mercredi 12 septembre 2012

Avant la tempete, avant la nuit

Avant de vous narrer le trajet qui m'a emmenee ailleurs, permettez-moi de vous citer encore quelques entrefilets vus dans le journal, soit pour leur drolerie ou au contraire leur tristesse: incroyable mais vrai.

Un Chinois en visite au Sri Lanka a tente de voler un diamant de 14 000$ en l'avalant mais aussitot fait, il est arrete et emmene a l'hopital pour y recevoir un laxatif...Un autre Chinois a failli mourir etouffe pour avoir voulu faire une surprise a sa fiancee: il s'est enferme dans une boite et s'est fait livrer chez sa dulcinee; le hic c'est que la course, au lieu de durer quelques minutes a pris trois heures et il etait evanoui lorsque la boite fut enfin ouverte. En Inde, une campagne de prevention du sida utilisait des personnages mythologiques tels Shiva et Parvati pour promouvoir l'usage des condoms, mais ils ont du se raviser devant la colere de certains groupes religieux. A Kolkotta, un fantome seme l'emoi: plusieurs ont apercu des formes volantes laissant croire qu'une portion d'autoroute est hantee, a tel point que des chasseurs de fantomes (ghostbusters) enquetent. Six freres et soeurs, orphelins, ont signe une petition pour demander a un juge la permission de se suicider, n'ayant rien a manger. A Bihar, une jeune Nepalaise, rescapee de trafficants, a ete ensuite violee par le chef de police et plusieurs autres officiers. La police a couvert les trafficants, qui se faisaient passer pour un organisme de charite.  Il existe a Patna une association qui s'appelle: Tortured Women's stuggle Front. (On n'imagine pas au Canada une realite pareille). Enfin, fait inquietant: la Chine parle de la region d'Arunachal comme etant le sud du Tibet et reclame au gouvernement indien pas moins de 90 000km carres de terres! Est-ce ainsi que les hommes vivent, comme dirait l'autre?

Revenons au train de nuit en route pour Varanasi: rien a signaler, j'ai plutot bien dormi et  nous arrivons a 13h30 dans une etuve de chaleur humide, poisseuse. Nous relaxons dans un resto et parvenons a prendre une douche, o luxe supreme, pour constater apres 5 minutes que nous revoila tout aussi trempees de sueur. Peu importe, nous avons goute un peu de repit avant de prendre un bus local. Devant moi se dresse une pyramide imposante de baggages, je me prends a prier pour que le chauffeur ne prenne un virage brusque, sous peine d'etre ecrasee sous les sacs et les valises! On s'installe tant bien que mal pour la nuit: fauteuil non inclinable et  soubresauts de rigueur, innombrables pauses chai; sommeil decousu et cou casse (air connu).

Nous arrivons a l'aube a la frontiere du Nepal et devons reveiller les douaniers qui se presentent en camisole, tout aussi fripes que nous. Nous nous separons, Catie va a Katmandou et moi a Pokhara. Au revoir,  j'espere! Ce fut un plaisir de te croiser sur ma route. J'enchaine avec un autre bus local, qui mettra neuf heures a parcourir 180km... Patience, patience! Heureusement, le paysage est ma-gni-fi-que! Tout est verdoyant et paisible, reposant et accueillant, j'ai des reminescences du nord du Laos, bref  je suis agreablement suprise. Je prends des photos et discute avec un sud Coreen qui apprend l'anglais.

A Pokhara, impression d'etre au paradis; bien que ce soit la deuxieme plus grande ville du pays, c'est calme et douillet a souhait, situe au bord d'un lac et entoure de montagnes. Des buffles, des coqs et des chevres cotoient les rares voitures. Une biere froide et une douche completent mon bonheur d'etre enfin arrivee. Il fait tres chaud, plus que la normale (de 32 a 38C); on cuit au soleil, plusieurs femmes se promenent avec une ombrelle. Apres le souper, je rentre a la noirceur car il y a -eh oui encore- une panne, mais c'est litteralement enchanteur:  les restos sont eclaires a la chandelle, tout est silencieux hormis les rires et les bavardages et des lucioles batifolent par douzaines sur fond de concert de grillons, quelle paix ! Merci la vie.

Je loge dans une chambre un peu vieillote mais calme. Au matin je deroule mon tapis de yoga dans le jardin pour me replacer le squelette. J'ai mal au cou, mon oreiller etait dur comme la pierre, mais ca n'entame pas ma joie d'etre dans ce lieu edenique. Je fais de petites emplettes et savoure un long moment de lecture dans un beau restaurant ombrage. Je devore "Les fleurs de lune", roman de Jetta Carleton offert par Catie, qui raconte le destin de quatre soeurs dans la campagne americaine du milieu du siecle. Je n'arrete pas de me repeter, etonnee et euphorique: je suis au Nepal, je suis au NEPAL!!!

Mardi le 11, donc hier, j'ai fait de l'insomnie (il faut dire que l'orage nocturne etait intense) mais malgre tout j'ai ete tres active. Apres une heure et demi de yoga, j'assiste pour le plaisir a un cours de kickboxing avec Raju (version nepalaise de Brule Lee). C'est defoulant et nous avons droit, Florion et moi, a un cours semi-prive ce qui implique qu'on sue comme des cochons: on tape comme des fous sur un sac de sable et on rigole de nos maladresses, jusqu'a sortir de la lessives apres une heure et demie de "drill" intensive.

Je m'apercois que le gite est rempli de Francais; nous sympathisons c'est fort agreable. En apres-midi nous partons a quatre louer une barque pour traverser le lac et nous en profitons pour piquer une tete, l'eau est delicieuse, je revis! Rendus de l'autre cote, nous grimpons energiquement au sommet d'une colline pour voir la Pagode de la Paix et jouir de la vue panoramique sur les environs. En redescendant, je commence a avoir les jambes molles...Au retour, nous sommes surpris par une averse intense en plein milieu du lac, je chante pour encourager les gars qui rament, luttant vaillament contre le vent  et je ris de plaisir d'avoir la chair de poule. J'arrive detrempee et frissonnante a ma chambre, m'apercevant que ma lessive, restee sur la corde a linge, n'a jamais pu secher...Wet, wet, wet!

 Apres un copieux souper de pizza dans un restaurant un peu cher mais hyper propre,  nous allons dans un "bluesbar" relax prendre une biere. La, nous faisons connaissance avec une bande de joyeux lurons, dont Elysee, un slammeur roux au nom peu commun; Nico, un Francais qui s'en vient bientot habiter en Abitibi (!), un Belge surnomme Hanuman, guide touristique en Inde depuis trois ans, un Mumbayite citoyen du monde et bon vivant ayant une voix parfaite  pour chanter du Jonny Cash, des gratteux de guitare un peu emeches qui fument a la chaine, enchainant des bribes eparses de musique gitane ainsi que d'autres larrons en foire qui- je ne sais comment- reussissent a jouer aux echecs malgre le chaos musical ambiant.

Je recrute de nouveaux boxeurs potentiels pour le lendemain matin et nous prevoyons aussi  refaire de la musique. Amenez vos potes, plus on est de fous, plus on rit! Je m'apercois que l'on me reflete souvent mon cote rassembleur et dynamique (les Israeliens a Rishikesh me demandaient toujours avec un sourire: c'est quoi tes plans aujourd'hui,  Marika? J'etais quasiment leur gentille organisatrice, suggerant moultes activites, mettant les gens en contact et deployant ma persuasion pour leur faire quitter le repaire ou ils passaient la majorite de leur temps assis.)  J'etais comme ca enfant, je me souviens; comme quoi ca a du bon parfois d'avoir la bougeotte!

Le soir, tous les dieux reunis nous pissent sur la tete, resultat: la rue est transformee en ruisseau, je rentre tres high, pas fatiguee malgre toutes les activites du jour, mais j'ai la surprise de m'apercevoir qu'il a plu dans ma chambre, en plein sur un tas de linge, donc 90% de mes vetements sont maintenant trempes mais qu'importe! Je ris lorsque je decouvre un crapaud  gros comme le poing qui s'est installe dans la flaque d'eau au pied de mon lit (par ou est-il entre?). Enfin, dans la salle de bain, je vois deux-trois rainettes grosses comme mon pouce, mignonnes comme tout. (C'est le genre de choses qui arrivent dans une chambre a deux dollars!) Il pleut il mouille c'est la fete a la grenouillle...Je ne m'en plains pas, cela rafraichit l'atmosphere. Ca devrait continuer un bout de temps, les previsions meteo affichent des orages pour les quatre prochains jours!

Ce matin, Raju est arrive avec une heure de retard mais nous avons tout de meme pousse des cris sauvages, donne des coups de pieds et des coups de poing en tout sens, allant meme jusqu'a faire de mini-combats a la fin. Je n'y retournerai pas helas, car je me suis fait mal a une cheville. (Rien de grave je crois, mais comme je veux faire un trek, pas de chance a prendre).  J'ai brunche avec Anna, etatsunienne transplantee en Chine depuis trois ans, on se conte des tranches de vie couchee sur des coussins, dejeuner royal et vue sur le lac.
Me voici sur internet, j'ai tente en vain de telecharger des photos, c'est trop lent. Je savoure tout ce temps libre avant la nuit...

Petit poeme de Jean Rignac en amuse-gueule:

"La peau, la mort, l'eros,

l'enfant, la peur, la faim

Sont de meme nature,

ici, la ou demain."









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