Je me remets au yoga apres quelques jours d'abstinence.
Je lis "Le dieu des petits riens", d'Arundhati Roy, une auteure indienne marquante. J'adore son style et aussi sa facon de ficeler l'histoire, c'est tout simplement captivant, un vrai coup de coeur. Je glande, je traine.

Le 2 novembre, je prends un train pour Yogyakarta. Chaleur intense a bord, c'est long, le train a du retard. On met encore plus de sept heures pour parcourir un maigre deux cents kilometres....J'arrive fatiguee, mon sac pese une tonne, les gites sont chers et deprimants; je me rabat sur une chambre propre mais grande comme un placard et peu aeree...dort qui peut! J'ai ete derangee par une bande de Francais qui rentrait a une heure du matin. C'etait hier, aujourd'hui j'ai decide de me gater et j'ai change de quartier, me voici  a nouveau dans le luxe, le calme et la volupte d'une piscine en pleine ville, fort appreciee...J'ai achete quelques souvenirs et visite le marche aux oiseaux, sorte de petshop exterieur ou l'on trouve aussi bien des perruches que des hiboux, des lezards, des canards, des furets et des lapins, sans oublier chiens chats souris blanches et poissons varies. En fin d'apres-midi, un orage beni est venu rincer la chaleur accumulee de la fournee, euh pardon de la journee.

J'ai mal aux deux oreilles, j'ai peur de commencer une otite, c'est fort malvenu, a dix jours de mon vol de retour...voila c'est dit: le decompte final est commence. Bientot, je vais remonter la courbe du globe dans l'autre sens, retour au pays natal, on verra ce qu'on verra! J'etais ici je serai la, la la...

"Ligne incertaine qui tremble dans le ciel et qui est la chimere de nos vies: l'horizon."  O. G-T.
















vendredi 2 novembre 2012

Les cerfs-volants de Katmandu

C'est une vision captivante qui va me manquer: ces dizaines de losanges ludiques et multicolores qui tourbillonnent dans le ciel,  manoeuvres par des gamins au sourire epanoui. Un matin j'en ai compte plus de trente, debout sur le toit de l'hotel apres mes salutations au soleil; c'est un passe-temps apprecie au Nepal.

Je n'en reviens tout simplement pas de voir combien rapidement les deux dernieres semaines ont file!
Le 19 octobre, j'ai passe l'apres-midi a Pashupatinath, un temple hindou avec ghats de cremation, sorte de mini-Varanasi flanque de sa poignee de babas peinturlures et couverts de cendres qui se font tirer le portrait moyennant quelques roupies, de singes chapardeurs en goguette au milieu des vendeurs de the trop sucre, sans oublier ces familles entieres multipliant les actes de devotions; certaines souriantes et d'autres en pleurs, accompagnant la depouille d'un aine dans son dernier rituel au bord de l'eau...bref, je me serais crue retournee en Inde, avec la musique, les sons de cloche, les psalmodies et les odeurs de ghee des lampes!

 En fin de journee, je suis invitee dans la famille de Luan et d'Ellen, deux soeurs charmantes rencontrees au festival de musique de Patan, un mois plus tot. Nous etions restees en contact via Facebook et j'ai ete recue de facon tres chaleureuse par toute la famille: ils etaient rieurs, ca respirait le bonheur dans cette maison. La nourriture fut delicieuse et la soiree memorable, dans une rare bonne humeur pleine d'humour. C'etait l'anniversaire de Luan, nous avons mange le gateau avant le souper, etrange. Il y avait des tantes, oncles, cousins et Mamou, la grand-mere frele et souriante, qui me rappelait un peu Ti-Guite, ma propre mamie aux yeux petillants de douce malice.  Nous avons mange assis par terre, puis j'ai placote avec les jeunes dans la chambre, enfin nous avons chante quelques bajhans dans le salon, ce fut leger et joyeux! On m'a garde a dormir, et meme si j'ai bien trop mange, ce fut reposant. C'est une famille aisee, ils ont une belle maison.
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Au matin, la famille au complet voudrait me garder mais j'ai rendez-vous avec Dinesh, je me rends chez lui a Changu Narayan, je suis tres contente de le revoir et de rencontrer sa mere Benita et sa soeur Sunita. Sa maison est modeste mais situee dans un lieu enchanteur, a dix minutes a pied du village, donc nul bruit de voiture et  superbe vue sur les environs. Ils n'ont ni salle de bain, ni eau courante; ils vont a la fontaine publique pour avoir de l'eau et partagent une "becosse" avec les voisins. Jusqu'en 2010, ils vivaient dans une seule piece mais ils disposent maintenant de trois (petites) pieces; la jeune soeur dort dans la cuisine. Ils doivent se laver tout habilles, dehors et brulent leurs dechets dans la cour. La nuit, j'entends des rongeurs courir sur le toit. Sinon c'est tres calme et mon sommeil est profond et reparateur; je me sens bien paisible.

 Sunita est jolie et amicale, son anglais est excellent. Elle est studieuse et ambitieuse: elle veut, tout comme son frere, aider sa mere qui les a supportes quand leur pere les a abandonnes pour refaire sa vie avec une autre femme. Benita est souriante mais ne parle pas anglais. Ils ont connu des annees de vache maigre, ou meme le riz etait rare et ou les enfants n'avaient que peu de vetements et un sac de plastique en guise de sac d'ecole. Dinesh envisage d'aller travailler deux ou trois ans a Dubai pour amasser l'argent necessaire pour marier sa soeur, ensuite seulement il pensera a lui. Il est vraiment mature et responsable pour un jeune homme de vingt-trois ans! Ils ont un terrain qui pourrait  servir pour un gite, ce serait son reve. Il veut egalement un jour creer une fondation pour venir en aide aux orphelins. Je l'admire!

Je vais dormir chez eux deux nuits et on me traite avec tant d'egards que j'en suis embarrassee. Je ne peux lever le petit doigt et la maman a mon depart me donne un pashmina, j'en ai les larmes aux yeux...On me fait promettre de revenir l'an prochain et de rester plus longtemps, je dis : oui, a condition que vous me laissiez faire la vaisselle! Ils sont incroyable de gentillesse, Sunita me fait cadeau d'un carnet pour ecrire mon journal, je pars en laissant encore une partie de mon coeur derriere moi, presqu'a regret. Benita m'a d'ailleurs fait le plus beau compliment en disant a Dinesh que j'avais "a nepali heart"! Ils ont vraiment  le coeur sur la main.

Je pars pour un long trajet de bus (un paysan monte avec au moins quinze gros sacs de riz!) et retourne dans la famille Shresta, chez Ellen et Luan et c'est a nouveau la joie: la maman en particulier est tres complice et j'adore la taquiner gentiment. Ils sont adorables! Meme  Mamou m'a adoptee et me demande si je vais les oublier, si je vais y retourner...Ils me demandent d'emmener ma mere l'an prochain, ils voudraient la connaitre! Ils sont tellement hospitaliers, c'est fou. Ellen me demande de lui enseigner quelques techniques de massage, elle s'exerce sur sa soeur pendant que la famille ecoute Big Boss dans le salon (version Indienne de Big Brother).  J'ai reve cette nuit-la que j'etais en montagne pour faire du ski alpin mais il n'y avait pas de neige, c'etait a la fois dangereux et desagreable... Bizarre.

Le matin, nous allons au temple de Patan: la famille fait un puja, des offrandes pour Dasain. Les parents sont profondement devots, ca fait partie de leur quotidien. Puis, Bidhya la maman me fait cadeau d'un magnifique sari rouge, c'est incroyable comme generosite, eux aussi me traitent comme un invite de marque, voire une princesse! Donc, essayage et seance de photo: les filles sont epatees de me voir ainsi traditionnellement vetue. La couleur rouge est associee au mariage, donc on me dit qu'il ne manque plus que le mari! J'en connais qui vont prier pour moi, ca fait chaud au coeur... En se quittant, Ellen me dit: si nous avons fait quoi que ce soit qui ait pu te blesser ou te decevoir, s'il-te-plait pardonne-nous. Dinesh aussi m'avait dit la meme chose, c'est une coutume nepalaise et c'est dit avec une sincerite touchante. J'ai tente de balbutier quelque chose de semblable mais on m'a plaque une main sur la bouche! Ils sont tellements speciaux ces gens-la, c'est indescriptible. J'ai vraiment envie d'aider Dinesh et sa famille. (Je lui ai offert une guitare et il etait aux anges, je crois qu'il en joue tous les jours.)

Le 23, il vient me reconduire a l'aeroport, nous avons tous deux le "motton" dans la gorge. L'heure est venue de quitter cet endroit magnifique ou j'ai vecu tant de choses marquantes en peu de temps. L'an prochain je me promets de revenir pour une periode plus prolongee et de faire du benevolat avec les enfants. L'aeroport de Katmandu est etonnament petit et desert; en seulement 45 minutes j'ai franchi toutes les etapes et je relaxe sur un moelleux divan en simili-cuir, gonflee de tendresse et de tristesse, etourdie de toute la beaute de ces rencontres, fatiguee mais contente et surtout  confiante que j'y reviendrai. ( Nepali ho!)

Premier vol facile: l'avion est a moitie vide et le trajet, moins long que je le pensais. A Kuala Lumpur, j'ai une nuit d'attente dans l'environnement aseptise mais je dors tres mal, a cause du boucan que font les enfants qui jouent et declenchent la sonnerie stridente de fauteuils a massage... Enteka, ayant tant bien que mal reussi a somnoler trois ou quatre heures sur mon tapis de yoga , je me leve fripee a 4h30, mange une soupe et hop, l'embarquement debute a 6h. Le vol pour Jakarta est bref et me voila soudain engouffree dans un chaudron indonesien de vapeurs equatoriales; il faut deux heures trente sous un soleil sadique pour rejoindre la rue Jaksa, a 25 km seulement de l'aeroport... J'aboutis suante et collante dans un gite miteux et relativement cher mais je m'en fous, trop claquee pour chercher ailleurs. La salle de bain est crade et les murs moisis, j'ai envie d'envoyer une photo au Lonely Planet, qui recommendait cet endroit a la limite de l'insalubrite! Un gars dans la chambre voisine de la mienne s'est fait attaquer par des puces de lit, j'ai eu plus de chance que lui.

"Life felt open, intensely so.
 I felt like I should-like it is my sacred task-
 to move unafraid into the emptiness."

-Manjushree Thapa


mercredi 17 octobre 2012

ORIENTAL MAGIC

Malgre ma cheville bleuie, "mon kussi tsu" : je suis de bonne humeur! Il y eut un soir ou j'ai boite fortement, mais a force de repos, de glace et de patience, ca desenfle tranquillement. Ouf! Je peux esperer faire de la marche en montagne, dieu merci. Le titre de cette chronique est le nom  d'un jus delicieux a base d'ananas, de gingembre et de coriandre fraiche, mais decrit aussi mon emerveillement renouvele d'etre en Asie!

Un glissement de terrain du a une forte averse a enseveli cinq vehicules et fait une douzaine de morts. J'ai commence un recueil de nouvelles de Manjushree Thapa, tres bien ecrit; feuillete "Smile, you're travelling" par Henry Rollins, assez poseur merci: non seulement il ne peut ecrire trois lignes sans dire fuck ou shit, mais en plus son periple en Afrique se deroule a une vitesse ridicule; il y passe dix jours et se sent aventurier. Il y a cependant une citation de lui que j'apprecie: "The american is born dysfunctional and must fight his way out just to be normal." Quelques jours plus tard, je me delecte d'un bouquin-fleuve de Luis Alberto Urrea, "Hummingbird's daughter", fresque coloree brodee autour d'une sainte mexicaine ayant vraiment existe.

Je retourne dans les entrailles de Katmandu afin de me rendre au bureau d'immigration. Je remplis ma demande et au bout de deux petites heures, j'ai en main une extension de deux semaines pour mon visa.
Je croise ensuite une grande blonde fort sympathique: Elea, Francaise fraichement debarquee de l'avion. Le contact est immediat, simple et la conversation coule de source. Nous croisons une manif, visitons Durbar Square et avons le chance d'apercevoir furtivement la Kumari,  jeune deesse vivante  qui a l'air de s'emmerder royalement dans ses habits d'apparat.

 Le soir venu, nous allons ecluser quelques bieres au Funky Buddha, puis passons a un autre bar abritant des musiciens jouant bien sur de vieux succes. Enfin, nous vivons une experience culturelle etonnante dans un drole de club ou la biere  hors de prix est servie par des hotesses (assez sexy selon les standards nepalais) qui offrent jasette et grands sourires afin d'inciter les hommes a boire et ou personne ne danse-hormis des pros qui nous infligent des choregraphies allant de la romance sirupeuse au hip-hop en passant par les tremulations bolywoodiennes... mieux vaut en rire! Nous rentrons a 11h:  la grille d'entree de l'hotel est fermee a cle, je dois reveiller le portier.

Le lendemain, jour de detente: je vais flemmarder au Dream Garden, superbe endroit de verdure et bassins d'eau ou l'on peut s'allonger mollement sur l'herbe, enfonce dans  des coussins en degustant un expresso a prix d'or. Je me balade ensuite autour de la vieille ville et nous retournons, Elea et moi, au Funky Buddha car c'est la soiree transe, avec un DJ et oui, les gens dansent, enfin! Je rencontre Sjoerd, un grand Hollandais souriant au nom impossible a prononcer, qui est interesse lui aussi a faire le trek de Poonhill. Je m'eclate a tournoyer, pieds nus dans le jardin, puis a 22h nous passons au Reggae Bar, ou une foule animee boit, fume a la chaine et se tortille en ecoutant le band live rendre energiquement les memes sempiternels vieux tubes. Jimmy, le proprio des lieux, nous paie une biere; nous placotons avec des gars de Mumbai. On ne rentre pas trop tard,  ma copine se levant a l'aube pour son saut en bungee. (Cette fois, je file un pourboire au portier de l'hotel.)

Le lendemain, je pars en compagnie d'Elea et Dinesh pour Pokhara, decouvre le Namaste Lodge, avec une terrasse donnant une superbe vue sur le lac. Le soir, dans un resto familial, croyez-le ou non:  ca a pris plus d'une heure trente pour etre servis, j'avais l'estomac gargouillant de protestation! Je vais au Blues bar faire un rapide coucou a la tribu; Greg et Harsh quittent le lendemain, Nico est ravi de me voir mais pas surpris (il avait eu l'intuition qu'il me croiserait le jour meme) et dodo tot, le trajet de bus m'a fatiguee.

Le lendemain, je marche avec Nico et Elea jusqu'au chutes de Devi, belle promenade sous le soleil.  Sjoerd nous rejoint en fin de journee et nous filons en vitesse, juste avant que les bureaux ne ferment, prendre les deux permis necessaires pour entrer dans la zone de conservation de l'Annapurna, deuxieme sommet le plus haut de la chaine de l'Hymalaya; il y a de l'excitation dans l'air!

Le neuf octobre au matin, nous prenons un taxi jusqu'a Nayapul, dejeunons sur place puis entamons notre premiere journee de trek. Nous grimpons de nombreuses marches en pierre, croisons des mulets, cotoyons des rizieres d'un vert quasi aveuglant;  le paysage est magnifique et le ciel est bleu, la temperature un peu chaude en plein soleil mais je suis aux anges. Nous arrivons a Ghandruk vers 15h30, ce fut plus facile que je l'anticipais, mais pour Sjoerd (qui fume abondamment) c'est l'inverse. Notre hotel est une magnifique vieille maison rurale en bois tres bien tenue, bien plus classe que ce que j'imaginais.

 Reveillee a l'aube, j'assiste au lever du soleil: la vue est degagee, je me sens toute proche des sommets  enneiges, c'est epoustouflant! Depart vers 7h30, le debut du trajet est a l'ombre et longe de nombreux ruisseaux. Sjoerd a d'enormes ampoules et traine un peu la patte. Je dois me freiner et perds mon rythme a cause des nombreuse pauses, mais j'ai bon  moral. Une foret enchantee a la Tolkien, remplie de lianes, d'arbres biscornus et de rhododendrons me donne l'impression qu'un troll ou une sorciere va surgir de derriere un gros rocher! Apercu quelques singes. Arret a Tarapani pour diner d'un consistant dhal bat (riz et lentilles) et arrivee a Banthati vers 14h30, a 2660 metres d'altitude. Nous avons croise beaucoup de monde sur le sentier.  Dinesh avait dit que ce serait le jour le plus difficile mais je crois qu' il nous menage psychologiquement (en nous disant que ca prendra sept heures quand ca en prend quatre ou cinq), resultat on est tout contents quand on arrive a destination!

A ce nouvel hotel, un sympathique et extraverti Coreen implique dans des projets humanitaires nous fait bien rire car il s'exclame sans cesse d'une voix tonitruante, a des opinions tranchees sur tout et deborde de bonhomie et de vitalite. Ca discute ferme de spiritualite autour de la table. Apres le souper, nous avons droit a une petite demonstration de danse locale accompagnee de chants et tambours, nous dansons quelque peu, c'est fort joyeux ma foi! Il fait un peu froid la nuit venue, nous buvons un peu de vodka pour nous rechauffer.

Helas mon voisin de chambre ronfle ardemment, je n'ai dormi que cinq heures et je me sens fripee et grognonne le lendemain matin. Le soleil nous sourit a nouveau, on voit le sommet Annapurna sud. Aujoud'hui, on va descendre puis remonter, pour un total de 3300 metres de denivele! Pas trop dur mais je me sens faible car le diner ne vient que vers 15h30, je me sens impatiente tellement j'ai faim. Delicieux curry de chanterelles, mioum!  Apres, j'ai les joues en feu, je me sens fievreuse; en buvant beaucoup d'eau chaude, curieusement mon etat s'ameliore mais je remarque aussi que j'ai des plaques de peau tres seche sur les mains et sur les jambes, une rougeur irritee qui evoque soit l'eczema ou la dermatite. Dinesh croit que c'est du au changement de temperature mais j'en doute.

Quoiqu'il en soit, nous voila a Ghorepani, au Superview Lodge qui merite bien son nom. C'est tout simplement grandiose! Modeste chalet aux  murs en carton ou il regne une atmosphere conviviale. Je rencontre un couple de Quebec, c'est plaisant d'echanger en se rechauffant autour du poele (fait d'un simple baril). On se couche tot et je supplie pour changer de chambre avec notre guide, alors je dors dans un petit reduit qui sert a entreposer les couvertures mais je DORS, o merveille!

Le lendemain, le reveil qui sonne a quatre heure est un petit defi en soi: s'habiller puis commencer a marcher dans le noir, a la file indienne avec les autres, armes de lampes de poches  pour escalader Poonhill, soit l'apotheose de ce trek. Les lueurs de l'aube se pointent, melangeant les couleurs dans la palette du ciel, puis...ta-dam! Voici le moment tant attendu du lever de soleil et ca valait vraiment le coup! Pour la premiere fois de ce voyage j'ai franchement froid aux extremites et me rechauffe les doigts sur un verre de the. Une horde de pres de deux cents touristes papote et prend moultes photos eblouissantes des sommets coiffes de blanc. Nous demeurons sur place jusqu'a huit heures,goutant un moment de silence car tout le monde est redescendu pour le petit dejeuner et rencontrons Natalia, une Ukrainienne qui vit en voyage depuis sept ans.

Cette journee est une gaterie, un repos. Sjoerd fait la sieste, je me balade toute seule dans le tres petit village; tentative avortee d'aller sur internet. Je bois une biere assise toute seule dehors, comme dans le temps ou j'allais sur les plaines a l'adolescence avec ma bouteille de rhum ecouter Depeche Mode dans mon walkman a cassette!!!  Un coq chante, les villageois vaquent a leurs taches, travaillant lentement mais sans relache. Je me sens tres relaxe, un peu feeling et portee a commencer a faire un bilan de mon voyage. Hum, je ne pense pas etre devenue une personne plus sage, plus eclairee; je suis encore souvent tres reactive, impatiente, habitee de doutes et de jugements...bref j'ai bien du chemin a parcourir encore! J'aimerais avoir plus de foi en moi et dans la vie. Ai-je trop ete dans le faire, dans l'amusement de la decouverte et de la nouveaute? J'aurai besoin de temps au retour pour decanter. Quand je relis mon journal ou que je revois mes photos, je suis etourdie par l'intensite et la densite de ces derniers mois. Oui, je n'ai pas fini de digerer tout cela!

Parenthese : en nepalais le mont Everest se nomme Sagarmatha, qui signifie mere de toutes les deesses!
Apres une longue nuit reparatrice, depart a jeun vers sept heures, going down, down, down!  Maintenant c'est Sjoerd le plus rapide; avec ses grandes jambes il est devant et deboule les marches deux par deux. Sur son baton de marche geant se trouve un morceau de bois enroule en spirale, que tout le monde scrute pour verifier s'il s'agit d'un serpent, c'est le running gag de la journee! Petit dej. copieux de Rosti au fromage et, coup de chance pour moi, la proprio du restaurant masse son adorable bebe de trois mois au  soleil; c'est une tradition  ici comme en Inde de masser les enfants tres regulierement; elle me permet de prendre des photos. On arrive a Hille pas trop tard et juste avant un orage de pluie intense. Le gite est tenu par une famille tres chaleureuse, je me retrouve dans la cuisine a regarder la femme preparer le repas et je joue avec son petit garcon de deux ans. Un Israelien nous montre un jeu de carte ou il faut mentir, on rigole bien.

Depart en ce dernier jour vers 9h30, pas besoin de se presser puisqu'avant midi, nous sommes attables a Birethanti, au bord de la riviere, la boucle est bouclee...deja! Nous voyons une manifestations d'enfants avec des pancartes exhortant leurs parents a cesser de boire, de fumer et de parier afin de leur assurer un meilleur avenir! C'est touchant. Encore un peu de marche jusqu'au taxi et retour a Pokhara.  Par hasard, je croise Cathy sur la rue, cette charmante femme avec laquelle j'avais fait le trajet de Rishikesh jusqu'ici! Nous allons souper tous ensemble, avec un Sjoerd rase de frais, une Elea qui s'est inquietee car nous avons rallonge le trek d'une journee et un Quebecois cool nomme Francois, qui a etudie en tourisme d'aventure et se paie comme moi une sabbatique (il a passe son ete d'avant au Yukon pour faire des sous rapidement).

Le premier bar est un repaire avec hotesses et danses quetaines, oups! Nous sifflons nos bieres rapidement. Le second endroit ressemble a une boum, avec deux cent gars de 14 a 20 ans et environ dix filles.. et des tubes dance des annees 90 comme il se doit, bref full testosterone et assez hilarant dans l'ensemble. Ca ferme a 11h helas, on a tout juste le temps de s'echauffer que c'est fini!  On se refugie au Busy Bee et la, on peut continuer la discussion jusqu'a deux heures du matin en grignotant frites et pizza...C'est le night life a Pokhara!

Apres une courte nuit, loooong trajet de bus de plus de huit heures pour revenir a Katmandu.  L'hotel que je voulais est plein mais je croise un British que j'avais deja vu et il accepte de partager sa chambre a deux lits avec moi. (J'ai chaud et pas envie de chercher ailleurs). Dinesh accompagne Elea a Bhaktapur. Nombreuses coupures d'electricite ce soir-la, je prend une douche froide a l'eau sulfureuse et avec une petite ampoule qui clignote, wow! Je m'apercois que je suis rendue avec une quantite monstrueuse de bagage, je me decide a jeter et donner quelques objets. Je suis contente de retrouver mon tapis de yoga et je magasine un billet d'avion pour Jakarta sur internet: c'est un peu long et plus cher que prevu, je regarde mes finances et je sens mon mental agite et dissipe; je pense beaucoup au retour et aux milles choses a faire  et ca me stresse...

Le 16 octobre commence Dasain, une fete religieuse hindoue qui commemore la victoire de Durga sur un demon,  ou traditionnellement l'on egorge de nombreux animaux en sacrifice pour se gagner les faveurs des divinites ou eloigner les mauvais esprits, ce qui est desaprouve par les gens des classes sociales plus aisees.
Certaines personnes adorent ce festival, qui permet aux gens d'avoir des conges et de se retrouver en famille, mais d'autres detestent le cortege d'obligations que cela entraine: paraitre heureux et souriant a tout prix, faire de couteuses receptions, acheter de nouveaux vetements et des cadeaux, bref un peu comme Noel chez nous! Et attention: quiconque tente de s'y soustraire risque le chantage emotionnel de papa ou maman!

Aujourd'hui, j'ai vu trois enfants rire a gorge deployee en pourchassant des pigeons sur la place.
"Ne suffit-il pas du rire d'un enfant pour que le present devienne un absolu?"
   -Olivier Germain-Thomas