lundi 27 août 2012

Rien ne me manque sauf moi-meme

J'ai pique ce trait de genie a Brigitte Fontaine car il decrit precisement mon senti en ce mois d'Aout 2012...

Voila: je suis en Inde, je realise un reve, je suis libre comme l'air, je fais de belles rencontres et pourtant je me sens incomplete, morose, mal dans ma peau. Je sais que mon plus grand defi n'est pas de parcourir la planete mais plutot de reussir a habiter mon propre espace, de cesser de me fuir et de demeurer en contact profond avec moi-meme; avec mon coeur, mon corps, les emotions et au-dela, surtout avec le temoin immuable de tous ces phenomenes. Car mon desir de communion avec l'autre est en realite une aspiration spirituelle a l'Unite; quete incessante que seule ma propre presence pourra combler. Seul l'absolu peut combler ma soif d'absolu et je prie pour avoir enfin le courage de contacter cet ineffable a l'interieur au lieu de le projeter a l'exterieur, que ce soit sous forme d'ami(e), d'amoureux, d'enseignant ou de guru. C'est clair que ce que je cherche, c'est mon propre etre, ce n'est pas quelque chose que quelqu'un peut me donner. D'ou crise de foi: crois-je vraiment que l'eveil ou la paix est possible pour moi dans cette vie-ci? Si oui, vis en consequence, si non, allez, arrete de faire des retraites et de lire des bouquins de Krishnamurti, Swami Prajnanpad et compagnie! "C'est la qu'on est rendu", comme dirait feu RBO.

Mc Leod Gange est un agreable milieu de vie, petit mais anime. Je vais dans un centre converser avec des Tibetains voulant ameliorer leur anglais, dans des discussions portant sur des themes aussi differents que la globalisation ou les moustiques! Ils sont tellement souriants et desireux d'apprendre, il nous appellent "teacher" avec un amical respect et je passe la de bons moments, assise par terre dans la salle de classe surpeuplee (et surchauffee).Les exiles m'epatent par leur attitude positive. Je rencontre une jeune nonne qui a ete elevee dans un monastere, elle est rayonnante et me dit : puisque tu n'as pas d'enfant, pourquoi ne deviens-tu pas nonne toi aussi? Mmm pas certaine que ce cadre soit pour moi -pas tout de suite en tout cas, peut etre a 75 ans?!

Je prends un cours de cuisine avec un homme tres doux et gentil qui nous raconte son exil a travers les montagnes a l'age de 14 ans avec un groupe. Ils ont souffert du froid et de la faim; l'un des adultes s'est meme fait amputer des deux pieds suite a des engelures. Notre ami chef cuisinier avait l'air beaucoup plus vieux que son age et  tres afflige de ne jamais pouvoir revoir sa famille demeuree au Tibet. Nous avons appris l'art de modeler la pate pour faire des momos, delicieux raviolis cuits a la vapeur que l'on peut farcir au gout avec de la viande ou juste des legumes et du fromage, ou encore version "fusion", avec du chocolat, des noix et des fruits secs.

J'ai assiste a une seance de yoga ; le prof etait tres  intense et avait une prononciation qui rendait le tout un peu comique. Sa petite fille de deux ans a suivi a une partie du cours, collee dans les jambes de son papa.  "Yoga class time no any kind of tension...Good feeliiings, haaappy feelings...Rrrrelax your mushlesss...whole vody feel rrrefresss. " Il guidait les postures d'un ton chantant, comme s'il etait en train de reciter des mantras, bref ca donnait une couleur exotique au cours!

J'ai vu un spectacle de danse qui m'a laissee grandement perplexe. Un drole de zigoto, habille d'une veste traditionnelle, a d'abord fait une prestation ou il tournoyait sur lui-meme, puis il s'est lance dans une impro sauvage de style "one-man-rave", ou il s'est jete contre les murs et a envoye valser plusieurs vetements dans  un strip-tease partiel, avant de nous inviter a le joindre dans une sorte de "contact improvisation" ou il faisait des acrobaties loufoques (il s'est colle le front sur mon front, les yeux dans les yeux et a bascule sur moi; je me suis retrouve sur le dos, avec le gus suspendu au-dessus de moi sur mes tibias, sa sueur me degoulinant abondamment sur le visage ( dans le processus j'ai perdu mon piercing et failli ne pas le retrouver !). Bref j'aime les trucs experimentaux mais la j'avais l'impression d'un gars afflige d'un syndrome de personnalite limite qui fait des shows parce qu'il a besoin d'attention. Quoi qu'il en soit, c'etait tout a fait unique et je m'en souviendrai longtemps!

Je lis a nouveau le journal en buvant un excellent cappucino et j'apprends qu'a Sri Nagar, un groupe anonyme a diffuse affiches et pamphlets dans lequels ils disent aux femmes qui ne portent pas le hijab qu'elles s'exposent recevoir de l'acide au visage. La police enquete pour savoir si c'est un canular, mais ce n'est certes pas rassurant.

Des familles hindoues qui vivaient au Pakistan reviennent au pays parce qu'ils ont peur: enfants victimes d'intimidation et de violence a l'ecole, enlevements et demandes de rancon, menaces d'extorsions de toutes sortes et jeunes femmes converties de force a l'Islam...

On sait qu'en Inde il y a enormement de foeticides (avortements selectifs) et de bebes filles abandonnes a la naissance et ce, d'une part parce que toute famille veut au moins un enfant male pour perpetuer son nom, d'autre part  parce qu'un grand nombre de filles est un cauchemar financier pour les pauvres a cause de la coutume de la dot, pourtant officiellement tombee en desuetude mais largement observee (surtout en milieu rural). Au Rajasthan, la police a commence a prendre des prelevements d'ADN sur les cadavres de bebes  afin d'avoir une preuve permettant d'incriminer les parents fautifs. Le ratio femmes/hommes est de 883 pour 1000. Des millions de femmes assassinees dans ce pays, c'est tres triste et  preoccupant.

A Bengalore, un homme met le feu a une fillette de 10 ans pour se venger d'un vieux conflit qu'il avait avec le pere de celle-ci. Brulee a 75%, elle est entre la vie et la mort. Je me demande vraiment comment ca se passe dans la tete de certaines personnes...c'est tellement brutal et primitif comme comportement.

Entrefilet: un leopard a ete lapide par la foule alors qu'il pourchassait un garcon. Dans certaines regions, les animaux causent beaucoup de torts aux villageois: elephants detruisant des recoltes entieres, tigres  et leopards tuant des animaux domestiques ou meme des humains...gulp. On est bien chez nous, avec nos ecureuils, ratons-laveurs, mouffettes et autres bestioles inoffensives!

Je recois un bon massage tibetain; c'est assez profond, melange d'acupressions et de massage a l'huile.
Il pleut tellement qu'on croirait qu'on nous deverse des chaudieres d'eau sur la tete et les rues deviennent presque des ruisseaux: impossible de rester sec!

Un matin, je marche jusqu'a Baghsu puis Daramkot, lieu paisible ou se trouvent deux centres de meditation bouddhiste ou je prends des informations. J'ai envie de refaire une retraite de silence mais en meme temps, j'ai besoin de bouger dans mon corps, envie de yoga. Vu de gros singes sur le bord de la route. A l'Institut tibetain des arts, c'est presque desert mais un employe m'ouvre la porte du musee, officiellement ferme, ou je peux admirer quelques costumes d'opera et habits traditionnels. Je mange un copieux et succulent thali du gujarat, prend des infos sur les horaires de bus et un rendez-vous chez le dentiste pour un nettoyage (20$!).
Le soir j'assiste a un concert au Bouddha Hall; chanteuse et tablaiste tres doues et touchants.

Le 19 aout je prends un bus de nuit et me deporte a Rishikesh, "la ou resident les sages", capitale mondiale du yoga a en juger au nombre d'ashram per capita! Je me trouve une chambre tres propre et pas chere dans un quartier tranquille  puis j'arpente les deux rives du Gange de long en large. J'ai vu le fameux ashram abandonne de Maharishi Mahesh Yogi ou les Beatles ont ecrit the White Album en 1968 mais la grille est fermee, donc je n'ai pas vu l'interieur (fort decrepi au demeurant). Je me fais aborder par un mec un peu louche qui a l'air d'avoir trop fume mais je decourage ses elans amicaux par ma froideur indifferente.  Je vis un moment de grace dans le jardin du Niketan Ashram: des chants devotionnels apaisants semblent effacer la fatigue de la mauvaise nuit passee dans le bus. Une mere de famille m'aborde pour prendre des photos avec son fils et moi. Un autre quidam, fils de riche, m'offre un chai et il est citoyen du monde et bien gentil mais il me saoule (moulin a paroles) alors je decline son invitation a souper. Je vais au Divine center, pour un massage ayurvedique et le therapeute se donne a fond; en sortant je flotte sur un petit nuage... Au guest house, le soir venu, je fais la connaissance de Shay, un Israelien qui connait toutes les chansons des Beatles, il a une belle voix et joue de la guitare depuis l'age de sept ans, il nous regale d'un mini-concert prive.

Le lendemain, j'assiste a un cours avec Upendra, un grand timide qui enseigne l'hatha yoga; il est a l'ecoute et j'aime son style (fermete et douceur), alors je vais y retourner tous les jours. On fait un rechauffement, puis quelques salutations au soleil suivies d'un peu de pranayama et d'une relaxation; rien de complique mais ca me remet en mouvement et me reconcilie avec cet art ancien, dont j'avais fait une overdose en 2010 quand j'avais commence a enseigner au Peps.

L'apres-midi, un peu par hasard, j'aboutis a Devi's music school, un lieu dedie a celebrer la vie par la musique, la meditation et la danse! Je suis tellement touchee par leur accueil que j'en ai les larmes aux yeux. Il s'agit d'une famille dont le pere est prof de philosophie, l'une des filles est une vedette de chanson populaire (Devi, qui malgre son jeune age a enregistre pas moins de 70 albums et dont l'argent a servi a construire le centre, tout neuf et pourvu d'ordinateurs, ecran plat geant, materiel pour enregistrer et tutti quanti), ensuite Neeti, artiste accomplie et ange de bonte qui enseigne la danse et le chant classique indiens, une autre soeur artiste peintre et le frere Raj, realisateur de films. Tout ce beau monde est modeste, souriant et attentionne, c'est vraiment impressionnant d'arriver dans un lieu pareil, de voir ces gens desireux de donner et de partager ce qu'ils sont et ce en quoi ils croient. Le papa me prete des livres et me dit que le chant et la danse sont comme une priere, de la joie pure .Il me dit aussi: ici c'est chez toi, tu viens quand tu veux, nous sommes ta famille... Je me sens le coeur tout ouvert et j'experimente expansion et gratitude! Merci la vie pour cette rencontre. Le vent souffle et je me sens renaitre, la brise m'entoure de douceur.

Au guest house, encore une fois je suis minoritaire parmi les Israeliens avec lesquels je sympathise. Yael est une jeune femme determinee qui a passe trois ans a Delhi pour etudier le chant classique, helas elle a le rhume et ne peut chanter ce soir-la. Nous allons a l'ashram Devi pour un Kirtan improvise; nous chantons, dansons un brin et  regardons des videos de Devi (kitsch a souhait); je suis super energisee apres.

Je vais le lendemain avec Shay voir une magnifique chute d'eau. Je me baigne brievement dans la fraicheur benefique de cette eau qui vient de la montagne, puis nous grimpons tout en haut et aboutissons a un village isole ou des cultivateurs travaillent dans leurs champs en terrasses; tout est vert vif et si tranquille, wow!

Asif me manque, je me rachete une carte sim et lui telephone: il est stresse car il decore son magasin et ca coute plus cher que prevu, mais bref tres bientot il pourra realiser son reve d'avoir sa propre boutique, je lui souhaite un grand succes, il a travaille fort pour en arriver la. J'aurais envie de retourner le voir dans le sud avant d'aller en Malaisie mais ce n'est pas raisonnable, il est tres occupe. Je verrai apres le Nepal! A suivre.





"Let deep longing dwell in your heart
   never give up, never lose hope."

Shaikh Abu Said












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