vendredi 30 mars 2012

IN THE SHADOW OF LIFE

L'ombre et la lumiere...La beaute et la laideur...La vie et la mort.

Je vous previens, je suis dans un de ces jours ou j'ai du mal a aimer l'Inde.
Car j'ai (helas) lu le journal une fois de plus et en prime j'ai eu envie de frapper quelqu'un ce matin.
Je vais tenter de faire un coctkail digeste de tous ce fatras, en inserant des trucs droles au travers,
 histoire d'eviter d'etre trop lourde!

Allons-y. D'abord, le noeud de cette chronique, c'est que j'ai assiste a  une mise a mort qui m'a paru cruelle.
Nous etions quatre femmes a marcher autour de la montagne Arunachala, dans le sentier interieur, trajet d'environ deux heures trente a travers des bosquets, une petite foret et des champs. J'ai fait ce circuit plusieurs fois et tout s'est bien deroule. Ce matin-la, mon amie Roma, recemment rasee, a brule ses cheveux sur un rocher. Quand ce fut fini, nous avons sursaute en apercevant un saddhu assez impressionnant (couvert de marques de cendres) qui nous fixait intensement. C'est fou, on aurait jure qu'il n'etait pas la une seconde avant, et qu'il s'est materialise comme par enchantement! Il avait l'air d'un spectre et retrospectivement, il apparait comme un presage funeste (c'est la romanciere en moi qui parle sans doute).

Je marchais en tete et je disais justement a Roma que je trouvais qu'en Inde, la mort etait tres presente. L'ami d'Arun est decede, le touriste Allemand a Varanasi, les buchers funeraires, un masso de Tiru nomme Suresh a perdu sa femme pendant que j'etais la (je voulais prendre rv avec lui mais j'ai laisse tomber en apprenant la nouvelle) Dans le journal: un homme de 60 ans s'est pendu dans une gare, honteux de ne pas avoir assez d'argent pour le mariage de sa fille. Un cas tragique: Imarti, une simple villageoise, a ete tuee par balle devant sa famille. Son ainee avait ete enlevee et vendue pour mille dollars comme esclave sexuelle des annees avant, puis sa plus jeune a ete violee a 15 ans par le chef du meme gang, car elle refusait d'entrer dans le reseau de prostitution. Cette courageuse femme, pauvre et  peu instruite a ete frapper a la porte de plusieurs postes de police pour obtenir de la protection pour sa fille, sans succes. Le mafieux qu'il l'a tuee en plein jour pour la faire taire est un "big shot" qui s'en sortira sans doute sans proces. En passant, aussi religieux qu'ils soient, les Indiens ont un reseau de prostitution hallucinant: on estime a plus de 10 millions de femmes (dont 20% de mineures) celles qui ont le malheur d'etre utilisees ainsi comme de la marchandise.

J'en etais la de mes reflexions quand j'ai entendu des chiens grogner et courir. J'ai d'abord cru qu'ils se chamaillaient entre eux, puis j'ai vu que non: ils etaient excites car ils avaient encercle un jeune daim. Aussitot, j'ai pris une roche dans ma main et j'ai fait un pas en avant, en criant aux filles: est-ce qu'on y va?
Valentina m'a dit : non, ce serait dangereux, ils peuvent se retourner contre nous. Cinq chiens pris de frenesie, dont l'instinct de tueur est exacerbe, en effet ca peut facilement etre brutal si on les contrarie. Je laisse tomber.
Au meme instant, ils ont reussi a jeter le petit animal par terre et ont commence a le mordre en grondant. Nous etions a environ 15 metres, on entendait les cris de detresse du frere de Bambi, c'etait dechirant. Roma s'est mise a pleurer et j'avais la nausee, quelle tristesse! Nous nous sommes eloignees , impuissantes, sous les rales d'agonie du daim . Ce qui me tourmente, c'est qu'au lieu de le prendre a la gorge et de l'achever rapidement, les chiens semblaient s'amuser a le torturer en le mordant aux flancs et aux pattes. Je ne sais donc pas s'ils l'ont mange parce qu'ils avaient faim, ou si c'etait par jeu, ce qui me laisse un malaise. Evidemment, c'est perturbant, on n'a pas l'habitude d'etre temoin de scenes semblables, live, si naturelles soient-elles... Donc coincidence: j'etais justement en train de parler de la mort lorsqu'elle a frappe!

Pour alleger un peu l'atmosphere, je vais vous conter un episode burlesque: Marika est embarree dehors.
J'etais sortie souper chez un ami, et lorsque je suis rentree, passe minuit,  la grille de l'entree du guest house
etait cadenassee. Hum pas super, mais le veilleur est la, juste de l'autre cote de la vitre, couche sur un matelas. Je commence a cogner en parlant doucement, pas de reaction. Je hausse le ton et commence a brasser la grille de fer, toujours rien. Je me mets a varger de toutes mes forces, on croirait que tout va arracher et ca fait un boucan du diable, mais notre homme ronfle comme un bienheureux! Le mec qui a la chambre au-dessus me crie: hey, ca suffit, stop it! Zut.  Je regarde autour de moi: la rue est sombre, je sais qu'il y a des rats et des chiens errants, pas le gout de dormir sur le trottoir... J'ai un eclair de genie: je me resigne a  passer la nuit sur le toit de l'ashram voisin, car ils ne ferment pas leur entree a clef. Je monte l'escalier exterieur en douce, me voila sur le rooftop: pas si mal.  Je regarde autour de moi et m'apercois que les toits des deux batisses sont adjacents, c'est un jeu d'enfant d'enjamber un muret pour finalement etre capable de regagner ma chambre, ouf! La cerise sur le sundae: le lendemain, je conte ma mesaventure a une amie, qui me dit: mais t'as pas la cle de la grille d'entree? Saisie d'un doute, je sors mon trousseau; effectivement, il y a deux cles, he he! (C'est un peu genant mettons!) Je suis parfois lunatique...

Pourquoi ai-je eu envie de frapper quelqu'un ce matin? Apres une nuit dans le train, ce qui n'est jamais tres reposant, je suis de retour a Kovalam, point de depart de mon petit tour de l'Inde. Je suis a l'arret d'autobus, quand je vois un monsieur gras et laid qui me regarde fixement (d'un oeil de merlan frit tout ce qu'il y a de plus huileux) et il taponne quelque chose sous le tissu de son vetement. Je me detourne, croyant qu'il se gratte peut-etre, mais quelques instants plus tard, le doute n'est plus permis, le vieux schnock se masturbe!
Yark! Je n'en reviens  pas qu'il fasse ca impunement devant 20 personnes en plein jour et que tous feignent de ne rien voir! Indignee, je le dis au jeune homme a cote de moi qui me repond, fataliste: on ne peut pas changer les gens... What the f... ??? Dans ce pays on exige que les femmes soient decentes mais les hommes peuvent tout se permettre? Je suis vraiment en colere a present, surtout que quand je me deplace pour ne plus etre dans son champ de vision, l'exhibitionniste se deplace aussi et me mate avec un regard vraiment repugnant, regard mauvais et visqueux  rempli de mepris avec en prime une grimace mi-salace, mi-haineuse. J'hesite  a agir, je ne me souviens plus de mes phrases d'hindi, je suis comme paralysee et me sens vraiment frustree et impuissante. L'autobus arrive, me tirant de cette situation absurde, je monte a bord et me retourne pour lui gueuler: You! Yes you, goonda (bandit), bad man! -tout en brandissant dans ma main ma sandale, injure supreme. Je m'asseois en rageant, tremblante et j'ai des fantasmes de vengeance: j'aurais aime me defouler en le cognant, ce pauvre type malheureux, mais mieux vaut ne pas me creer de mauvais karma et surtout ne pas avoir affaire a la police...

Autre episode drolatique: Marika va au poste de police. Il y a trois jours, je perds mon telephone dans la rue, je sais que je ne le retrouverai pas. Un ami indien me conseille de declarer l'evenement, au cas bien improbable ou quelqu'un ferait un mauvais usage dudit portable, car la carte sim est a  mon nom. Je vais au poste avec Roma, on entre et on parle toutes seules pendant cinq minutes: hellooo? Namaste? Y a quelqu'un?Yes, come in...Un bonhomme tout endormi , dont nous avons visiblement perturbe la sieste digestive, nous ecoute, puis ne comprenant pas ce dont il retourne, nous envoie mollement a l'autre constable, tout aussi inactif aparemment, assis placidement au milieu de piles de papiers epars poses sur une simple table en bois. Aucun telephone ni ordi ou autre signe de modernite en vue, on dirait une vielle salle de classe poussiereuse.
Il parle mieux anglais, mais il n'est pas vite vite. Il n'est surtout pas interesse une seule seconde a nous aider a remplir une declaration, il dit: come back tomorrow et je ne saisis pas la raison qu'il donne, mais c'est clair qu'il a la mega flemme... Par contre, il est tres interesse de savoir a quel hotel nous logeons et il veut le numero de telephone de mon amie! Euh, quoi? Oui, ce bedonnant moustacheros flirte avec les touristes au lieu de remplir ses fonctions. Ok, bye! On sort presque en courant, pouffant de rire.

La vie est comme ca, des hauts et des bas.  Hier dans le train il y avait des dizaines de jeunes soldats en
route pour un entrainement, ils ont ete sympathiques avec moi, tres gentlemen. J'ai eu droit a ma seance de mitraillage de photos (allo paparazzis! Sourire jusqu'a en avoir mal aux joues). J'ai coiffe le beret, avec mes cheveux courts c'etait parfait! L'un d'eux, voyant mon I-pod, voulait que je lui fasse ecouter des chansons anglaises; c'est toujours ca que les Indiens me reclament mais helas j'ai surtout de la musique asiatique ou moyen-orientale! Enteka, ce fut un beau moment.C'etait mignon de les voir se taquiner, si candides qu'on aurait dit des enfants.

En terminant sur une note positive, j'aimerais citer Ramana, il a une belle metaphore concernant les soucis:
"Since the supreme power makes all things move, why shall we, without submitting to it, constantly worry ourselves with thoughts as to what should be done and how...We know that the train carries all load, so after getting on board why should we carry our small luggage on our head to our discomfort, instead of putting it down and feeling at ease?"

Remember my friends, the train carries all loads...Ciao!





2 commentaires:

  1. Salut Marika, J'ai pris de tes nouvelles au près de ta tante Sophie ! Elle m'a envoyé le lien vers ton blog ,j'étais curieuse de voir comment tu trouvais l'Inde.J'ai lu pas mal du début et je vois que tu es bien "imbibée".J'ai bien aimé retrouver dans tes commentaires des lieux et impressions que j'avaie eus:la gentillesse des gens dans les trains,les rides d'autobus impossibles ,les pipis stop aléatoires,les travellers déjantés ,les trippeux d'ashram dont tu fais maintenant parti on dirait ! Par contre,t'a pas l'air encore trop mêlée, au contraire,alors bons quarante ans,profite de tout et peut-être à un de ces jours

    Maxine

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    1. Allo Maxine!
      C'est gentil d'avoir pris le temps de m'ecrire...Merci pour tes voeux. Ca se passe bien pour moi, j'aime ce pays envers et contre tout! Je suis presque triste de le quitter pour aler au Vietnam mais bon, je reviendrai...
      Bon printemps quebecois, au plaisir de se rejaser!

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